Cette nuit j’ai mis le nez dans une curiosité littéraire fort ancienne. En dépit de la lassitude qui m’ensable les yeux et me froisse le dos, je ne parvenais pas à dormir alors j’ai saisi un livre que je venais de trouver dans une « boîte à lire » : The Swiss Family Robinson. Je n’avais jamais lu cela, à peine vu étant enfant quelques épisodes d’une série télé. J’ai pris cette édition car la grosse reliure rouge était belle, offerte à l’époque par le lycée d’Agen il s’agissait d’une traduction anglaise datant de 1905, sur un beau papier très épais et avec quelques illustrations. Je ne suis pas certain que personne ait jamais lu ce volume en entier : des notes à la plume, insérées en page 12, semblent prouver le contraire. Je me suis d’abord amusé de l’anonymat de l’ouvrage, où seul le traducteur est crédité, mais il s’avère que de fait toutes les premières éditions étaient anonymes. Je me suis également amusé du caractère outrageusement bondieusard des propos tenus par le bon père de famille, mais j’ai depuis réalisé que ledit auteur, un Suisse allemand nommé Johann David Wyss, avait rédigé Le Robinson suisse entre 1794 et 1798 — c’est ancien, bien plus que je ne le croyais. Première parution en 1812 : encore un cas de roman rédigé par un père pour ses enfants et n’ayant connu publication et succès que plus tard, hors du cercle familial. À cette lecture, je me suis souvenu de mon instituteur de CM1, monsieur Gouttière, qui toujours sévère dans sa blouse grise, avait pourtant pris un plaisir visible à nous raconter par le menu les aventures de Robinson Crusoé sur son île, allant au tableau pour dessiner les détails de la grotte, sa situation, son installation… Il y a dans The Swiss Family Robinson la même minutie, certainement un délice pour plusieurs générations d’enfants — mais ce n’est presque plus lisible, embourbé dans une morale chrétienne n’ayant plus trop cours et empesanti de trop de leçons, de trop de pieux détours.
Archives de catégorie : Lectures
#2354
Hier soir j’ai relu des Nanar & Jujube de Gotlib, je me suis décidé il y a quelques mois à racheter cette intégrale et celles de Gai-Luron, fort heureusement encore dispo (« racheter » car offertes à mon coloc autrefois). C’est bien, d’ailleurs Gotlib c’est tout le temps bien. Et là je lis Chroquettes de Jean-Christophe Menu, paru il y a peu chez Fluide Glacial, et il parle un peu de Gotlib. J’aime bien Menu, aussi bien son trait tordu que ses propos, et ce n’est pas nouveau, dans le temps j’achetais ses fanzines chaque année à Angoulême — et il faisait déjà la gueule. Je me fous de ce qu’il dit en musique — les goûts musicaux sont parmi les choses les moins partageables, je trouve, et je n’ai pas du tout les siens (euphémisme) — mais le reste, la vie, les souvenirs, la bédé, tout cela mêlé, me semble remarquable dans son agencement comme dans sa pertinence ronchonne.
#2353
Exercice rituel : mes dernières lectures… Tout d’abord, l’envie m’a pris de relire un « roman culte » à moi que j’ai, et ma foi, l’âge du capitaine avançant j’aurai peut-être du m’abstenir car j’ai été, sinon déçu, disons légèrement désappointé. En effet, ledit roman, un petit space op français que je trouvais d’antan hautement amusant, Vautours de Marc Bourgois (paru chez Titres-SF), m’a cette fois semblé un tantinet trop immature. Bien fichu mais… oui, immature est le mot.
Tiens, je parle rarement de bédés, finalement. L’autre jour j’en ai acheté de bien alléchantes : tout d’abord, le Mickey de Lewis Trondheim sur dessins de Keramidas, un grand et bien bel album. Car voici donc que les éditions Glénat se piquent de faire réaliser des albums de Mickey par des auteurs franco-belges, sapristi! Ce premier est graphiquement somptueux, il n’y a pas. Et fan de Lewis, je ris toujours autant de ses gags. Mais… avouerai-je un léger sentiment de trop peu ? Le principe de présenter des gags prétendument tirés d’une vieille et rare revue, pour amusant et original qu’il soit, m’a semblé un rien léger. En refusant de se confronter à une narration complète, Lewis s’est condamné à une superficialité un brin décevante. Enfin, c’est beau, c’est drôle — c’est déjà pas mal !
Car, hem, je ne saurais en dire autant de l’autre album de la collection, par le Suisse Cosey : déjà, niveau humour Cosey c’est pas ça (euphémisme). Et j’ai trouvé toute son histoire bien embrouillée, ni claire ni bien menée, je ne sais où il venait en venir mais ce machin mou et fumeux n’a pas grand-chose pour lui… Pas même le dessin, maladroit, lourd, anguleux, franchement il y a un bon paquet de cases moches, d’incroyables erreurs de dessin, cet auteur réaliste n’a pas effectué le passage au comique sans dommages — et Cosey de se réclamer de Macherot dans un entretien? Oh bonne mère!
Macherot tiens justement, parlons-en : voici que René Hausman sort un album de Chlorophylle, donc d’après Macherot. Mais dans son propre style, qui fait merveille en illustration animalière. Et je vais peut-être blasphémer, mais je n’ai jamais été très convaincu par Hausman en bédé… Ses personnages ont toujours l’air hébétés, ça manque de mouvement, de lisibilité globale… Quant à l’histoire de Cornette, elle est à la fois molle et pas très engageante, tout cela manque de sympathie, de bondissant, de… d’humour, quoi, mais quelle idée de faire des reprises de bédés humoristiques avec si peu d’humour (ou pas du tout, dans le cas de Cosey) ?!
