#3043

À quelle vitesse un figuier pousse-t-il ? Pas à vue d’œil, d’autant que je n’ai pas que ça à faire de surveiller un figuier, mais tout de même, ses grandes mains vertes et rugueuses sortent et se déploient avec une précipitation prodigieuse et l’arbre déborde de toute part, il occupera bientôt tout l’espace et se dispute en silence avec le buisson de fuschia.

#3038

Quelques jours sans prêter grande attention au jardin et, les averses aidant, tout a changé. Le figuier a gonflé, creusant une grotte d’émeraude, comme le micocoulier abrite une sombre caverne au-dessus de laquelle l’abutilon tresse un toit. La verveine s’effondre en écharpes odorantes. Le géranium de Madère lève son grand cou, l’acanthe a propulsé le gourdin d’une fleur unique au centre de ses feuilles molles et larges, la menthe déborde son bac en une foule verte.

#3025

Le climat littoral battit de grands vaisseaux à fond plat, des géants blancs au cul sombre qui gesticulent en foule échevelée au-dessus de la ville coite et la morsure d’un soleil mouillé réveille des reflets sur tous les miroirs. Des notes florales et un air frais coulent à travers les rues luisantes. Par ce temps plus que par tout autre, Bordeaux donne le pressentiment de l’océan.

#3019

Chaque année c’est la même chose : je guette le micocoulier qui, longtemps après le reste de la végétation, demeure à l’état de bourgeons… et puis un jour, boum ! Il est couvert de feuilles et je ne les ai pas vues s’ouvrir. Un autre mystère, ce sont les deux grands pieds d’azalées, qui ne fleurissent pas en même alors qu’ils sont côte à côte. Sur l’autre versant des voies, je viens de constater que l’abricotier qui fait mon envie se couvre déjà de fruits. Et les rues sont emplies de coquelicots, en tranquilles explosions rouge au bas des façades blondes.

#3015

Retour de la lumière d’automne, après le grand éclat bleu de ces derniers jours. Marbré et tavelé, le ciel domine de ses grumeaux de grisaille une ville dominicale presque muette. Je déplore en hiver non pas le froid ou la pluie mais que portes et fenêtres closes me coupent de la rumeur urbaine, à laquelle j’aime prêter l’oreille, cet environnement sonore que je décris souvent : pour l’heure le souffle du vent, les grincements d’un train, une voix éloignée, le froissement de papier qui débute le chant du rouge-queue, les pia-pia des piafs, l’appel du coucou. Au jardin se pose un instant un merle au dos aussi tacheté de blanc que si la javel l’avait éclaboussé. Fausse impression d’un confin, la solitude d’une encoignure sans histoire sur la carte.