#2345

Quand était-ce ? En 1986, peut-être courant 1985, je ne sais plus. Roland C. Wagner s’était lancé dans la rédaction d’une œuvre majeure, ambitieuse : ce qui devait finalement sortir sous la forme d’une trilogie, du titre de Poupée aux yeux morts. À l’époque, jeune étudiant, je bénéficiais encore de la gratuité SNCF de mon paternel cheminot et en profitais donc pour monter continuellement en région parisienne, squatter chez Pagel ou chez Wagner. Ce dernier habitait alors au rez-de-chaussée d’une grande maison bourgeoise à Garches, dont l’étage était occupé par la vieille propriétaire, une dame sourde comme un pot et que je n’ai jamais aperçue : sa présence ne m’était connue que par les hurlements de son téléviseur. Roland et sa compagne Cathy vivaient là dans trois pièces, et Roland écrivait, écrivait, écrivait. C’était avant les ordis personnels, mon copain l’écrivain tapait sur sa machine à écrire et comme j’étais présent, il me faisait lire des paquets de feuilles, au fur et à mesure ou presque. Tout de suite, je me suis passionné pour l’énorme roman qu’il entreprenait, à l’excitante ambition et aux thématiques intrigantes pour les unes, hilarantes pour les autres (les extraterrestres « salvoïdes » étant calqués sur un de ses meilleurs amis, que je connaissais bien sûr). Ça partait formidablement bien et j’étais fier de mon pote, je voyais naître une œuvre visiblement importante, c’était enthousiasmant — assez flatteur aussi, car Roland écoutait mes quelques remarques, et ainsi glissa-t-il quelque part une allusion à une extraterrestre aux yeux d’or, parce que je venais de lui faire lire une superbe nouvelle de Victor Hugo. Il m’écouta également lorsque, soudain, il partit sur une tangente narrative, un aparté qui s’avéra finalement trop long sur le quotidien d’une femme en gris… Passionné par le portrait de Paris qu’il brossait, Roland s’était laissé emporter, avait bifurqué trop longuement, ce que je lui dis. Et l’animal jeta tout le passage — combien j’ai regretté depuis de ne pas avoir gardé ces quelques feuillets, bon sang, c’était certes hors sujet mais d’une si belle atmosphère !

Longtemps après, et alors que la vie nous avait un peu séparés, Roland me téléphona pour me demander de publier une version luxe limitée de Poupée : il savait bien combien cette trilogie me tenait à cœur ! Et puis, c’était l’occasion de renouer nos liens, et ça, ça me fit également très chaud au cœur. Alors Roland entreprit de retravailler le tout, nous étions en 2008 : il voulait une version définitive. C’est ce texte-là, complet, intégral, que j’ai l’honneur de rééditer en format de poche en février, dans la collection « Hélios ». Les stocks viennent d’arriver et je suis ému.

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#2344

« The more you put in a brain, the more it will hold — if you have one. » (Nero Wolfe)

Dernières lectures. Je lis tant et tant que relire fait partie de mes « stratégie » de boulimie. Ça tombe bien, je n’ai pas une très bonne mémoire pour les détails des intrigues. Ainsi, en dépit d’une « PàL » fort haute, me suis-je replongé ces derniers temps dans les enquêtes de Nero Wolfe, l’homme aux orchidées, de Rex Stout. Il s’agit de polars américains des années 40 à 60, grosso-modo, que j’adore depuis… toujours ou presque : c’est mon grand-père qui les achetait en trad chez Fayard, cela fait donc partie de mes lectures d’adolescence. Et je n’ai guère cessé depuis — quoique j’ai vérifié, l’essai que j’ai consacré à la série (Les Nombreuses vies de Nero Wolfe, en « Bibliothèque rouge » chez les Moutons électriques, écrit avec pas mal d’aide des sieurs Baudou & Mauméjean) date de 2008 et je n’avais pas replongé dans les Rex Stout depuis cette époque ; huit ans déjà. Oh, je ne sais pas si je vais faire le coup des Maigret l’an dernier (j’avais tout relu), m’enfin je me sens bien de relire en tout cas les romans principaux, les plus marquants : c’est déjà le cas de Too Many Women, Where There’s a Will, Even in the Best Families et The Second Confession. Là je suis plongé dans Might as Well Be Dead, l’enquête où l’un des freelances de Wolfe, Johhny Keems, se fait tuer. Que dire ? Ce type de (re) lectures c’est comme des pantoufles, on s’y glisse avec délice et confort. Je redécouvre la roublardise de Stout, sa manière si personnelle de fondre les veines hardboiled et classique du polar, la rudesse de son New York et de la société américaine (par comparaison aux « vieux Anglais » auxquels je suis plus habitué), l’étonnant caractère vintage de ce qui est mis en scène, l’amusement des jeux entre protagonistes… et je jubile. Je n’ai jamais compris pourquoi Rex Stout ne bénéficie pas en France d’une plus forte réputation, alors qu’il a été édité et réédité constamment.

#2343

Très humble pioche ce matin à Saint-Michel, mais après tant de semaines sans pouvoir m’y rendre, ah le plaisir renouvelé de ce déballage, sous la flèche de l’église perçant un ciel d’un bleu glacial. Jubilation de toute cette belle vie dominicale bordelaise, le foutoir de la brocante, la presse du marché des Capucins, plus en bonus le fait de papoter un peu avec le sieur PM. (mais quel dommage, la date du concours doit être un rien dépassée, je pense)

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#2342

La vie est étrange et n’a aucun sens. Je dévore avec passion le deuxième volume de la Véritable histoire de Spirou, acquis ce matin, et l’on y évoque l’écureuil domestique d’André Franquin, qui se nommait Rousty. Continuant aussi à relire quelques-unes de mes favorites parmi les enquêtes de Nero Wolfe par Rex Stout, j’ouvre une réédition de 1955 en Penguin vert de Over My Dead Body… et je découvre que le précédent propriétaire y avait inscrit son nom : A. Rousty.

#2341

Hier soir, essayant de trouver le sommeil entre deux grondements d’averse sur le vasistas, je me surpris une fois de plus à m’étonner du grand silence bordelais. Et puis je me suis demandé : comment font les oiseaux, pendant une telle tempête ? Des vents à 98 km/h, une pluie diluvienne, où se trouve le rouge-gorge qui s’est installé dans le quartier depuis quelques mois, comment se protège-t-il ? Et les trois jeunes pies, et le couple de faucons, où vont-ils ?