#2195

Ces derniers mois, j’ai surtout lu des « vieilleries » — du polar anglais de l’âge d’or, en vue de me remettre dans le bain pour la prochaine écriture de Hercule Poirot, une vie (un seul chapitre de fait pour l’instant, faut que je m’y mettes), et bien sûr pour mon plaisir (Dorothy Sayers, Nicholas Blake, quelques Christie, etc.). Et puis de l’encore plus vieillerie, genre des Léon Groc policiers, ou d’autres auteurs oubliés dont les noms ne vous diront pas grand-chose… Ceci en vue de la construction du catalogue d’une nouvelle collection que je lance aux Moutons électriques l’an prochain, en collaboration avec de gentils camarades tels que Mare, Lehman, Luce ou Mauméjean. Une collection de rééditions de littérature populaire ancienne. Il y aura du cape et d’épée, du roman policier, du roman feuilleton, un peu de vieille SF, de l’humour… Surtout des reprises de livres introuvables, français ou anglo-saxons, avec plusieurs traductions inédites.

Mais je ne peux lire que du « vieux », et puis les tâches à venir de la direction littéraire des Moutons exigent aussi que je lance enfin le tome 2 de Space Opera !, dont Raphaël devait s’occuper mais que je reprends vu qu’il est parti sur d’autres choses. Cela faisait un bon moment que je n’avais pas lu de SF actuelle, de toute manière — en dehors d’uchronies et de steampunkeries, je veux dire. En fait, je ne me suis guère tenu au courant des auteurs et courants anglo-saxons récents, et n’ai lu qu’un peu de Cory Doctorow (mais quelle idéologie: c’est tellement libertarien que ça m’a éjecté de ses oeuvres), de Charles Stross (qui écrit atrocement mal mais a une imagination assez captivante), et quelques bouquins par-ci par-là, genre le premier Daryl Gregory. Donc, puisque je dois renouer avec le space op, j’ai sorti des Ken MacLeod de ma bibliothèque — achetés il y a longtemps et encore pas lus. Miam! voilà qui me plaît: de la SF qui cite Sartre, où Dieu n’existe pas, où l’Europe entière a été envahie par l’URSS, enfin bref une SF résolument de gauche, avec beaucoup de culture et pas mal d’humour. Et avec l’accent écossais. Wow.

#2194

Lors de mon dernier voyage à Londres, je l’avais raconté, j’avais acheté quelques vieilles revues anglaises pour la jeunesse, dont des Mickey Mouse Weekly. Outre les très beaux Mickey et Iga Biva de couverture, en couleurs splendides, on y trouve notamment deux bédés bien anglaises, et même extraordinairement british: les enquêtes du détective Monty Castairs, gentleman à monocle, et celles de l’écolier Billy Brave. En voici quelques extraits…

#2193

« In this pleasant and retired spot I was sitting not long ago, enjoying gin and that great luxury and blessing of idleness, concerning which so much cant and false doctrine have been preached. It is, no doubt, perfectly true that a few men, a very few men, are born into the world to whom a great task has been assigned by the Almighty, and they are to per¬form this task or fail at their peril. Woe to the prophet who will not prophesy : doubtless. It would have been woe to Turner the painter if, instead of painting, he had devoted all his energies to that queer, disreputable life he led on the riverside by Chelsea, where he was thought to be an odd specimen of the retired mariner. There are the prophets in words and in paint and in other forms who have their work to do and must do it. But, for the rest of us, our  » work  » is but the curse of Adam, the slavery that we have to endure ; about as blessed as oakum-picking and limestone quarrying and treadmill climbing and the other employments of the poor? fellows that we call convicts, as if we were not as much convicts as they. We have been convicted of the offence of being born, and the sentence of the Court has been that we shall earn an honest living : an awful and a dreadful doom, if we had the courage to confess it. »

Arthur Machen, The London Adventure or the Art of Wandering, 1924.

#2192

Week-end bédé : j’ai lu ou relu des tas de Seth (d’où le strip d’hier), d’Andi Watson et de Michel Rabagliati — trois dessinateurs au style pour moi infiniment séduisant, cette sorte de ligne claire plus claire du tout, à la fois frêle et charbonneuse, je ne sais comment définir cela mais j’aime.

En parlant de bédé, un truc me fait bien ricaner: Dupuis en ce moment a de gros problèmes avec les héritiers Jijé et Franquin, qui ont bloqué la sortie des Gringos Locos de Yann & Schwartz (biographie très — trop? — fictionnalisée du voyage aux Amériques de Jijé, Morris et Franquin, pré-publiée dans Spirou). Ce qui est d’ailleurs très triste pour Olivier Schwartz, qui se retrouve victime de la « légèreté » de son scénariste et de son éditeur (mais aucun article n’en parle, comme d’hab les auteurs tout le monde s’en fout). 35 000 exemplaires peut-être imprimés pour rien? Fichtre. Mais que la maison Dupuis, celle-la même qui a bloqué la sortie d’une monographie de Philippe Tomblaine sur Spirou, celle-la même qui n’a jamais daigné répondre ne serait-ce que par la négative aux trois courriers que j’ai fait pour demander le droit de faire un livre sur Spirou (courriers adressés successivement à Claude Gendrot, Eric Verhoest et Sergio Honorez, merci à eux), bref que la maison Dupuis qui ne se conduit guère mieux en la matière que la tristement fameuse société Moulinsart, rencontre exactement le même type de problème — quelle belle ironie.