Des déceptions, quoi. Dans la même veine de reprises/hommages, on verra ce que donneront les prochains Lucky Luke de Bonhomme et Tif & Tondu de Blutch. Pas déçu en revanche par le nouveau Spirou & Fantasio des toujours (selon moi) excellents Yoann & Velhman. Tout juste eusse aimé que Dupuis leur octroit plus de pages que d’ordinaire, pour un album aussi historique : le retour du Marsupilami, bon sang! Enfin, Velhman s’est très bien débrouillé avec cette contrainte. C’est à la fois drôle, touchant et plein de références, et Yoann maitrise à merveille le dessin du Marsu, chapeau.
Retour au roman, avec une œuvre mineure mais très belle : Sous l’ombre des étoiles de Thomas Geha (Rivière Blanche). Un planet opera sans temps morts mais sans frénésie non plus, assez poétique en fait, servi par la belle langue ample de l’auteur.
Je n’avais guère entendu parler de l’auteur britannique Simon Ings (quelques nouvelles lues autrefois dans Interzone, me semble-t-il), et à Londres les couvertures de ses romans nous ont vivement accroché les yeux. Je lis donc City of the Iron Fish et c’est magistral. Une fantasy étrange et très littéraire, roman d’apprentissage dans une ville isolée au milieu d’un désert, ville que s’est toujours renouvelée grâce aux rituels, aux symboles et à la magie — mais maintenant les gens sont devenus plus rationnels, plus pragmatiques, alors la cité va-t-elle continuer à se maintenir ?
Last but not least, le dernier Kim Newman, The Secrets of Drearcliffe Grange School. Juste après la Première Guerre mondiale, une école anglaise pour jeunes filles, sévère et perchée sur une falaise, éduque notamment celles qui ont des dons… « particuliers », comme celui qu’à Amy pour la lévitation. Certaines des (super) héroïnes de l’époque viennent d’ailleurs de Drearcliffe. Mais des complots bouillonnent aux alentours, une conspiration de gens masqués, qui menace d’emporter l’école… C’est une sorte d’Harry Potter féminin complètement gothique, un peu la version « école de jeunes filles » de la Brigade chimérique. C’est tordu et hautement réjouissant. Du diable si je sais quel public ce roman peut bien viser, mais moi j’en suis.
#2350
La chance de l’âme solitaire et insomniaque est d’avoir ainsi nombre d’heures de lecture. Et voyons voir, quelles furent mes dernières lectures ? La plus récente : Le Dernier songe de lord Scriven par Eric Senabre, roman policier publié sous le label Didier Jeunesse — je m’interroge encore de la présence d’un tel roman en jeunesse, ma foi, tant il m’a semblé pouvoir être qualifié d’honorable roman policier de la meilleure facture. Avec une pointe de « détective de l’étrange », ce qui ne pouvait que me plaire, l’enquêteur principal, Mr Banerjee, effectuant ses déductions dans des rêves, et notamment ici à la demande d’un mort provisoirement incarné dans le corps de son fidèle majordome. Cela se déroule à Londres au début du siècle dernier, et en dehors d’une unique erreur (Henry Irving, l’acteur, voyons), ça se lit fluidement et agréablement. J’ai souvent avec les textes en français la difficulté de ne pas parvenir à me détacher de mon « œil d’éditeur », qui me fait buter sur tous les verbes ternes et m’irriter de toutes les petites scories… mais il n’y en a aucune ici, la langue est simple mais belle, toujours juste. Un plaisir, donc, doux et divertissant.
je l’ai déjà dit, j’ai aussi lu, en plusieurs épisodes, le prochain roman d’un de mes auteur, Stefan Platteau (Shakti, qui sort en mai). là encore beauté et fluidité, je ne commenterai pas plus amplement qu’en disant que je suis enthousiasmé par la grâce de cette fiction, sa force, son rythme. Pour moi, c’est assez exemplaire.
Lentement, une bêtise too much fort agréable mais… too much, quoi. la première enquête de Lovecraft & Fort, nouvelle agence de détectives ouverte par Alan K. Baker. Il y a une technologie plus ou moins steampunk, toutes les créatures de féerie sont revenus sur Terre, et une expédition est revenue de Mars avec une statuette de l’ancienne civilisation disparue de cette planète. Statuette volée par les zombies d’Al Capone le truand en fer, à moins que ce soit par les vampires de Brooklyn… Ah, et une changeforme, et un super méchant caché sur son manoir dans une vaste caverne aménagée… Charlie Fort et son nouvel assistant, l’un peu maladroit HP Lovecraft, vont avoir beaucoup de boulot pour sauver le monde! Car le super méchant s’avère êre un avatar de Nyarlathotep… Et encore, là je vous fait le résumé rapide. Dans le genre foutraque, c’est assez fortiche, du polar hardboiled lovecraftien. The Martian Falcon.
Une anthologie : Bestiaire humain, composée par un amie et que, honte sur moi, je n’avais lue que partiellement. C’est bon, très bon, divers et surprenant ; et ma nouvelle favorite est sans doute celle de mon excellent camarade Nicolas Le Breton.
Enfin, relecture d’un court polar paru il y a 8 ans chez un micro-éditeur marseillais : Le Linceul du vieux monde de Sébastien Rutès. Court mais dense, se déroulant dans le Paris de 1899, et j’espère le rééditer en Hélios Noir l’an prochain.
#2349
L’ayant trouvé en soldes chez Mollat, je lis un essai de Peter Ackroyd : The History of England volume 1 Foundation. It makes for a fascinating read. Et pour le moment, jamais très loin de la fantasy : Vortigern, Cymbeline, Boadicea, ont existé ; hum, Arthur c’est moins certain. Et les royaumes de Rheged et Gogoddin ne semblent-t-ils pas appartenir à une toponymie de fantasy ?