#2396

Pas la manière la plus « glop » de commencer une journée, en réalisant que c’est aujourd’hui, il y a un an, que Roland disparaissait.

1097955_488908847869178_2095227650_nMon oncle Jean me disait l’autre jour que je néglige mon blog et c’est assez vrai, faute d’avoir temps, énergie et, surtout, substance, à y déverser. Cette époque de l’année, c’est-à-dire l’été, n’est pas pour moi propice à être expansif. Recroquevillé dans un appartement surchauffé, je me contente de survivre à un nouvel été de mistral et de canicule, en serrant les dents. Et en bossant, malgré tout, tant bien que mal, dans le ronronnement bruyant du Dalek à climatiser (« Exclimate! Exclimate! »). Tandis que je mettais en pages le génial polar préhistorique de Tim Rey que les Moutons sortent en janvier, mon stagiaire estival maquettait la grosse anthologie sur les détectives d’antan, et commençait la numérisation d’un roman de Roland, justement, en vue de l’intégrale raisonnée de ses œuvres de jeunesse. Les imprimeurs semblant manquer de travail, nous avons également réceptionnées moult palettes de livres très en avance.

#2395

Il s’agit du manque principal d’une bonne partie de la littérature : l’absence des odeurs. C’est même le signe d’un bon auteur que de songer à porter quelques notes sur senteurs et remugles, en passant, dans un texte, me semble-t-il. Notre société est toute orientée sur l’image, et puis elle est essentiellement urbaine, un environnement où je crois bien que le règne de l’odorat s’estompe  — moi-même je ne sens pas grand-chose, en ville, j’ignore mon odorat, ne retenant que, parfois, cette effluve de brûlé de la nuit urbaine, ou bien cette trace d’humidité qui s’exhale de la cave, me rappelant des souvenirs de notre maison familiale en Bretagne.

À la campagne, en revanche, et à plus forte raison par cette chaleur, je suis surpris par l’assaut de tant de parfums. La flagrance des fleurs, bien entendu, mais aussi le fumet de l’herbe, le piquant d’un sous-bois, l’haleine fraîche d’un bosquet, une pointe d’eau… Il manque en ville ces dimensions-là, qu’il faudrait redécouvrir…

#2394

La relative fraîcheur apportée par la nature m’aura protégé un peu de la chaleur, à défaut de me protéger des moustiques, le week-end dernier. Installé dans un bosquet, chez mes parents, j’ai écrit et écrit et écrit, le premier jet d’un court roman de fantasy urbaine jeunesse. Je vois déjà qu’il est trop court et présente quelques faiblesses (enfin, celles que je discerne dans l’immédiat, sans encore le recul nécessaire sur ce texte), mais ai néanmoins ressenti le plaisir d’un boulot bien avancé. Et puis écrire m’évitait de trop penser à cette terrible chaleur.

Ensuite, je me suis rendu dans le Nord, pour deux jours : une journée avec Boris, le très sympathique repré d’Harmonia Mundi, qui m’emmena à Lille et à Bruxelles rencontrer des libraires ; puis une journée dans l’antre bruxellois de Sara et Yal, où nous discutâmes longuement de nos projets en commun, mangeâmes des madeleines maison sans gluten, et passâmes une chouette soirée avec la correctrice Alice et son mari.

Le retour à Lyon fut amplement occupé de jaworskienne manière (réception de stocks, colisage, facturage, timbrage et postage…) + bouclage de l’essai Teen ! avec mon ami Olivier Davenas, tandis qu’Hippolyte le stagiaire estival avançait sur quelques OCR et la correction/mise en page d’une grosse anthologie sortant l’année prochaine, préparée lentement et de longue date avec Christine Luce, autre Nordiste émérite. Que cela prenne enfin corps est très agréable. Plus que cette sensation de pesanteur dans la tête, provoquée par la chaleur et par les troubles afférents du sommeil…

Je lis avec une délectation sans mélange The Magician King de Lev Grossman, une fantasy superfétatoire, du nec-plus-ultra du genre. Beau, drôle, poignant, frais, toute la grâce particulière de la fantasy vibre dans ses pages — toute la séduction du merveilleux, plus un peu d’impertinence post-moderne très bienvenue. J’apprécie au point que j’essaye presque d’en ralentir la lecture, afin de le savourer un peu plus longtemps.

