#2369

Ça va, après la déception initiale du volume graphique, le reste des volumes de cette mini-collection sur le métro de Londres semble tenir ses promesses : des récits psychogéo et personnels, sur la ville et sur son métro, ça me plaît (beaucoup). J’aime en particulier cette manière qu’ont certains auteurs de savoir tresser avec naturel des brins d’autobio et des réflexions, de manière apparemment désordonnée, au fil de la pensée, pour finalement construire une narration qui fait sens, qui me parle. Dès que j’aurai récupéré assez de neurones (j’ai de nouveau la crève, l’impression d’avoir été mâchouillé par une grosse bête), il faudra que j’évoque un peu Roger Deakin, tiens.

Dans un tout autre genre, lu l’espèce de bio / entretien avec Fournier, paru chez Dupuis. Amusant et très astucieux, très touchant, cette manière de brosser le portrait d’un auteur de bande dessinée… sous la forme d’une bande dessinée. J’ai toujours aimé Jean-Claude Fournier, son Spirou c’est celui de ma jeunesse, et au-delà de Spirou, j’ai également toujours eu un gros faible pour Bizu, dont une intégrale commence à sortir. Libraire à l’époque, je m’étais réjouis de la parution des deux tomes chez Fleurus… et encore pus, lorsque Dupuis avait repris le flambeau, en quatre albums qui sont les plus beaux de l’auteur, au sommet de son art. Mais je désespérais de les vendre, personne ne voulais les acheter, les gens préféraient se précipiter sur les dernières daubes racoleuses, Bizu c’était bien trop poétique, bien trop singulier, un merveilleux très original — il n’y avait pas de sexe crapoteux ni de violence outrée, en pleine époque des Malefosse, Mortelune et autres vomitives Chroniques Barbares, alors vous pensez… Chaque nouvel album me semblait un petit miracle, et à chaque fois le suivant était annoncé à la fin… Jusqu’à la parution du 4e, qui annonçait bien un 5e, mais non, il n’est jamais paru, les commerciaux avaient eu la peau de Bizu. Après, Fournier a livré une longue et médiocre série, gentillette et répétitive, au dessin hâtif et aux scénarios indigents, et là, comme de bien entendu, ça c’est un peu vendu. J’ai pieusement conservé les albums de Bizu. Mais je vais quand même acheter l’intégrale, complétiste que je suis.

Toujours en bédé, lu la série Masqué de Serge Lehman, au dessin tristement inconsistant mais au scénario très curieux, captivant, au goût d’étrange… Et le premier tome de son autre nouvelle série, L’Homme truqué. Le père Lehman est décidément entré de plain-pied dans la bédé, tant pis pour la prose, tant mieux pour l’imaginaire, on retrouve là tout le sel de la Brigade chimérique, c’est bien, Lehman creuse ce fascinant sillon. Et Gess a quelques fulgurances graphiques intéressantes.

#2368

Reçu le coffret des petits livre de chez Penguin publiés en célébration des 150 ans du métro de Londres. Mal commencé avec le volume graphique, pure escroquerie intellectuelle, une suite de gribouillis ne faisant nullement sens. Le début d’un autre me fait resonger à l’architecte Richard Seifert. De même que les années 1990 ont été architecturalement dominées par les travaux de sir Norman Foster et, dans une moindre mesure, de sir Richard Rogers, dans les années 1960-70 Londres fut massivement marqué par les tours et autres bâtiments de Richard Seifert. Pourtant, on ne les voit plus : leur style typiquement « international » fait que, très critiqués à leur époque, ils ont aujourd’hui glissé dans l’anonymat de tours lisses et banales, d’une laideur terriblement Seventies. Mais… et s’ils n’étaient pas si laids, les bâtiments de RIchard Seifert ?

Suivant l’opinion générale, j’ai longtemps considéré Centre Point, la grande tour blanche qui s’élève au carrefour de Tottenham Court Road, comme une verrue abominable, un échec planté avec orgueil sur une place venteuse et abominablement triste, elle-même un autre échec patent. Et pourtant… La dernière fois que j’étais à Londres, j’ai subitement regardé cette tour d’un autre œil. Parce que le design des années 1950-60 et, dans une moindre mesure, des années 1970, est actuellement en plein revival et très à la mode, et parce qu’enfant de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise j’ai de toute manière toujours entretenu un goût certain pour l’architecture Seventies, tendance maintenant mieux informée et bien réévaluée, oui, mon regard fut différent soudain. Eh, mais c’est qu’il n’est pas si laid, ce Centre Point. En fait, il est même d’une belle élégance, avec sa façade toute en nids d’abeilles blancs, et la vaste passerelle vitrée qui la relie au bâtiment d’à côté. Finalement, ce n’était pas tant la tour qui était laide, mais son accueil public qui fut désastreux, et sa « mise en scène » sur une piazza ratée qui fut également désastreux. Mieux mise en valeur, cette tour démontrerait ses grandes qualités architecturales et sa beauté typique d’une époque trop vilipendée. Une mise en valeur dont il faut espérer qu’elle sera réalisée, enfin, à la faveur des grands travaux qui transforment actuellement ce centre de mes visites à Londres depuis toujours en une immense béance terreuse, un trou noir urbain qui a avalé d’aussi immenses icônes locales que la salle de rock Astoria et le Virgin Megastore historique. De mes anciens repères, ne restent plus que la librairie Forbidden Planet, déménagée à deux pas de là, et… la tour Centre Point, eh oui.

