Assis place de la Croix-Rousse au soleil, comme un petit vieux. Fragile délice d’un rayon hivernal, sous un ciel juste voilé d’une légère gaze. Si j’étais chat, j’en ronronnerai. Je regarde les gens passer — oui, bon, surtout les garçons. Il y a quelques années, les jeunes gens avaient tous les cheveux terriblement ras. Maintenant, le petit bourgeois, le fils à papa, a le bon goût de porter les cheveux longs ou mi-longs, mèches sur le visage, et impeccablement fringués. Lisses, propres. Derrière moi le manège fait tourner sa grêle mélopée. Les pas crissent sur la terre rouge. À la devanture d’un marchand de journaux, la photo de Carla Bruni a été taguée d’une jolie tache juste au niveau du pif, un nez de clown.
Il y a dans Lyon trois ou quatre endroits où j’aimerai vraiment bien habiter, mais il faut reconnaître que je ne vis dans aucun d’entre eux, je suis installé dans l’un des pires, ou, tout au moins, un des plus vilains. Seule la présence estudiantine apportée par l’école de dessin, de graphisme et d’animation en face, Émile-Cohl, y apporte un mouvement, une jeunesse agréable. Las: ces dernières promotions, le look artiste est repassé au barbu-chevelu un peu crade.