#2392

Je bosse, je bosse, peu de choses à en dire. Et peu de vacances, qui vont se résumer au week-end prochain à la saline d’Arc et Senans ; au week-end suivant chez mes parents pour la Grande Réunion Annuelle de la famille ; et au dernier week-end d’août, pour la Braderie de Lille (chic, chic !). Non que je me plaigne : je suis enfin parvenu à regagner le retard accumulé depuis mon mois de vadrouille sur les routes de France. Je vais donc pouvoir me mettre à la rédaction du troisième Dico féerique, par exemple. J’ai aussi pas mal d’articles à faire, il faut que je trouve la pêche pour cela. La chaleur est là, hélas, qui me coupe un peu les pattes comme chaque été lyonnais.

Niveau lectures, j’ai redécouvert (une fois de plus, j’y reviens tout le temps) les premiers Gaston de Franquin, quel rire, quel génie ! Les premiers Schtroumpfs de Peyo, aussi, formidablement frais. Ah, « La Faim des Schtroumpfs », à la fois poignant et poétique. Et le mystère inhérent à la vie de ces lutins — si les petits Schtroumpfs ont tous 100 ans d’âge et que le Grand Schtroumpf est âgé de 542 ans, que c’est-il passé entre-temps? Et où sont leurs parents? …

Et puis, surtout lu de la jeunesse, pour lesdits articles, mais aussi pour le plaisir : les Trenton Lee Stewart, qui commence enfin à être traduits en français et s’avèrent de réjouissants textes dans la veine narrative d’Harry Potter, malins, originaux, une jolie réinvention de certains thèmes de littérature populaire. Le premier Everness de Ian McDonald, aussi, un peu décevant car l’auteur me semble avoir légèrement dilué son intrigue, tout cela est sympa mais pas entièrement convaincant. Également lu La Maison des mages d’Adrien Tomas, chez mes amis Mnémos, qui se lit ma foi plutôt comme de la jeunesse aussi, de la fantasy archétypale éclairée par des trouvailles et développements agréables. Quoi d’autre? Ah oui, si profond et si bouleversant: The Ocean at the End of the Lane de Neil Gaiman. Bref mais superbe, empli d’images fortes, et de belles peurs. Touchant, intelligent… Sans doute un livre majeur. Bon, et puis The Rise and Fall of Mount Majestic, par Jennifer Trafton. Lu sur les conseils de David Camus, qui l’avait lui-même lu pour un éditeur français (qui ne l’a pas publié…), c’est une délicieuse fantasy jeunesse, très pratchettienne mais sans les sempiternelles petites leçons de moral qui me gonflent chez cet auteur. Marrant, inventif, prenant, vraiment bien.

Allez, je retourne bosser.

#2391

Écoutant sur le web la station de progressive rock Aural Moon, je viens d’y prendre une  petite madeleine. Un beau morceau qui mélangeait folk andin et prog, ça me disait quelque chose, je regarde le nom des artistes… Los Jaivas ! Oh bon sang, je n’avais plus pensé à ce groupe depuis… Depuis très longtemps, en fait.

Je ne pense pas avoir jamais eu de disque de Los Jaivas, mais très curieusement je les ai vu en concert, une fois — dans la banlieue de Limoges. Oui, cette même banlieue que j’évoquais en passant dans mon billet précédent, cette affreuse et grise et triste banlieue nichée sous un supermarché, au bord d’une autoroute, l’endroit le plus disgracieux et cafardeux où mes parents aient jamais eu l’idée de s’installer. Un jour, il fut question d’un concert de musique des Andes, dans un local du coin, et par désœuvrement nous y allâmes. Grosse surprise : sous couvert d’attirer du public pour écouter « El condor pasa », ce petit groupe chilien glissait peu à peu à sa propre musique, et… Wow! Mais c’était du progressive rock!! Mon genre favori! Il est rare d’entendre du prog live, quand on est en France, et à plus forte raison par surprise et dans un cadre aussi famélique… Quelle était donc l’existence de ce groupe, pour qu’ils se retrouvent à jouer dans un bled pareil? Leur fiche sur wikitruc dit que la formation existe depuis 1963, et qu’ils jouent toujours, j’imagine que ce ne sont plus les mêmes membres, j’imagine aussi que durant les années 1980 sans doute se trouvaient-ils en exil, pour fuir la dictature de Pinochet?

Une autre fois où j’entendis du prog par hasard, ce fut à Bordeaux, également dans les années 1980, où passant devant la gare un jour d’octobre j’eus l’impression que des flots de musique verte coulaient par toutes les ouvertures. Il s’agissait d’un concert gratuit de Minimum Vital, le groupe des frères Payssan.