#2262

De retour, alors. Après un week-end aussi chti que concentré et fructueux, où l’on peut dénombrer en particulier un samedi de 8h à trier des images et à les scanner, 2 concerts d’un soir, une relation pas vue depuis 30 ans, et une braderie dominicale fort riche d’où je rapporte seulement 28 ouvrages ; j’ai donc été fort raisonnable vous l’admettrez. Et pour tout cela quelques 11h de train, bien sûr.

#2259

Durant mes dernières années lyonnaises, je me heurtais à la ville. Souvent, en fin de journée, il me prenait l’envie d’aller un peu me dégourdir les jambes, d’aller marcher — mais où? Et je restais chez moi, car au dehors tout n’était plus qu’un autre enfermement, celui de rues mornes et laides, de plus en plus ternes au fur et à mesure qu’elles devenaient plus neuves, en un terrible paradoxe. Finies les petites rues de Villeurbanne, finies les vieilles usines et les maisons campagnardes, finies les ruelles du quartier Lumière, finie la coulée verte du chemin de fer de l’Est… Longtemps j’avais pratiqué la balade urbaine dans ces régions-là, notamment avec mon premier coloc Léo, mais la modernisation et la surpopulation avaient eu raison de tout ce que je trouvais agréable et charmant, et il ne restait que de hauts immeubles neufs et ordinaires, des rues propres et pourtant puantes à la première chaleur, plus trace de vert, plus de respiration.

Ces envies de sortir, elles me prennent toujours, bien sûr. Mais ici, outre que je peux aller respirer dans le jardin chaque fois que je le veux, il me suffit de sortir, de faire quelques pas, et je ne rencontre nulle agression, je respire aisément, l’oppressante sensation de me trouver enfermé même à l’extérieur n’existe plus. Tout à l’heure, je regardais mon bout de quartier, depuis le bord de la voie ferrée, et je me disais qu’ici le ciel semble bien plus vaste. Les maisons étant basses, les nuages ont plus de place, le ciel s’étale à l’aise, il domine, la ville ne se gribouille qu’au ras du sol, humble provinciale. Et même si je ne vais pas loin, juste sur le pont au-dessus des voies, je peux admirer d’un côté l’ouverture de l’emprise ferroviaire en direction de la gare, avec au-delà les vertes collines. De l’autre côté, simplement la large échancrure du ciel au-dessus des toits, les nuées empilées ou l’azur strié de traces blanches, haut, si haut. Ou bien alors, je vais me promener dans les petites rues d’échoppes blondes du proche Bègles. Ou bien encore, je fais ce que j’en suis à nommer le « chemin des boîtes »…

Nous l’avons fait en partie ensemble, souviens-toi Axel, et même entièrement, souviens-toi Christine : le « chemin des boîtes » cela consiste à tourner à gauche après les voies, et à effectuer un certain parcours, pas toujours parfaitement identique, telle rue ou telle autre mais les stations obligées sont les « boîtes à lire » qui, dans un long trajet en demi-cercle, peuvent m’amener depuis la place Nansouty jusqu’aux abords de la Bourse du travail. Oh, je n’y trouve pas souvent grand-chose, dans ces boîtes — et j’y dépose plus souvent qu’à mon tour —, mais qu’importe, c’est la motivation qui compte, l’alibi amusant, pour tracer mon chemin le pas léger.

#2254

Hier soir j’ai été à la messe. Celle des amateurs de prog, puisqu’un groupe italien jouait dans la campagne au-delà de Libourne, The Watch, et qu’il s’agissait de reprises de The Lamb Lies Down On Broadway de Genesis… Que voulez-vous entre le fusion, le prog et la fantasy il semblerait que je n’ai que mauvais goût, « mauvais genres » résolument! Et quelle messe ce fut, quel beau, grand et pur moment de bonheur. Les Italiens jouent tout cela avec une aisance confondante dans sa virtuosité et un plaisir entièrement partagé avec les spectateurs. Je pense que c’est mal, de prendre autant de plaisir à écouter de la musique, tiens. Je n’en reviens pas encore. Avec en plus de belles rencontres : les frères Payssan, de l’excellent groupe bordelais Minimum Vital. Échangé des souvenirs d’anciens combattants avec Thierry (claviers) et charmé/abasourdi par le débit accéléré de Jean-Luc (guitares), qui inversant soudain le rapport d’admiration me reconnu et me dit volubile toute l’admiration qu’il a pour les Moutons électriques. Ouaah. Et m’sieur Poa, sans qui. Merci Philippe. Une belle dose d’énergie positive, tout ça.

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#2547

Il fait tellement doux, en ce moment, que le matin je m’assoie dans la chaise longue, au dehors, et que je lis au soleil. Bonheur simple, partagé par les trois chattes qui gambadent alors autour de moi, se roulent sur la terrasse, mangent de l’herbe, frémissent du museau… Pour ma part, ne sachant guère frémir du museau je tend simplement l’oreille, tâche d’écouter un peu le calme de la ville, la rumeur du boulevard comme un souvenir d’océan, un train qui passe, les oiseaux, un tintement, un aboiement, un coq, une cloche, un pigeon… Toute cette tranquillité depuis un minuscule bout de jardin au fond d’une impasse. Pas grand-chose à demander de plus.

#2540

Il y a déjà longtemps, alors que je me trouvais avec lui dans la maison de son grand-père à Nyons — lieu aimé de plusieurs séjours savoureux —, et parce que je venais de lui dire mon goût pour les vieilles couvertures peintes du Livre de Poche, Ugo Bellagamba passa dans la chambre d’en face et en rapporta une édition de Babbitt de Sinclair Lewis, à l’illustration effectivement très belle. Et il me lu le début du roman — un morceau de prose d’une beauté à tomber. Le reste de ces brèves vacances provençales, je lu ce roman, avec un immense plaisir ; entre la beauté du style, parfaitement rendu dans la VF, et l’humour grinçant du texte, cette ambiance urbaine des années 1920, tout cela m’enchanta. Ce matin à la brocante Saint-Michel, j’en ai acquis une jolie édition hardcover (de 1968, mais illustration de jaquette datant de l’édition de 1952), avec grand plaisir.

C’est amusant : depuis des mois, un vendeur rapporte petit à petit toute une collection anglaise, d’une personne qui visiblement était particulièrement friande de biographies de « gens connus ». Des « célébrités » parfaitement inconnues de moi pour la plupart, stand-up comedians, personnalités des médias des années 1960 ou 70, lords et politiciens… Tout un univers bien britannique, dont j’acquière de temps en temps un élément, telles cette bio d’Edith Wharton, cette autobio de la jeunesse d’Ernest Shepard (l’illustrateur de Winnie l’ourson), ce document sur la fin de vie du duc de Windsor (le roi destitué aux louches amitiés nazillonnes)… ou bien encore Cheaper by the Dozen de Frank B. Gilbreth, alias Treize à la douzaine en VF, que je lu étant enfant sur le conseil de ma mère, tout comme L’œuf et moi ou Des chats dans le beffroi, autant de vieilles comédies qui me faisaient hurler de rire étant môme…

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