#5023

Dans un petit opus que je picore actuellement, le poète Jacques Réda propose de ramener le souvenir que l’on a d’une ville à une ou deux couleurs. Alors pour moi Édimbourg c’est un noir profond et un rouge sombre, San Francisco me reste en bleu de la baie et vert sombre des eucalyptus, Lisbonne se colore du bleu des azuléjos et du jaune chaud des petits tramways, Bruxelles serait plutôt ce cortège de blanc et de verre qui descend le mont des Arts, La Haye je l’avoue ne m’a guère laissé que du gris et du bois sombre, mais Londres alors ? Le rouge de la brique et le blanc pâle du stuc qui rosit dans un soleil bas, dirai-je.

#4078

Tram, bus, métro, des rues, des rues, des ponts, une ville si immense que pour le piéton provincial elle approche un infini de pierre, de macadam et de béton. Même au sein d’une forêt comme celle de Meudon, la ville enlace et pénètre partout, ces quelques jours furent pour l’amoureux d’urbain que je suis un calme vertige, proche de celui de Londres mais en collage plus dense – avec des pépites au long du chemin, comme le kebab « Aucune idée », la station « Brimborion » ou les cosmopolites passagers d’un instant métropolitain (la princesse indienne, le rockeur, la révolutionnaire sud-américaine et le vieux germano-pratin). Fatiguant, bruyant, froid, mais brièvement fascinant voyage, en dépit du contexte peu amusant des hommages aux amis disparus.

#3011

Chaque samedi matin je rentre en paysage avec la complicité d’un ami, nous arpentons petites rues et chemins de traverse, coulées vertes et coteaux, bords d’eau et voies ferrées. Pour le marcheur urbain que je suis, accoutumé à une ville essentiellement plate, me surprennent particulièrement les promenades sur les hauteurs de la rive droite, avec ses panoramas soudains sur le paysage de Bordeaux enfin considéré en vue d’oiseau. Un au-dessus d’autant plus fascinant qu’il est rare en ce territoire.

#2970

Un long moment, je suis resté le nez en l’air, à regarder les tours jumelles du Sacré Cœur se hausser au-dessus des toits. Dans la lumière dorée de ce jour d’hiver, les deux torsades de pierre me frappèrent par leur réalité. A force de ne plus sortir, j’en oublierai déjà presque la beauté urbaine, le simple plaisir d’une architecture sous le ciel translucide. Des passants approchant j’ai mis mon masque et, pour me donner une contenance, suis allé m’asseoir sur un banc. Pas longtemps, juste pour un autre et bref moment de réel. Je m’étais donné pour défi de rejoindre le supermarché des quais en n’empruntant que des petites artères, afin de croiser un minimum de monde. Voilà la vie en temps de pandémie : rechercher cette solitude pourtant si aliénante, filer son chemin en étranger, juste le cœur allégé d’un peu de marche.