#2367

Je l’avais dit, et je l’ai fait : un livre papier auto-édité réunissant ce que j’avais envie de conserver de ce blog…

Pourquoi faire ? Pourquoi réunir sur du papier, sous la forme d’un livre, toutes ces notes de voyages, tous ces extraits de journaux et de blog ? Sans doute par vanité autoriale, bien sûr, mais aussi aussi parce que j’ai le sentiment, vague, sans doute réactionnaire, que les écrits (sur papier) restent tandis que ceux qui ne sont que des assemblages de pixels, des données stockées sur des serveurs distants, peuvent à tout moment s’évanouir…Alors donc, l’envie d’assembler tout cela, de conférer une apparence un peu plus pérenne à tant et tant de textes rédigés au cours des années. Une archive, quoi.J’ai peu réécrit, j’ai parfois coupé, j’ai également sélectionné et abandonné ; enfin, une décision : celle de débuter par mon journal de San Francisco, le tout premier de ces « travelogues » que je décidai soudain d’écrire. En fouillant de la sorte dans les entrailles de mon blog, je suis parvenu à deux constations : tout d’abord, que ce n’est qu’au début de 2003 que mon style a commencé à se trouver, à devenir sinon « littéraire », du moins à acquérir une patte que désormais je reconnais. Ensuite, que pour moi au moins, le présent semble durer trois ans : j’ai interrompu ces compilations début 2010, car ensuite, c’était mon présent, je ne savais plus trier, choisir, c’était encore trop frais. Voilà, faites-en ce que vous voudrez. J’imagine qu’une lecture suivie serait assez lassante, mais c’est ma mémoire, simplement ma mémoire. Avec de sempiternels voyages à Londres, encore et encore, et puis quelques autres destinations : New York, Venise, Florence, souvent Paris, ou bien encore Amsterdam, Bruxelles… Et pour la partie journal, beaucoup de récits de rêves, quelques lectures, quelques fragments autobiographiques, des souvenirs, des descriptions, des instants…
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#2366

Ne nous voilons pas la face, je suis un être casanier. Et pourtant, j’aime voyager, aussi, et je ressens toujours une sorte d’élan joyeux à l’idée de partir. Mais me retiennent chez moi mes trois chattes (la plus jeune est particulièrement malheureuse quand je suis absent, je le sais bien), mes tasses de thé (le monde extérieur étant dominé par la tyrannie du café), et surtout, sans doute, la gestion quotidienne des Moutons électriques, plus difficultueuse à distance en dépit de l’aide de l’iPhone et de l’IPad. Mais enfin, voyages je fais, tout de même. En l’occurrence, je m’engage dans trois semaines de mouvement, avec le Salon du Livre de Paris, puis quatre jours de retour avant de partir en Bretagne, à Bécherel, pour quelques confs en compagnie de Johan Heliot et Xavier Dollo, suivies de quatre jours de repos campagnard chez mes parents, puis d’une journée de retour über chargée avec deux réunions importantes, puis encore trois jours à Bruxelles (chic chic). Ah ah ah, je me sens fatigué d’avance. Pourtant, c’est rigolo, cette vie ; très agréable. La vie que j’avais toujours voulu avoir, soyons franc. Impossible de me plaindre, donc. Hauts les cœurs.

#2365

Depuis que l’oncle Joe tient sur FB son « café » du matin, il exerce une terrible influence sur moi — déjà trois bouquins acquis rien que par sa faute. Le dernier en date, je ne m’attendais assurément pas à tomber dessus chez un bouquiniste lyonnais, mais pourtant: La Magie à Paris par René Thimmy, aux Éditions de France, 1934. J’aime bien cet éditeur, pour sa délicieuse collection policière (« À ne pas lire la nuit ») et pour quelques autres ouvrages, genre le 1900 de Paul Morand, par exemple, ou Édouard VII et son temps de Maurois, qui firent partie de mes références pour la « Bibliothèque rouge ». Mon exemplaire ne bénéficie pas de la belle illustration de celle de Joseph, je n’ai qu’une sotte couverture en papier jaune. Bref, René Thimmy, donc, dont Joseph m’apprit qu’il s’agissait en fait d’un certain Maurice Magre (1877-1941), occitaniste, poète et passionné d’ésotérisme. C’est bien entendu dans cette dernière catégorie que s’inscrit cette Magie à Paris, très curieux et souvent très amusant portrait de nombre de mages, sectes et phénomènes « mystérieux » du Paris des années trente. Pour tout dire, c’est si étonnant et (pour le mécréant que je suis) si apparemment farfelu, que je l’ai lu comme une sorte de fantasy urbaine fort bien troussée, construite comme un reportage. Il y a quelques années, j’étais tombé amoureux des Voyages au pays des voyantes d’André Salmon, de la même époque, également très amusant mais plus tendre et plus terre-à-terre, alors que René Thimmy/Maurice Magre veut y croire, visiblement.