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Londres encore et toujours (3)

Après une journée West End à la poursuite de Dracula, cette journée-ci fut East End et rive sud. J’ai promené mes petits camarades dans Whitechapel, en particulier, et constaté que depuis 2007 où j’avais effectué mes propres repérages sur Dracula, la bobo-isation du quartier a à ce point progressé que presque tout ce qui était taudis et abandon, par exemple sur Fournier Street, et même un peu sur Brick Lane, est maintenant tout pimpant, tout rénové. Ces salauds de pauvres auront été chassés plus loin, bien entendu. À Londres, la pauvreté recule — au sens où elle s’éloigne du centre, partant de plus en plus vers l’est. L’influence de la City voisine s’étend, tache d’huile, et avec elle les remises à neuf. C’est ainsi qu’une ville évolue, que des quartiers depuis si longtemps en déréliction trouvent une nouvelle vie. D’ici peu Commercial Road et Brick Lane seront emplies de petits restaurants bio, de boutiques de commerce équitable et de galeries d’art, c’est certain. À la gare de Liverpool Street, qu’écrase depuis les années 1990 un de ces atroces buildings clinquants de l »époque, le Great Eastern Hotel où avait dormi Van Helsing n’est plus un hôtel, depuis peu visiblement (ils ont encore un site web!). Qu’importe, une pinte quand même à l’ancien bar de l’hôtel, déco Queen Anne, j’adore. Trois mamies bien anglaises complotent à la table voisine, j’imagine qu’elles se racontent des histoires de crimes, Tuesday Club like. 

Nous allâmes ensuite nous perdre du côté d’Elephant & Castle et Bermondsey, soit donc des quartiers de la rive sud absolument dénués du moindre intérêt, mais nos aventuriers ont de ces exigences de documentation jusqu’au-boutiste. Il faut qu’ils passent dans tous les lieux. Ma foi, moi qui cherche à sortir de mes sentiers battus, c’était fort réussi. Au retour, pause fish and chips juste avant d’arriver à Tower Bridge, dans un pub étonnamment peu cher.

Enfin, j’ai accompagné Simon et Gwenn à Camden, où ils avaient pour mission de trouver des bars goths. Ce séjour aura décidément eu un goût de fins, de clôtures d’une certaine époque: sans doute est-ce la dernière fois que je puis faire ma balade favorite, le long du canal du Régent. Les rénovations colossales de KIngs Cross/St Pancras atteignent maintenant le bord du canal, déjà on crée un nouveau quai de l’autre côté, et plus loin au lieu de réhabiliter les vieilles usines on va apparemment tout raser, abattre le mur surplombant le canal, et ériger de grandes bâtisses flambantes neuves (enrobées par les squelettes des anciens gazoducs, qui ont disparus de l’autre côté: on prévoit de toute évidence de les transplanter là, fake fake fake), dont les terrasses pour gens friqués descendront jusqu’au canal. S’en sera fini de mon « jardin secret » post-indus des bords de l’eau, ce lieu si calme que j’aimais tant, qui me relaxait comme rien d’autre. Sans doute devrais-je m’estimer heureux que cet endroit magique ait survécu si longtemps, grâce à l’échec des plans de réaménagement de sir Norman Foster à la fin des Eighties. Mais cette fois l’échéance approche, on a repeint le dessous d’un des ponts, des panneaux de publicité pour les nouveaux immeubles décorent les vieux murs de brique usée. Tic tac, tic tac.

Quant à Camden Market, eh bien, depuis son incendie on l’a reconstruit, encore du fake, il est devenu tentaculaire, monstrueux entassement de made in China. Tout est faux. Je laisse mes camarades au coin de Chalk Farm Road et file vers le centre, tout droit, un très long chemin que j’ai peu fait, puis une large boucle, plante des pieds douloureuse, Russell Square se teinte de rose et les écureuils gris folâtrent, la façade du Russel Hotel s’enflamme, le Brunswick Centre ressuscité plonge dans le bleu. Un tour final dan la gare, avant de rentrer m’effondrer à l’hôtel avec un bouquin, et j’ai trouvé deux livres très intéressants en vue de mon futur Dico féerique tome 3, celui sur les végétaux (que je ne cesse de repousser mais que j’écrirai bien un jour).