#5132

Je me tiens à mon programme de (re) lecture de tout Edmund Crispin. Il a écrit presque tous ses romans lorsqu’il avait entre 20 et 30 ans et cela se sent dans son énergie, son humour, ses quelques outrances (des mots rares glissés avec gourmandise), une sorte d’enthousiasme juvénile absolument rafraichissant. D’ordinaire, j’ai souvent du mal à me tenir à un programme de lecture (encore qu’il y a quelques mois je m’étais également refait un marathon Sayers), cette fois cela se déroule sans anicroche, sans lassitude, tellement les romans de Crispin pétillent. Une chose curieuse, Crispin ne situe tout cela qu’à des moments où il fait beau et très chaud — l’Angleterre de l’immédiat après-guerre connut-elle des canicules ou bien l’auteur n’aimait-il pas les ambiances pluvieuses et les courants d’air ordinaires de son pays ?

#5130

Marathon : je lis ou relis tout Edmund Crispin. Il n’y en a que neuf, après tout. Et inévitablement, toutes ces histoires à Oxford me donnent terriblement envie de retourner dans cette ville étonnante, où j’ai séjourné deux fois. Enfin, ça restera une simple envie et je vais continuer à suivre l’irrépressible Gervase Fen. Du moins, le jour : la nuit (insomnies) je suis le non moins irrépressible Benvenuto, sur des sentiers auxquels je ne m’attendais guère (deuxième volet du Chevalier aux épines de Jaworski, à paraître en juin l’année prochaine). Et pour un beau contraste, je viens de finir de relire un vertigineux essai de Serge Lehman (sortie septembre 23).

#5124

Point d’Halloween pour moi, juste avancé ce jour dans ma lecture du deuxième Jaworski de l’an prochain – une suite de superbes et fluides passages sur le fleuve, les villes, la campagne, les bateaux… entre deux horreurs drôles de Benvenuto ; et dans le bocal ombreux de ma chambre, encore un peu d’Antoine Blondin, son sens des formules et sa triste douceur, tandis que l’averse grésille sa sérénade glissante sur le vasistas.

#5121

Un ami vient de m’offrir ce beau livre, essai passionnant sur les albums jeunesse qui se prolonge jusqu’à 1986 afin de couvrir Crapule! et le Sourire qui mord, mais concerne en fait essentiellement les « longues seventies » (1968-1981).

Une période qui est celle de ma jeunesse et tous ces auteurs je les connais, les ai lus et admirés, Nicole Claveloux en tête. Je me souviens de notre prof de dessin en 4e nous affirmant qu’Etienne Delessert était le plus grand des artistes du moment. En tant qu’enfant de Cergy-Pontoise, j’ai l’impression que je baignais tout naturellement dans cette esthétique, que mon environnement était saturé par l’art et le look de l’époque, comme plus jamais depuis. Vasarelly et Folon étaient partout, il y avait des fresques, des couleurs vives (quand la couleur reviendra-t-elle enfin dans notre environnement urbain ?), des sculptures ; les sols, les papiers peints, les livres, les publicités, les bâtiments… vibraient à l’unisson des mêmes courbes et teintes. Avec mon petit groupe de copains (dont le fils aîné d’Annie Ernaux), les rares fois où nous allions à Paris c’était pour retrouver les mêmes architectures, en éclosion dans la capitale : le centre Pompidou, le Forum des Halles et son jardin venaient de percer le tissu de la ville et ils nous fascinaient. Ayant vaguement envisagé de faire un journal au collège, nous fûmes invités à l’inauguration des fresques des quais de la gare de Cergy-Préfecture (maintenant détruites) et au labo de musique de Beaubourg.

« Cette génération a absorbé les codes de la communication graphique la plus débridée et en maîtrise l’énergie qu’elle peut à loisir amplifier ou adoucir en fonction des projets. Elle ne craint pas la concurrence de la multiplication des images dans la société qui lui est contemporaine puisqu’elle embrasse ce mouvement ».

#5103

Eh bien ce sera un texte un peu long. Sans images commentées. J’ai un talon fêlé ou je ne sais quoi qui m’empêche de marcher et n’ai donc pas le courage de prendre en photo mes lectures (chercher les bouquins, les descendre, les ranger à nouveau, tout ça). Ah oui, parce qu’en cette fin d’été je prévoyais d’évoquer un peu ce que j’ai lu ces derniers mois — une époque en soi, pour moi, en particulier parce que je m’étais résolu à ne presque lire qu’en français, afin tout à la fois de me forcer à changer de braquet (métaphore bicyclette), à élargir ma curiosité, à m’éviter les anglicismes dans l’écriture que me reprochait mon relecteur sans pitié (Michel Pagel), et plus globalement à cultiver des influences et inspirations. Je voulais en effet tenter de construire un roman « à la modernistes », et pour ce faire je souhaitais explorer du style, de l’écriture française. Des lectures exploratrices et boulimiques qui allèrent donc sur les territoires du modernisme : les romans en dialogues de Claude Mauriac, les trois premiers « Hommes de bonne volonté » de Jules Romains, beaucoup de Pierre MacOrlan, relire du Carco, Dabit ou Salmon, lire ou relire Calet et Fargue mes piétons favoris, mais aussi regarder du côté de Gracq et de Beucler, pour la poésie urbaine Jacques Réda et pour la poésie rurale Jaccottet et Roud… En polar, toujours approfondir le champ de ces auteurs injustement effacés par la gomme du « noir » : Noël Vindry, Louis Thomas, Jacques Decrest, Raymond Las Vergnas, Claude Aveline, les beaux volumes du CLP… Toujours plonger dans le flot Simenon… Des lectures très inactuelles, peu de contemporains : quelques Modiano bien sûr ; le nouveau Xavier Mauméjean entre histoire, aventures, légèreté et poésie grave ; le Curtis de Nicolas Texier, si ample et fluide et âpre ; le Bateau-brume de Philippe Le Guillou, un peu précieux mais bouleversant ; le remarquable et drôle Lectueur de Jean-Pierre Ohl… En traduction le polardeux italien Valerio Varesi, très simenonesque et doucement atmosphérique… En anglais malgré tout des poèmes d’Etel Adnan et des polars de Dorothy Sayers… Une vieillerie jeunesse prise pour le bon état de sa reliure rouge et or et pour la langue de son début (Trois collégiens en vacances de A. Laporte, 1877)… Une cure des Michel de Georges Bayard en « Bibliothèque verte », qui s’avèrent d’excellents polars classiques… Qu’oublie-je ? Plein de livres certainement, mais l’été s’achève et je suis un peu las. J’écris toujours.