« Il suffit que dans le plein des choses, nous ménagions certains creux, certaines fissures — et dès que nous vivons nous le faisons — pour faire venir au monde cela même qui lui est le plus étranger : un sens. » (Merleau-Ponty, La Prose au monde)
Bon, à part ce « vague-à-l’âme » persistant (on va appeler ça comme ça), j’ai eu le petit plaisir de recevoir hier matin les feuilles de tirage de mon Londres, une physionomie et du Paris, une physionomie du commissaire Mare. Tout cela est bien beau, ventru et velouté, conforme à mes souhaits — concrétisation d’un rêve très ancien en ce qui concerne le volume londonien… L’aboutissement d’une passion. J’espère que ça va marcher en librairies et que certains vont se réveiller, car les mises en place initiales sont hélas un peu décevantes, on s’attendait à mieux.
SInon, des lecture comics : le tpb n°18 de Fables, très beau mais terriblement triste ; le premier du spin-off Fairest qui rebondit vraiment superbement sur la série principale (contrairement à Jack que j’ai laissé tomber, ça ne marchait pas pour moi) ; et puis je rattrape mon retard sur les Unwritten, série fascinante, mêlant psychogéographie, histoire des littératures du merveilleux et récit de fantasy post-Harry Potter. Autant dire que ça me parle totalement. Dans le nouveau texte de l’essai Zombies!, mon ami Colson s’interroge à un moment : « Peut-être sont-ils victimes de la confusion entre réel et fiction, une affection qui grignote lentement mais sûrement le monde dans lequel nous vivons ? » Et c’est bien de cela que nous parle Mike Carey, le scénariste d’Unwritten : cet effacement actuel des frontières entre imagination et réalité — un champ dans lequel travaille aussi ma collection la Bibliothèque rouge, bien entendu.
Ah, et puis j’ai lu la bédé de Bryant & May par Fowler, mais franchement, si le dessin est fort plaisant on voit que l’auteur n’est pas assez familier de la narration figurative (il avait pourtant fait un Vertigo, dans le temps?), les ellipses sont très mal gérées, tout cela fonctionne par à-coups, ça se lit comme une sorte de storyboard d’une nouvelle mais pas vraiment comme une bande dessinée… Ce n’est donc pas désagréable mais néanmoins partiellement un échec, l’expérience de lecture n’étant pas pleinement satisfaisante.
Le compagnon d’un ami vient de mourir, après une très longue maladie. Alzheimer. Je me souviens de la dernière fois où je l’ai vu en bonne santé, nous étions descendus ensemble au marché, au pied du Père-Lachaise, première et unique fois où j’ai été au marché dans une rue de Paris. Maintenant, son ami va devoir racheter leur appartement à la famille. Parce que, n’est-ce pas, ils n’étaient pas mariés et donc, le survivant n’a droit à rien. L’Assemblée vient juste d’adopter le premier article de la loi sur le « mariage pour tous » et la droite pousse des cris de gorets qu’on égorge, multiplie les insultes et les propos abjectes. Tout cela m’oppresse, me dégoûte et m’attriste.