#2367

Je l’avais dit, et je l’ai fait : un livre papier auto-édité réunissant ce que j’avais envie de conserver de ce blog…

Pourquoi faire ? Pourquoi réunir sur du papier, sous la forme d’un livre, toutes ces notes de voyages, tous ces extraits de journaux et de blog ? Sans doute par vanité autoriale, bien sûr, mais aussi aussi parce que j’ai le sentiment, vague, sans doute réactionnaire, que les écrits (sur papier) restent tandis que ceux qui ne sont que des assemblages de pixels, des données stockées sur des serveurs distants, peuvent à tout moment s’évanouir…Alors donc, l’envie d’assembler tout cela, de conférer une apparence un peu plus pérenne à tant et tant de textes rédigés au cours des années. Une archive, quoi.J’ai peu réécrit, j’ai parfois coupé, j’ai également sélectionné et abandonné ; enfin, une décision : celle de débuter par mon journal de San Francisco, le tout premier de ces « travelogues » que je décidai soudain d’écrire. En fouillant de la sorte dans les entrailles de mon blog, je suis parvenu à deux constations : tout d’abord, que ce n’est qu’au début de 2003 que mon style a commencé à se trouver, à devenir sinon « littéraire », du moins à acquérir une patte que désormais je reconnais. Ensuite, que pour moi au moins, le présent semble durer trois ans : j’ai interrompu ces compilations début 2010, car ensuite, c’était mon présent, je ne savais plus trier, choisir, c’était encore trop frais. Voilà, faites-en ce que vous voudrez. J’imagine qu’une lecture suivie serait assez lassante, mais c’est ma mémoire, simplement ma mémoire. Avec de sempiternels voyages à Londres, encore et encore, et puis quelques autres destinations : New York, Venise, Florence, souvent Paris, ou bien encore Amsterdam, Bruxelles… Et pour la partie journal, beaucoup de récits de rêves, quelques lectures, quelques fragments autobiographiques, des souvenirs, des descriptions, des instants…
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#2366

Ne nous voilons pas la face, je suis un être casanier. Et pourtant, j’aime voyager, aussi, et je ressens toujours une sorte d’élan joyeux à l’idée de partir. Mais me retiennent chez moi mes trois chattes (la plus jeune est particulièrement malheureuse quand je suis absent, je le sais bien), mes tasses de thé (le monde extérieur étant dominé par la tyrannie du café), et surtout, sans doute, la gestion quotidienne des Moutons électriques, plus difficultueuse à distance en dépit de l’aide de l’iPhone et de l’IPad. Mais enfin, voyages je fais, tout de même. En l’occurrence, je m’engage dans trois semaines de mouvement, avec le Salon du Livre de Paris, puis quatre jours de retour avant de partir en Bretagne, à Bécherel, pour quelques confs en compagnie de Johan Heliot et Xavier Dollo, suivies de quatre jours de repos campagnard chez mes parents, puis d’une journée de retour über chargée avec deux réunions importantes, puis encore trois jours à Bruxelles (chic chic). Ah ah ah, je me sens fatigué d’avance. Pourtant, c’est rigolo, cette vie ; très agréable. La vie que j’avais toujours voulu avoir, soyons franc. Impossible de me plaindre, donc. Hauts les cœurs.

#2365

Depuis que l’oncle Joe tient sur FB son « café » du matin, il exerce une terrible influence sur moi — déjà trois bouquins acquis rien que par sa faute. Le dernier en date, je ne m’attendais assurément pas à tomber dessus chez un bouquiniste lyonnais, mais pourtant: La Magie à Paris par René Thimmy, aux Éditions de France, 1934. J’aime bien cet éditeur, pour sa délicieuse collection policière (« À ne pas lire la nuit ») et pour quelques autres ouvrages, genre le 1900 de Paul Morand, par exemple, ou Édouard VII et son temps de Maurois, qui firent partie de mes références pour la « Bibliothèque rouge ». Mon exemplaire ne bénéficie pas de la belle illustration de celle de Joseph, je n’ai qu’une sotte couverture en papier jaune. Bref, René Thimmy, donc, dont Joseph m’apprit qu’il s’agissait en fait d’un certain Maurice Magre (1877-1941), occitaniste, poète et passionné d’ésotérisme. C’est bien entendu dans cette dernière catégorie que s’inscrit cette Magie à Paris, très curieux et souvent très amusant portrait de nombre de mages, sectes et phénomènes « mystérieux » du Paris des années trente. Pour tout dire, c’est si étonnant et (pour le mécréant que je suis) si apparemment farfelu, que je l’ai lu comme une sorte de fantasy urbaine fort bien troussée, construite comme un reportage. Il y a quelques années, j’étais tombé amoureux des Voyages au pays des voyantes d’André Salmon, de la même époque, également très amusant mais plus tendre et plus terre-à-terre, alors que René Thimmy/Maurice Magre veut y croire, visiblement.

