#2258

Dimanche en banlieue verte. Littéralement, puisqu’il s’agit de Bègles, la ville dont Noël Mamère est le bon maire. Avec deux attraits dominicaux : un vide-grenier, tout d’abord, où j’ai trouvé deux jolies pièces d’enfantina, deux vieux albums qui avaient déjà pris une rincée le matin mais n’étaient pas fichus. Et puis, longtemps que je me disais qu’il fallait que je pousse mes pas vers l’un ou l’autre des nombreux lacs qui ponctuent le territoire béglais. Enfin, lacs, moi je dirai plutôt étangs, mais qu’importe. C’est donc dans la verdure que je me suis promené, aujourd’hui, dans une de ces balades en « coulée verte » comme j’en apprécie d’habitude plutôt à Londres. Bords de ruisseaux (que l’on nomme ici des « estey »), parcs semi en friche, voies cyclables dans l’herbe, lac privé pour cheminots, lac pas privé pompeusement désigné « plage urbaine »… Et photographier sur les bas-côtés l’ordinaire en tableaux serrés, des étendues de petites fleurs, de mauvaises herbes, et puis l’eau sous le ciel bas. Tout de même, il me faudrait un vélo. Ce serait franchement nécessaire, même, pour de plus amples promenades de ce genre.

#2257

Faut que j’vous dise. J’évoque fréquemment, et à fin d’aide-mémoire, mes lectures, mais il y en a dont je ne parle pas, ou guère : celles que j’effectue en tant qu’éditeur. Pourtant, bien sûr, je lis également beaucoup dans ce cadre-là. Mais c’est une autre forme de lecture, et j’hésite toujours à m’étaler sur mes coups de cœur et travaux éditoriaux. Ainsi n’ai-je pas exprimé ici le plaisir réjoui que j’ai eu en lisant le recueil où Jaworski revient enfin au Vieux Royaume, Le Sentiment du fer. Ou l’espèce de saisissement admiratif, comme un long souffle, éprouvé en lisant Chasse royale du même. Ou bien encore l’excitation de dévorer en une semaine Véridienne de Chloé Chevalier, un début de série fantasy « dynastique » que l’on sort fin août. Mais cette fois, j’ai bien envie de vous parler plus en détails d’un manuscrit qui m’a renversé: La Fenêtre de Diane de Dominique Douay. Un inédit qu’il vient juste de finir, dont j’avais lu un petit tiers donc je savais que ça allait être splendide, mais là… Oh, bonheur. Un grand roman, tout simplement (ça sort en septembre).

Car je ne suis pas allé à Angers: la gabegie ferroviaire a eu raison de mon courage, trop c’est trop. Alors hier j’avais un peu le cœur lourd — et la tête plus encore, rapport à une grosse crise de rhume des foins, comme écrirait un gendarme. La faute sans doute aux marronniers du petit jardin Bertrand de Goth. Enfin bref, j’ai donc passé ma journée assis sur la terrasse, j’en ai même bronzé, luttant contre la migraine, les éternuements et les yeux brouillés, mais plongé dans, subjugué par, rivé à,  « La Fenêtre de Diane » que j’avais transféré dans la liseuse. Lire un roman entier, de bonne taille, en une seule journée, n’est pas expérience si fréquente. Et c’est du grand Douay, de la grande SF: visionnaire comme un Robert Charles Wilson (pour l’ampleur cosmologique), intime comme un Patrick Modiano (troubles des souvenirs et travail sur le témoignage), hanté par Philip K. Dick (et sa disparition), riche de tranches autobiographiques (un peu truquées, forcément)… Ah quel roman. Bon sang de bois, si celui-là n’est pas nominé à plusieurs prix c’est à n’y plus rien comprendre, moi j’vous dis.

Et puis sinon? Continué à tracer ma route dans les Maigret, lu aussi un Modiano, justement, L’Herbe des nuits, dans un même mouvement car il y a bien des points communs entre ces « romans gris », le mystère des gens, l’observation, la mémoire, l’enquête, un peu de tristesse, beaucoup de Paris…