#2479

Au sein de ma famille, il existe tout un vocabulaire spécifique — des mots d’enfant passés dans notre langue « normale », comme le jéjean pour le raisin ; énormément de mots du tourangeau, que j’utilise naturellement, sans réfléchir ; et quelques références à des livres pour enfants. L’autre jour, j’ai acheté dans un vide-grenier un grand album de Jean de Brunhoff. J’allais écrire « un grand album de Babar », mais justement non, il ne s’agit pas d’un album de Babar et c’est une des choses qui le rend un peu précieux : du roi Babar et de sa famille on ne voit que les dos tournés vers la voie de chemin de fer, lorsqu’en première page ils disent au revoir au petit singe Zéphir, qui rentre dans sa propre famille pour les vacances. Les Vacances de Zéphir, un album de 1936, dont mes parents possèdent une édition originale et que j’ai ici trouvé en rééd très soignée de 1983.

Il n’est pas banal, cet album : outre que les fameux éléphants n’y jouent aucun rôle, puisque l’on se trouve chez les singes, dans leur drôle de cité perchée dans les arbres (et comment mieux faire rêver qu’avec une maison dans un arbre ?), il y a là quelques-uns des plus beaux dessins de Jean de Brunhoff, je veux dire les deux cases nocturnes, toutes hachurées, des splendeurs graphiques. Et puis il y a toute une féerie, unique dans cette oeuvre : le petit Zéphir rencontre tout d’abord des sirènes, puis une sorte de drac, leur tante Crustadelle (et n’est-il pas génial de faire d’un tel monstre une figure amicale et rassurante ?), puis enfin l’objet du présent billet… l’affreux Polomoche et son entourage de monstres, les gogottes.

Quand j’étais môme et que l’on devait s’entasser à l’arrière d’une voiture, nous disions être « serrés comme des gogottes ». Non que cette expression précise existe dans l’album, pas plus d’ailleurs que le qualificatif d’ « affreux » accolé au nom de Polomoche, mais il s’agissait d’interprétations personnelles héritées du culte rendu par mon père et ses soeurs à l’oeuvre de monsieur de Brunhoff. Et serrées, les gogottes, elles le sont dans cette image où elles finissent par s’endormir, fatiguées par leur danse.

Il y a peu, bouclant le quatrième volume du Dico féerique (le Dico des créatures oubliées, rédigé par un collectif d’amis écrivains plutôt que par moi seul, cette fois), je me suis amusé à y ajouter quelques créatures qui appartiennent à mon imaginaire enfantin et familial : le marsupilami, les krostons, le flagada, les gogottes, le chuintufle… Ce dernier, issu des bande dessinées Isabelle de Will, Delporte et Cie, vilain boa velu qui espionne pour le compte la sorcière Calendula, est devenu chez nous synonyme du boudin que l’on place sous les portes afin de bloquer un courant d’air.

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