#5052

En 1998, soit il y a une broutille de 25 années, j’avais publié dans la fameuse anthologie de Serge Lehman Escales sur l’horizon une première nouvelle mettant en scène un détective privé nommé Bodichiev, dans une Londres uchronique, capitale occidentale d’un empire anglo-russe. Ensuite, j’ai continué à écrire d’autres enquêtes du monsieur, l’une fut publiée dans la revue québécoise Solaris, le reste, même accepté çà et là, ne vit pas le jour. Vers 2003, je me remis plus assidument à la rédaction d’éléments de cet univers, mais le succès ne fut pas plus au rendez-vous, les éditeurs refusant le recueil les uns après les autres (« C’est trop SF et pas assez polar », « C’est trop polar et pas assez SF », « C’est des nouvelles »). Je baissais alors les bras, jusqu’au jour béni où un micro éditeur, puis un autre, déclarèrent qu’ils voulaient publier le cycle. J’optai pour le deuxième, les Saisons de l’étrange, avec un deal pour trois volumes. Seulement voilà : j’avais repris goût au truc ! Et fort heureusement, un autre micro éditeur, Christian Robin de chez Koikalit, décida de reprendre le flambeau. Et j’ai ainsi alignés déjà 7 petits volumes, plus un « best of » chez Folio SF. Maintenant, reste à sortir le huitième et dernier recueil (rendu hier soir), et le gros roman qui se trouve encore en lecture (situé dans le même univers et en donnant un portrait plus large). Bodichiev, c’est de l’orfèvrerie, du travail de miniature : des nouvelles et novellas policières et/ou d’ambiance, quelque part du côté de Ngaio Marsh ou Dorothy Sayers, Simenon et Agatha Christie, disons, mais en toute modestie et l’élément SF en plus (dirigeables, I.A., événements étranges, uchronie). Folio excepté ce n’est pas en librairie, mais la série peut par exemple être acquise ici :

#5051

Trois jours chez mon camarade Michel Pagel, mon plus vieil ami — 42 années bientôt —, seront mes seules véritables vacances de l’été. Des chats, des livres, des mots, des étoiles, la chaleur et, surtout, tout cet immense silence de la campagne. Un silence que, en fond de combe ou chez la voisine sur un léger promontoire, j’ai écouté profondément, presque avec surprise. Entre les deux maisons s’érige l’épaule beige d’une colline entièrement labourée, haute dans la nuit comme une montagne feutrée, plus immobile encore que le reste du silence.

#5050

Cette nuit, bousculé entre coups de chaud et brises froides, entre draps froissés et oreillers doux, j’ai rêvé du corps d’un garçon, puis de la compagnie d’un autre, puis j’ai lu un bout d’un polar se déroulant à Rome dans des décors que je connais — la place Navone — et sur lesquels j’ai écrit, puis j’ai bu un peu d’eau fraîche et me suis assis dans le patio, au sein de la végétation indistincte, en me disant que déjà l’été s’achevait, puis serein dans ma solitude, au milieu du grand silence encore, suis monté me recoucher.

#5049

Nos pas n’inscrivent généralement aucun signe sur le papier des rues. Les pistes muettes des trottoirs chaussent les pieds des façades ; des bosquets d’ombre s’accrochent aux parapets, aux gouttières, aux caniveaux, aux crinières des arbres, sous leurs troncs. Le vent marin viendra-t’il encore nous laisser respirer la semaine prochaine ? Le rouge charnu du soir ne se perce que de rares silhouettes humaines et sans doute de quelques rats. Brindilles, fenêtres et pavés sont autant de joyaux, çà et là, une seconde, sous le ciel sale.