[…] Elle avait toujours aimé les nuées fuligineuses, les cercles de pluie sur les flaques ondoyantes, les feuilles bourgeonnantes relâchant des gouttelettes, les racines tirant leur subsistance de la densité des mauvaises herbes. À Londres, l’eau omniprésente apportait la survie et les nouvelles pousses. Le soleil ne donnait que sécheresse et dessiccation, faisant suer le pavé et gêner les gens. Il lui semblait que toutes ses traces de souvenirs s’emplissaient entièrement d’eau : les boutiques aux baldaquins ruisselant, les passants avec un imperméable en plastique ou aux épaules trempées, les adolescents blottis sous l’arrêt du bus jetant un œil à l’averse, les parapluies d’un noir luisant, les enfants pataugeant dans les flaques, les autobus vous dépassant dans une éclaboussure, les poissonniers sortant leur étalage de plie et de maquereau dans leurs plateaux plein de saumure, l’eau de pluie coulant à gros bouillon dans la fourche d’un écoulement, les gouttières fendues dont la mousse pend comme des algues, les reflets huileux sur les canaux, les arches de chemin de fer dégouttelantes, le tonnerre sous haute pression de l’eau s’échappant des portes d’écluses de Camden, les lourdes gouttes tombant sous l’abri des chênes du parc de Greenwich, la pluie rouant de coups la surface opalescente des piscines désertes de Brockwell et de Parliament Hill, les cygnes trouvant refuge à Clissold Park ; et à l’intérieur, les taches gris-vertes de l’humidité qui monte, s’étalant à travers le papier peint comme des cancers, les survêtements humides séchant sur le radiateur, les vitres embuées, l’eau suintant sous la porte de derrière, les traces orangées au plafond détonnant un tuyaux qui fuit, un distant goutte à goutte dans le grenier tel le tic-tac d’une horloge. […]
(Christopher Fowler, The Water Room, 2004)