#2364

Qu’est-ce tu lis dédé dis donc? Eh bien, des trucs qui ne seront pas au goût de tout le monde, je suppose. Pas des « litt de l’im », en tout cas, pour l’instant — quoique j’ai commencé avec gourmandise Les Lames du cardinal de Pierre Pevel, enfin paru en poche. Mais sinon, d’un côté j’ai entamé mes lectures et recherches en vue du troisième Dico féerique, celui sur le règne végétal (serait temps). Avec notamment le délicieux WIldwood de Roger Deakin — le journal d’un vieux passionné de nature, qui s’était rendu célèbre outre-Manche pour sa défense de la nage dans les cours d’eau et étangs un peu partout, et qui ici parle du rapport aux arbres. C’est d’une grande beauté, je suis sous le charme (sans jeu de mot). Et puis je ne sais pourquoi, envie de calme, de profondeur, j’ai eu l’idée de relire La Prose au monde de Merleau-Ponty. Mon ami Olivier, féru de philo, me l’avait fait lire il y a longtemps et j’ai éprouvé le besoin de me replonger dans cette prose incroyablement dense (l’auteur n’a jamais achevé ses brouillons, en fait) mais traversée de fulgurances, de véritables lumières, c’est splendide, tellement intelligent. Tout ça fait du bien.

#2363

Bien bien bien… Le YS Trente ans est chez l’imprimeur, je viens d’accepter le BàT du prochain Fiction, les Zombies ! arrivent lundi matin, l’intégrale Ruritanie est bientôt bouclée, le Jeury aussi, le Thévenin et le Zaccone itou… ça fait tout drôle, d’être à ce point à l’heure… Tout juste si je ne m’imaginerai pas avoir bientôt du temps libre, tiens, ça fait peur. Mais non ouf, j’ai plusieurs bouquins à écrire…

Niveau lecture, voyons voir… J’ai eu envie de relire Wizard of the Pigeons, de Megan Lindholm, un roman de fantasy urbaine que j’avais superlativement apprécié en son temps. Au point d’en avoir alors acheté une édition assez luxueuse — qui ne s’était pas vendu, d’ailleurs, car cet auteur vendait excessivement mal. Un bel hardcover à l’épaisse couverture grise (thème du roman oblige), bord des pages noir, papier gris très épais… vraiment un objet d’exception. Depuis, bien sûr, l’auteur a changé son fusil d’épaule : en ayant assez de ne rien vendre de ses très beaux romans, elle a changé de nom pour l’androgyne « Robin Hobb » et s’est mise à pondre à jet continu, cyniquement, commercialement, de la lavasse à base de lieux communs — enfin, c’est l’impression que j’en avais eu, en essayant de lire les deux premiers, sans goût ni saveur, tellement ennuyeux que je n’ai jamais été plus loin. Ça plait énormément, y compris à des lecteurs respectables et de bon goût, alors je ne sais, sans doute il y a-t-il quelque chose d’intéressant dans cette production, mais l’envie m’en a passé. Quant à ce beau roman de fantasy urbaine, il fut traduit en français chez Mnémos (sur mon conseil, puis-je me vanter), sous le titre Le Dernier magicien.

Ordoncque, je le relus. Et c’est toujours plaisant, belle histoire, belles intuitions, cette ville de Seattle (que je ne cesse de confondre avec les paysages de San Francisco que, eux, je connais) est bien rendue, le sentiment urbain, et la rudesse d’une existence SDF. Pourtant, qu’est-ce qui me manque, me demandai-je? Car pour apprécier cette relecture, je lui ai cependant trouvé un goût de trop peu… En définitive, c’est simple: pionnière dans le domaine de la fantasy urbaine, l’auteur s’est faite dépasser par l’évolution du genre. Et en particulier, selon moi, par ce qu’apporte au niveau stylistique quelqu’un comme Kate Griffin. Là où le cycle du Midnight Mayor pique la langue, entrechoque les descriptions, crépite et fuse, le style de Megan Lindholm/Robin Hobb est d’une terrible platitude : c’est le non-style issu des ateliers d’écriture type Clarion, ce laminage utilitariste de la prose qui fit des ravages outre-Atlantique dans les années 1980, une narration confondant efficacité avec absence d’aspérités. Une littérature à laquelle, pour moi, il manque une dimension.

Et puis j’ai eu envie, ayant relu pour l’YS anthologique un essai sur le sujet, de relire le cycle Titan de John Varley. Je suis donc descendu faire quelques fouilles à la cave, afin d’en extraire un incunable poche jamais retouché depuis sa parution originale. Et vous savez quoi? J’ai la même impression — en pire, je crois : zéro style, Varley n’écrit pas, il rédige. C’est lisse, sans génie, sans effet — une littérature d’ingénieur, propre et bien peigné. Pour le moment, je trouve l’intrigue suffisamment distrayante, amusante, inventive, pour poursuivre cette lecture, mais tout de même, que cette prose aseptique est pauvre, atone… Au point que je n’arrive pas toujours à me construire une image mentale des paysages ; pire même: je me surprend à me dire que cette littérature-là fait moins que le cinéma, ou que la bande dessinée ; elle est si plate qu’elle semble au bord de l’échec narratif: ça manque d’âme.