Archives de l’auteur : A.-F. Ruaud
#5051
Trois jours chez mon camarade Michel Pagel, mon plus vieil ami — 42 années bientôt —, seront mes seules véritables vacances de l’été. Des chats, des livres, des mots, des étoiles, la chaleur et, surtout, tout cet immense silence de la campagne. Un silence que, en fond de combe ou chez la voisine sur un léger promontoire, j’ai écouté profondément, presque avec surprise. Entre les deux maisons s’érige l’épaule beige d’une colline entièrement labourée, haute dans la nuit comme une montagne feutrée, plus immobile encore que le reste du silence.
#5050
Cette nuit, bousculé entre coups de chaud et brises froides, entre draps froissés et oreillers doux, j’ai rêvé du corps d’un garçon, puis de la compagnie d’un autre, puis j’ai lu un bout d’un polar se déroulant à Rome dans des décors que je connais — la place Navone — et sur lesquels j’ai écrit, puis j’ai bu un peu d’eau fraîche et me suis assis dans le patio, au sein de la végétation indistincte, en me disant que déjà l’été s’achevait, puis serein dans ma solitude, au milieu du grand silence encore, suis monté me recoucher.
#5049
Nos pas n’inscrivent généralement aucun signe sur le papier des rues. Les pistes muettes des trottoirs chaussent les pieds des façades ; des bosquets d’ombre s’accrochent aux parapets, aux gouttières, aux caniveaux, aux crinières des arbres, sous leurs troncs. Le vent marin viendra-t’il encore nous laisser respirer la semaine prochaine ? Le rouge charnu du soir ne se perce que de rares silhouettes humaines et sans doute de quelques rats. Brindilles, fenêtres et pavés sont autant de joyaux, çà et là, une seconde, sous le ciel sale.