#2530

De nos jours, on ne reconnaît plus l’écriture des autres. L’écriture manuscrite, je veux dire, devenue beaucoup moins présente dans un environnement de mails, tapuscrits et médias sociaux. Je peux assurément reconnaître au premier regard l’écriture de ma mère, de mon père ou d’Axel. De même, je suis parfaitement familier de l’écriture de mes plus vieux amis, ceux d’avant le tout-ordinateur, les copains de l’âge de la plume et du stylo, Philippe C., Michel Pagel, Roland bien entendu… Et de celle de Michel Jeury, oui, Michel était un indéfatiguable et fidèle de la correspondance manuscrite, et j’en ai, de ses lettres, et je l’aimais, cette cursive noire et fluide, basse et ferme, avec à la fin ce simple « Michel J ».

#2529

N’en déplaise aux chantres officiels du « plus c’est chiant plus c’est valable », selon moi lire c’est du plaisir, et un plaisir que je m’emploie à faire varier autant que faire se peut. Cette semaine, où je fis largement relâche, j’ai donc dévoré du Patricia C. Wrede (relecture des deux Mairelon the Magician, très rigolos), du China Miéville (le vertigineux The City & the City), un roman steampunk bien amusant (The Martian Ambassador d’Alan K. Baker, mélange audacieux d’aventures, de polar, de SF et de féerie, et c’est largement aussi bon que du George Mann ou du Mark Hodder lancés par le même éditeur – Snow Books – mais plutôt mieux écrit, finalement) et… une grande rasade d’Alvaro Mutis ! C’est mon ami et confrère Fred Weil qui m’avait offert cet énorme recueil de l’auteur colombien, réunissant les carnets et papiers divers concernant Les Tribulations de Maqroll le Gabier. Et quel régal que tout cela : on croirait lire du Corto Maltèse écrit par Borgès, en pas chiant. Aventures, folie douce, mélancolie, nostalgie douce et aussi joie de vivre ! Le tout servi par une plume superbe, que les traducteurs rendent à merveille. Miam miam. De la « littérature générale » aussi jubilatoire que de la « littérature de genre », c’est dire la perle.

#2528

Comme l’on dit à la météo, « l’épisode de froid » semble terminé. Sous le gris perlé du ciel perce un léger bleu d’aquarelle et dans la lumière rendue un peu poussiéreuse par l’humidité tout ruisselle, dégoutelle, plic-ploc chanterait Trenet. Beau temps pour lire au salon avec une tasse d’Earl Grey à portée de main, slurp ferait un Anglais.

#2527

Un grand glaçon fige la ville, tout est immobile et silencieux. Au jardin chaque feuille se couvre d’une fine poussière blanchâtre, le gel, comme si soudain la nature se faisaient des cheveux gris, et à l’intérieur la chaudière ne parvient plus à maintenir l’habituelle douceur, cette maison du sud-ouest n’étant guère conçue pour une telle froidure. Brr. Vigoureuse, la nouvelle année.

IMG_2332 IMG_2333 10850273_571987679598745_8521418167356098241_n

#2526

Une chose d’autrefois que je trouve fascinante, et c’est valable pour la plupart des villes, ce sont les anciens tracés des tramways. On installe maintenant de nouveaux tramways, sur de nouvelles voies, et ce sont des véhicules colossaux, de véritables trains, mais m’amusent et m’intriguent ces petits trams et trolleys d’antan, qui circulaient partout. Les villes étaient couturées de voies ferrées… Je lisais par exemple à l’instant à propos du marché des Capucins, à Bordeaux, que « le tramway, plus précisément le trolley, traversait la halle en son milieu ; à gauche, les légumes, à droite la viande et la volaille. » et je trouve cette image saisissante. J’ai connu l’ancienne halle, celle affreuse, étroite et grise chose usée bâtie dans les années 60 à la place de la splendide et haute halle précédente, j’ai vu une photo de cette dernière, et quelle connerie que de l’avoir abattue — et d’avoir reconstruit depuis une autre halle toute aussi moche et grise que celle des années 60. Chaque fois que je vois quelque part une évocation des anciens tramways, j’ai l’impression que l’on m’évoque une sorte de réalité parallèle des villes, une uchronie urbaine, vaguement steampunk — le trampunk, tiens, voilà un genre qui me plairait.