#2225

C’est un hôpital, abandonné, en haut de Tottenham Court Road. Ou en bas d’Hampstead, comme vous voulez. Je l’avais déjà remarqué il y a des années, et rien n’a changé: toujours le même côté victorien joli comme tout (désolé, la photo était ratée, avec juste un iPhone j’fais ce que je peux, hein?) et une longue façade en déréliction sur la rue. Avec tout de même une ouverture vers le centre verdoyant de ces ruines, car en fait derrière il y a toujours un autre hôpital, bien actif. Je trouve ça fascinant, et un peu triste, et surtout fort interloquant: une masse pareille, abandonnée, en plein Londres? Et puis tout de même, il y a vraiment beaucoup d’hôpitaux abandonnés, ou fermés, ou reconvertis, à Londres, est-ce normal? Il y en avait vraiment trop, ou bien on soigne moins de citoyens britanniques, de nos jours?

L’espèce de choc (le mot est trop fort) que j’ai ressenti en voyant cet hôpital abandonné, il fut double. À la fois me rendre compte que j’étais déjà passé par là et que cette ruine massive n’avait pas bougé. Et qu’il s’agit très certainement de l’hôpital abandonné mis en scène régulièrement dans une série de fantasy urbaine que je lis, un hôpital fermé où officie une infirmière fantôme spécialisée dans les blessures surnaturelles — et malgré tout affiliée à la Sécu. Problème: je ne sais plus dans quelle série. Les Mike Carey, les Ben Aaronovitch, les Kate Griffin? J’adore cette littérature populaire urbano-fantastique actuelle, mais à force ça se ressemble un peu tout, quand même, d’autant que les Carey et les Aaronovitch se passent tous plutôt dans le nord de Londres (et cet hôpital est l’ancien North London Hospital), Euston Road passe non loin.

Faut dire aussi que je manque un peu de mouvement, niveau neurones. Dans un manuscrit que j’ai en lecture, je viens de voir que l’auteur écrit « j’ai dû redémarrer mon cerveau en mode sans échec ». Mon sentiment, exactement. Dracula m’a tuer: trop de fatigue, cette fois, mes camarades d’aventure sont des fous increvables et je suis rentré absolument épuisé. Un épuisement qui se prolonge, une semaine déjà, je lutte contre mon corps, yeux piquant, jambes lourdes, je déteste ça. D’autant plus embêtant que je repars, lundi, pour Édimbourg. Oué, oué, la dure vie de l’intello précaire — mais là, c’est la retraite de mes vieux parents qui va payer, j’avoue. Rêvez pas, je ne gagne pas des mille et de cents. Ce matin j’ai été racheter des patates. Enfin bref. Plus de neurones, je vous dis.

#2212

Il faisait bien trop beau pour travailler. Bien qu’ayant la tête emplie de ce que je dois construire pour la bio d’Hercule Poirot, de considérations sur les années 20 et 30, de pistes sur des chapitres à agencer… et pendant que Xavier corrigeait les deux premiers chapitres, je suis donc allé faire deux grandes balades dans Lyon. Mais les rues commencent à ne guère sentir bon, grève des éboueurs oblige. Devant chez moi, le jardin au bord des voies du tramway est rose d’arbres en fleur, dont l’exubérance se détache joliment sur le fond d’un grand vert du parcours herbu des rails. Entendu le cri rauque d’une mouette, puis le coassement d’un gros corbeau. Entendu aussi un bouquiniste barbu affirmer qu’il est « capitaliste libertaire ». Il m’a offert un Harry Dickson alors je ne peux que me réjouir de cette paradoxale idéologie.

#2207

Rédigé ce week-end la deuxième de mes trois promenades londoniennes commentées, celle qui va tout au long de l’eau de la Tamise depuis Richmond jusqu’à Hammersmith. Je l’ai faite de nombreuses fois et avec pas mal de personnes différentes, cette loooongue balade — 26 km en tout, mais je ne la fais pas tout le temps en entier, on peut la rompre en deux. Pas de vue au sol « street view » dans Google Earth pour les sentiers piétons (ils sont encore dans la dictature automobile), mais en survol je suis malgré tout parvenu à tout reconnaître/suivre, pour bien vérifier chaque segment du parcours. Et du coup, tout cela m’a donné envie de regarder la série documentaire A Year at Kew — très agréable.

Maintenant, il faut que je m’attaque à la rédaction de la balade Sherlock Holmes, que je n’ai parcourue en entier et d’un seul tenant qu’une seule fois. J’en connais bien chaque segment, cependant.

#2205

Depuis le temps que j’y songeais: fini de rédiger la première de mes promenades/guides, pour le Bibliothèque rouge sur Londres. Loué soit Google Earth, qui permet de tout vérifier et de refaire les trajets virtuellement: un plaisir! Boulot énorme, en tout cas — cinq jours pleins! Et près de 40 000 signes. Cette balade part de la gare de St Pancras et va zigzaguant jusqu’à Charterhouse Square (près de Barbican). Rimbaud, Lénine, Machen… et Hercule Poirot. L’une de mes satisfactions, c’est d’avoir découvert que les bâtiments que j’avais trouvé chouettes, au cours des années et des parcours, sont tous classés et ont chacun une histoire fort intéressante. Merveille du web, le site British Listed Buildings dit tout. Allez, deux autres balades à rédiger: sur les traces de Sherlock Holmes, et au long de la Tamise semi-champêtre (de Richmond à Hammersmith).

#2204

Je lis aussi (merci Julie) Promenades anglaises de Christine Jordis, beau recueil en bonne part psychogéographique et en tout cas géographico-littéraire. Oh, que de la bonne vieille « culture officielle », bien sûr, rien que du sage et du fermement reconnu, mais l’auteur en parle superbement.

Contre la conviction d’être damné, contre la sensation de glisser dans la folie et l’obsession du suicide, De Quincey avait trouvé un remède : la marche. Peut-être est-ce aussi la continuité de la marche, un pas enchaîné à un autre, de façon sûre, inévitable, lorsque cet exercice est poussé jusqu’à l’automatisme et que le corps prend le relais de l’esprit, peut-être est-ce ce mouvement pur qu’il faut entendre passer dans ses textes. J’aime à me représenter De Quincey, étudiant évadé, philosophe de la rue marchant dans Londres indéfiniment et « méditant sans cesse à travers le tourbillon de la grande cité ».