Fan comme je le suis à la fois de la fantasy urbaine et de l’histoire des littératures du merveilleux, je ne suis pas peu heureux d’avoir donné cette semaine à l’imprimeur les fichiers de Sombres cités souterraines de Lisa Goldstein, qui sort aux Moutons électriques en janvier, traduit par mon excellent camarade Patrick Marcel. Un superbe roman qui part du constat que j’ai fait plusieurs fois dans le Panorama, celui d’une singularité de la fantasy dans le fait que pas mal de ses chef-d’œuvres proviennent d’un récit fait par un adulte à un enfant. Dans le comics Unwritten, Mike Carey a travaillé sur une idée semblable, le thème est très riche et intrigant.
« Vous savez ce que je crois ? reprit Ruthie. Vous dites que vous avez déjà vu ça. Je crois que votre mère avait raison – je crois que vous lui avez vraiment raconté ces histoires – mais à présent, je me demande si vous avez été le seul. Il y a une tradition d’adultes qui inventent des histoires pour les enfants, mais peut-être… Peut-être qu’ils ont tous débuté comme votre mère a commencé ses livres, peut-être que c’était en fait les enfants qui ont raconté ces histoires aux adultes. Le point de vue établi veut que Lewis Carroll – Charles Dodgson – ait inventé ses histoires pour Alice et ses sœurs, et que J. M. Barrie ait conté ses récits à cinq jeunes frères, dont l’un se prénommait Peter. Mais si ça s’était passé dans l’autre sens ? Si différents enfants, à différentes époques, étaient tombés par hasard sur cet endroit – ce Monde en Bas – et avaient essayé de l’expliquer à un adulte ? Et vous voyez : les aventures d’Alice se passent sous terre – c’est même le titre d’origine : Les Aventures d’Alice sous terre. Et les histoires de Barrie parlaient d’un endroit qui s’appelait Neverneverland, le Pays Imaginaire – peut-être que le nom dérive de Nether Land. Et pourquoi pas Le Vent dans les saules ? Il y a là un personnage qui s’appelle Taupe, et Kenneth Grahame a inventé les histoires pour son fils Alastair… »