#3014

L’après-midi sous le figuier, les pieds dans l’herbe. Les yeux qui piquent de fatigue et la cervelle dolente, à lire un peu mais seulement un peu, et à écouter ce fond de ville depuis un coin de jardin, ou le contraire. Les longs chants de bronze des cloches d’une église, la rumeur indistincte des autobus sur le boulevard, les miaulements d’une chatte réclamant mon attention, et surtout les balancements frottés du feuillage dans le souffle de l’air. Chaque fois qu’une bourrasque inattendue bouscule les arbres me revient un souvenir de Bretagne, Saint-Brévin sous ses pins, ce caractéristique bruit du vent dans le calme.

#3013

Ces jours derniers si, sortant de chez moi, je tourne le coin de la rue, que celle-ci sent bon ! Le chèvrefeuille de l’arrêt de bus, les grands acacias au-dessus de la voie ferrée, le parfum entêtant d’un pieri auquel répond celui un peu plus loin d’une glycine. Senteurs du printemps, et chantent les rouge-queues. De quoi, un tout petit peu, entretenir le moral dans un monde plutôt moche ?

#3012

Habitant aux abords d’une tranchée ferroviaire, j’en observais ce matin en passant la tranquille guerre végétale qui, inconnue des hommes, s’y joue actuellement. Un combat de coquelicots : de mon côté de la voie, viennent de fleurir les bouquets orange des pavots de Californie, ces Eschscholzia qui occupent exactement la même niche écologique que le bon vieux coquelicot rouge et tendent à le remplacer. Sur l’autre versant, à l’abri des murs noircis et tagués, cependant, c’est bien notre Papaver rhoeas qui agrémente le haut du pierrier de ses bouquets rouges. On ne se mélange pas, chacun chez soi et les pavots seront bien gardés.

#3011

Chaque samedi matin je rentre en paysage avec la complicité d’un ami, nous arpentons petites rues et chemins de traverse, coulées vertes et coteaux, bords d’eau et voies ferrées. Pour le marcheur urbain que je suis, accoutumé à une ville essentiellement plate, me surprennent particulièrement les promenades sur les hauteurs de la rive droite, avec ses panoramas soudains sur le paysage de Bordeaux enfin considéré en vue d’oiseau. Un au-dessus d’autant plus fascinant qu’il est rare en ce territoire.

#3010

Je constate fréquemment que les librairies françaises manquent de diversité dans les rayons qu’elles proposent et m’étonne même de l’absence complète de deux rayons classiques de leurs collègues anglo-saxonnes, à savoir le rayon de la nature (et plus particulièrement l’absence de « nature writing » en France) et celui des biographies littéraires – pas les pâles confessions des vedettes souvent rédigées par des nègres, mais les études longues, sérieuses et détaillées des vies des grands artistes et écrivains (surtout), qui constituent un genre littéraire en soi. Assouline a beaucoup contribué à ce « rayon absent », comme Maurois autrefois, et pour ma part cela demeure l’un de mes péchés mignons que de régulièrement me plonger dans l’un de ces pavés afin d’accompagner et mieux comprendre tel ou tel auteur. J’avais lu il y a quelques mois une autobiographie de l’auteur britannique que nous connaissons (?) sous le nom de plume de Richard Cowper, et je suis présentement dans une bio de Margery Allingham, l’un des phares du roman policier classique d’outre-Manche. Mon ancien complice Olivier qualifie cela d’un travers de « biographisme » mais quoi, je regrette de ne pouvoir lire la bio d’un André Franquin ou d’un Michel Jeury, par exemple.