Venant de lire en partie le gros recueil de Jean-Pierre Hubert concocté par Richard Comballot chez Rivière Blanche dans un superbe devoir de mémoire, j’en suis ressorti avec un certain vague-à-l’âme tant il me semble que son œuvre a mal vieilli, allant des stratégies narratives seventies au formalisme eighties jusqu’à une certaine abstraction sèche, sans rien comprendre finalement de ce qui agitait la science-fiction. Une œuvre à côté de la plaque, historiquement intéressante mais néanmoins un échec en fin de compte, ai-je l’impression. Il faudrait que je relise certains de ses romans. Curieux comme en musique de tels « péchés » constitueraient une patine, voire même une identité, alors qu’en littérature ça me semble constituer une forme d’impasse.
Jean-Pierre Hubert fut important, pour moi : j’adorais ses textes, à l’époque, et l’ayant rencontré lors de ma première convention, à Bordeaux en 1981, je lui avais demandé pourquoi il ne réunissait pas ses nouvelles en recueil : il m’avait dit être incapable d’effectuer de tels choix — « Et pourquoi tu ne t’en occuperais pas, toi ? ». Ainsi fis-je mon premier job éditorial « pro », pour Denoël, alors que je commençais mes études — la directrice de collection refusa que mon nom apparaisse dans Roulette mousse, car « ça ne se faisait pas »… Peu d’années après, eh bien ça c’est mis à se faire tout à fait couramment. Toujours est-il que Jean-Pierre me prit sous son aile, il fut mon premier mentor, attentif et doux. Je le perdis un peu de vue plus tard, il s’était éloigné du milieu SF tant son échec littéraire lui inspirait d’amertume, tout de même il avait acheté une part sociale dans les Moutons électriques ; et en mai 2006 la nouvelle de son suicide fut mon premier deuil, je me revois pleurant entre les bras de mon premier stagiaire…