#2272

« When I was young I fantasised about the future. […] Now that I’m living in it, I find it all a bit tatty. I was expecting us to be on other planets by now. I wanted genetic transformations and orbiting cities instead of Internet porn and small improvements in personal stereos » déclare Arthur Bryant dans l’un des romans de la série Bryant & May par Christopher Fowler, que je relis avec délectation. Et je partage son sentiment, c’est sûr. Notamment, je ne pensais pas qu’il ferait si chaud, dans le futur. Ni que Cabu serait encore dans le Canard enchaîné (il a été drôle, un jour, ce dessinateur?).

Enfin, en tout cas je m’éclate vraiment à relire Chris Fowler, et j’attends le prochain avec impatience (début août, chic). Et ne me lasse pas d’être épaté de si bien connaître les lieux de ces enquêtes, tout comme ceux hantés par les personnages de Ben Aaronovitch et Mike Carey: marrant comme Bloomsbury et tout le nord-est est devenu territoire du fantastique urbain de Londres…

En parallèle, je lis The Night Watch de Sarah Waters, superbe et captivant roman sur et autour du Blitz (en VF il s’intitule Ronde de nuit). Certains écrivains ont le pouvoir de faire vivre, juste en quelques lignes, de véritables individus, de créer des existences entières.

#2265

[…] Elle avait toujours aimé les nuées fuligineuses, les cercles de pluie sur les flaques ondoyantes, les feuilles bourgeonnantes relâchant des gouttelettes, les racines tirant leur subsistance de la densité des mauvaises herbes. À Londres, l’eau omniprésente apportait la survie et les nouvelles pousses. Le soleil ne donnait que sécheresse et dessiccation, faisant suer le pavé et gêner les gens. Il lui semblait que toutes ses traces de souvenirs s’emplissaient entièrement d’eau : les boutiques aux baldaquins ruisselant, les passants avec un imperméable en plastique ou aux épaules trempées, les adolescents blottis sous l’arrêt du bus jetant un œil à l’averse, les parapluies d’un noir luisant, les enfants pataugeant dans les flaques, les autobus vous dépassant dans une éclaboussure, les poissonniers sortant leur étalage de plie et de maquereau dans leurs plateaux plein de saumure, l’eau de pluie coulant à gros bouillon dans la fourche d’un écoulement, les gouttières fendues dont la mousse pend comme des algues, les reflets huileux sur les canaux,  les arches de chemin de fer dégouttelantes, le tonnerre sous haute pression de l’eau s’échappant des portes d’écluses de Camden, les lourdes gouttes tombant sous l’abri des chênes du parc de Greenwich, la pluie rouant de coups la surface opalescente des piscines désertes de Brockwell et de Parliament Hill, les cygnes trouvant refuge à Clissold Park ; et à l’intérieur, les taches gris-vertes de l’humidité qui monte, s’étalant à travers le papier peint comme des cancers, les survêtements humides séchant sur le radiateur, les vitres embuées, l’eau suintant sous la porte de derrière, les traces orangées au plafond détonnant un tuyaux qui fuit, un distant goutte à goutte dans le grenier tel le tic-tac d’une horloge. […]

(Christopher Fowler, The Water Room, 2004)

#2223

« For me, as for many others, the reading of detective stories is an addiction like tobacco or alcohol. The symptoms of this are: Firstly, the intensity of the craving–if I have any work to do, I must be careful not to get hold of a detective story for, once I begin one, I cannot work or sleep till I have finished it. Secondly, its specificity–the story must conform to certain formulas (I find it very difficult, for example, to read one that is not set in rural England). And, thirdly, its immediacy. I forget the story as soon as I have finished it, and have no wish to read it again. If, as sometimes happens, I start reading one and find after a few pages that I have read it before, I cannot go on. » W. H. Auden, The Guilty Vicarage.