Quand était-ce au juste? À la fin des années 90, je suppose. Je me trouvais à Londres en compagnie de Marc Lemosquet et d’un copain à lui (Fabrice, Patrice, je ne sais plus). Un jour, dans un couloir du métro du côté des musées de Kensington, nous entendîmes une fille chanter, avec une très belle voix. Le soir venu, dans notre chambre, nous nous demandâmes pourquoi nous ne nous étions pas arrêtés pour l’écouter — et le lendemain nous y étions allé, la chanteuse se trouvait de nouveau là, avec sa voix à la Kate Bush. Je me souviens que Marc, plus tard, pris contact avec elle: elle se nommait Edwige, était même d’origine française. Elle venait de sortir un premier CD, que je commandais, mais il était si atrocement mal enregistré et pauvrement mixé (ou l’inverse) que le résultat ne fut pas à mon goût; Hier, je repensais à elle, dans un couloir du métro. Et ce matin… j’entendis une voix claire, à la station Charing Cross… et s’était bien elle, après toutes ces années: Edwige. Sa voix a pris des accents à la country, je n’aime pas trop, mais dans les notes hautes c’est toujours le même enchantement. Quelle vie étrange, entre le métro, de petits concerts je suppose, et un album de temps en temps. Mais elle vit de son art et je trouve cela admirable, quoi qu’il en soit.
Zut, temps de pluie. J’ai donc adopté ma solution « de rechange » pour cela: pas de promenade hélas, mais tout d’abord un tour chez Foyles, la grande librairie sur Charing Cross Road. Je me souviens d’un temps, à la fin également des années 90, où je détestais cette boutique, plus rébarbative encore que le foutoir branlant des Gibert de St Michel à Paris. Les rayons étaient classés par éditeurs! Comment vouliez-vous trouver quelque chose là-dedans?! Et alors, si jamais vous vouliez acheter un livre… À une caisse on vous enregistrait le livre en vous donnant un coupon, coupon avec lequel il convenait de se rendre à une autre caisse pour payer, avant de revenir chercher le livre. Un système dément, dont se moque un des panneaux de l’expo du Comica, à l’extérieur, le long d’un immeuble en travaux. Toute l’histoire de Foyles s’y trouve retracée par des cartoonistes britanniques actuels, et ils ne se privent pas d’égratigner le règne de la tyrannique Christina Foyle. C’est très beau et très amusant. Bref, un tour chez Foyles, mais sans rien acheter — j’ai été d’un stoïcisme ahurissant, notez bien. Pourtant il y a un nouveau Jasper Fforde, et puis surtout, surtout, j’ai vu que les Diairies volume deux et trois de Christopher Isherwood sont parus, bon sang de bois ça m’avait échappé. Mais à l’épaisseur, et donc au poids, où ils sont, je pense qu’une commande sur le web un de ces jours sera plus prudente, afin de ne pas me casser le dos en trimballant mes valises. *soupir*.
Je n’avait jamais envisagé de me rendre à l’Imperial War Museum, je dois dire, mais Axel m’ayant conseillé leur expo de photos de Cecil Beaton, et comme le monsieur m’intéresse fort (entre le fait que j’ai écrit cet été un papier sur les Bright Young Things et mon amour de My Fair Lady, par exemple), bon, allez: direction Lambeth. Dans le grand hall d’entrée du musée, des petits enfants en uniforme noir et blanc sont gentiment assis en rond autour… d’un missile V2! J’imagine bien que c’est un prof qui veut le « sensibiliser », m’enfin, bon, l’image de ces enfants semblant en adoration pour une bombe géante m’a frappé par son caractère, hum… disons, « surréaliste », pour être gentil (le mot qui m’est venu en tête, en fait, était « siiiiick », avec la grimace qui va avec). Bon, bon, des tanks, des fusils, tout cela est tellement intéressant… Enfin, l’expo était superbe, c’est certain, et passionnante. En plus, le musée présente quelques tableaux pas dénués d’intérêt — par des peintres bien anglais, je veux dire: très connus ici et parfaitement inconnus en France, genre Nash, Bawden, Piper ou Sutherland.
Après cette plongée dans la tristesse guerrière, mes pas me conduisirent, pas curiosité, au musée du jardinage. Je me demandais bien ce que l’on pouvait y exposer. Les lieux sont intéressants: une ancienne église, adossée à Lambeth Palace. La réponse l’est un peu moins: rien du tout. Ce musée est presque vide, il semble intéresser les gens du coin plus pour sa cantine que pour sa pitoyable expo de vieilles bêches et de vieux comptoirs à vente de graines… Tout de même, une expo en bas a titillé mon goût de Londres: j’avais entendu parler d’un concours pour des « réalisations vertes », et j’avais vu le projet tout à fait farfelu de convertir une partie des canaux du Régent et de Limehouse en piste de nage en plein air. Les autres propositions du concours se trouvaient là, et certaines seraient très réalisables, pour ne pas dire hautement profitables. En particulier, un projet de couvrir les montants de tous les voies surélevées (il y en a 30 km à Londres) de treillis où faire pousser des plantes. Transformer de telle manière ces voies hyper-polluantes en « murs verts » seraient certainement des plus formidable — tiens, ça me fait penser à un projet réalisé, lui, que j’ai découvert l’autre jour: le pont ferroviaire de Blackfriars est couvert de panneaux solaires. De loin, j’ai cru un instant qu’il s’agissait des ailes chitineuses d’une ribambelle de scarabées. Enfin bref, le projet qui vient d’obtenir le premier prix de ce concours est le moins « vert » de tous, de loin, c’est étonnant — mais son concept me plaît: il s’agirait de rouvrir, pour le public, une partie du réseau Mail Rail, le mini-métro qu’utilisait la poste, et d’y faire pousser champignons, mousses et lichens.
En sortant, comme je me trouvais à l’angle du pont de Lambeth, j’ai traversé pour me rendre à la Tate Britain. Par jour de pluie, les musées il y a pas mieux. Sauf que la Tate Britain est en pleine réorganisation et que, sortie d’une énième expo sur les préraphaélites, il n’y a pas grand-chose à voir en ce moment. Sachant reconnaître ma défaite, j’ai donc regagné la station de Pimlico, pour rentrer bouquiner. Hier soir j’ai fini Down the Mysterly River de Bill Willingham, un agréable roman de fantasy pour la jeunesse (par le scénariste des Fables), et commencé le premier volume des Otherland de Tad Williams — une colossale série de SF cyber, j’avais lu ça il y a des années mais jamais continué, je me disais depuis longtemps qu’il fallait que je réessaye. Pas dit du tout que j’ai le courage d’aller jusqu’au bout de quatre volumes d’entre 800 et 1000 pages chacun, ça me semble dingue, mais le voyage peut être intéressant.