#4068

À Bordeaux l’océanique ne se trouve jamais bien loin, fond de l’air, temps changeant, vase de la Garonne, mascaret ; et c’est heureux car il me prend souvent des envies d’Atlantique. Une grande envie d’océan, comme si j’en avais soif, pour paraphraser Calet sur la Seine. Mais il n’est pas aussi simple de se rendre à la plage que d’aller voir le fleuve. La dernière fois, cela devait être en 2018, au Truc vert… et en Écosse. Je pourrais prendre le train pour me rendre sur le Bassin, me direz-vous, et il m’est arrivé de le faire. Mais les dunes, les oyats, les pins, les caillebotis, les vagues, les coquillages – la plage quoi ? Pas si facile d’y accéder, lorsque l’on ne souscrit pas à l’automobile. En plus, je n’aime pas trop me baigner, j’aime simplement m’y promener, m’y asseoir, y respirer, regarder la grande eau. Là, intervient le souvenir curieusement persistant d’un garçon nu aperçu comme il entrait dans les vagues et que j’en sortais, il y a une quarantaine d’années, le buisson sombre de son pubis, ses seins bien dessinés, trapu et rieur, sur une plage alors naturiste. Mais enfin, je vois rarement l’océan, c’est bien dommage.

#4067

« Le monde est soumis (…) aux grandes joies et aux déceptions non moins importantes de la curiosité. » (Pierre Mac Orlan)

Marcher dans la ville au soir tombé est une aventure, d’autant lorsqu’ayant un peu hâtivement conclu que l’on est rétabli, on a déjà beaucoup marché dans la journée. S’asseoir dans un nouveau bar est un soulagement et un plaisir, j’aime retrouver des amis dans des bistrots en soirée. Mais hélas, le vertige à nouveau et devoir rentrer trop tôt, étourdi par les bruits, les lumières, et encore dehors la chaussée vernie, les reflets des éclairages, les phares, les vélos, trop de tumulte pour une tête qui bascule un peu, donnant une légère teinte psychédélique au voyage retour. Le corps électrifié, lire jusqu’à tard dans la nuit, tendu et fourbu, les yeux qui piquent mais la cervelle si éveillée qu’au sortir de la douche il faille se précipiter pour prendre note dans l’urgence de deux scènes qui viennent de s’imposer.

#4066

Un matin gris sur lequel la pluie déverse sa chanson limpide et molle. Peu de pas troublent les pavés luisants, et même les lointains les plus proches paraissent couverts d’une humide poussière.

« Il fit donc comme il en avait l’habitude : flâner, « respirer » l’atmosphère, tenter en quelque sorte d’absorber par ses pores ce que son cerveau n’analysait pas encore. »

#4064

Dans le ciel lumineux du début de journée, la musique joyeuse et dissonante des vols de grues en migration m’appela au dehors. Comment rester enfermé par un jour férié aussi beau, qui claironne et cancane ? J’ai donc été un peu marcher dans la ville, mon unique sport, à admirer l’architecture des façades et passer de petits parcs en jardins. Est-ce ma faute si, ce faisant, mon chemin croisa quelques boîtes à livres et même un bouquiniste ? On est bien peu de chose, chacun sa croix et je rapportai trois bouquins, allez. Documentation, documentation.

#4063

Je devrais sortir plus souvent en fin de journée, afin de saisir le ciel, m’ébahir des nuages, bailler aux nuées. Curieux comme 58 ans après ma naissance, les formations nuageuses continuent à toujours me surprendre. L’immense couvercle en forme de planche de surf qui, bordée de soleil, refermait le ciel au-dessus du quartier ce soir, la dentelle rougeoyante à l’autre bout, une brume orange au fond des voies ferrées, une fumée lumineuse montant au-dessus de la caserne, un mur bleu-gris vers la gare que perçait la clarté des grues… que de spectacles aux quatre vents. Mieux vaut lever le nez un moment que de se laisser stresser par le boulot ou écraser par la fatigue.