#2302

Dring! Réveillé ce matin par le facteur, qui m’apportait un louuurd colis, contenant des exemplaires de la rééd aux Deux Coqs d’Or du Grimoire de Merlin (couv bleue au lieu de rouge) et de notre nouveauté, Le Grimoire des fées & lutins, nouvel opus rualdo-colinien (à moins qu’il ne soit colino-rualdien), cette fois pour les fillettes de 7-8 ans. Eh oui, car j’ai écrit une bonne petite série de gros albums jeunesse en compagnie de Fabrice Colin, avec des illustrateurs variés (cette fois Arnaud Cremet et Alexandre Honoré). On les voit peu en librairie, ces albums, ai-je l’impression — sans doute vendent-ils surtout en supermarché, encore un indice d’à quel point beaucoup de libraires se fourvoient, car quand même on en vend dans les 12 000 exemplaires, de ces albums, et ils ne sont pas nazes, pourris ou racoleurs, eh! Chaque fois, Colin et moi nous amusons à construire des univers féeriques plein de surprises et d’inventions, mais aussi de références mythiques, et quelques clins d’oeil littéraires, en y mettant tout ce qui nous amuse, tout ce qui fait peur aussi, sans réduire nos exigences ni donner dans le bêbête. On s’éclate bien, quoi. Bon, Fabrice, on se met au suivant?

#2301

Hier soir, mon excellent camarade Vincent Gessler causait dans la non moins excellente librairie croix-roussienne Vivement dimanche. Ce fut une belle soirée, qui se finit fort tard, et fut prolongée par une sorte de petit-déjeuner en milieu de matinée, sur la place Voltaire, en compagnie d’Axel O.D. également de passage. Et lors d’une pause au Q.G., photo presque rituelle d’un invité avec Mandou sur les épaules.

#2300

Un jour que je déjeunais chez mon ami Jean-Paul Jennequin, je remarquais soudain que la porte de son frigo s’ornait d’une merveille insoupçonnée : un « magnet »… de Tom Carbone ! Était-il possible qu’existe une chose aussi improbable, je n’en croyais pas mes yeux… Et JPJ, grand seigneur à son habitude, de détacher l’objet de mon ébahissement de la surface métallique, et de me le tendre avec un « tiens, tu le veux ? » nonchalant.

Depuis, c’est mon frigo à moi qui s’orne de cet objet identifié par si peu de monde. Il faut dire que Tom Carbone, hem, ça n’est pas exactement un best-seller de la bande dessinée. Quelques albums parurent dans les années 1990 chez Dupuis, ne furent guère promus, disparurent sans laisser de trace. Quel malheur ! Car en fait, Tom Carbone, c’était un chef-d’œuvre, un précurseur formidable de toute la bande dessinée comique indé, de Lewis Trondheim en particulier. Et tiens, je vais lâchement recopier ce qu’en dit le dessinateur Li-An sur son excellent blog : « En 1985, dans le numéro 2461 de Spirou, j’ai découvert avec ravissement la première « aventure » de Tom Carbone, tonton facétieux et un peu indigne qui raconte des histoires surréalistes quand il ne les vit pas lui-même. L’humour frappadingue du duo Cromheecke & Letzer allait m’enchanter quelques années. » Ben voilà, même chose. Un dessin gribouillé à plaisir, un humour complètement crétin, de l’absurde complet… Le bonheur, quoi.

Et puis, et puis… Voici qu’un responsable éditorial de chez Glénat, maison que j’ai longtemps eu quelques raisons de ne point porter dans mon cœur, prend l’initiative stupéfiante, franchement inattendue, de rééditer tout ça, en une intégrale de deux tomes — et on va avoir même les inédits. C’est fou. C’est paru aujourd’hui, je l’ai acheté illico : un beau tome 1 looké comme les intégrales de chez Dupuis, c’est bien logique. Bon, en fait de préface par Lewis Trondheim il n’y a que deux maigres paragraphes perdus sur la première page, je sens que l’éditeur a été pris au dépourvu et cela rend quelque peu dérisoire le sticker de couverture l’annonçant avec fierté (faut bien vendre, c’est de bonne guerre), mais l’essentiel c’est tout le reste. Et c’est du bonheur, dois-je le répéter ? Alleeeez, à quand le tome 2 ? Et bravo/merci à l’éditeur de cette collection « 1000 feuilles », qui publie des petites perles formidables — et qui fait bosser David De Thuin en ce moment, c’est dire qu’il y a là un éditeur assez génial.

Je voulais aussi évoquer le plaisir que j’éprouve à relire Macherot, mais là en revanche, les intégrales de chez Casterman sont assez médiocres, les traits sont écrasés et trop gras, sans parler du tome 2 franchement massacré, c’est bien dommage. Même si Macherot c’est toujours ravissant et étonnant, et que redécouvrir tout cela (dont plein d’inédits en albums) est d’utilité publique. En revanche, l’intégrale Pepito de Botaro, chez les toujours excellents Cornélius, est tout simplement superbe. La Sécu devrait rembourser ces bédés, qui font du bien.

#2299

Il y a quelques années, et même déjà un bon paquet d’années déjà, en compagnie d’Ugo Bellagamba nous avions élaboré le synopsis d’un roman d’uchronie, un polar avec quelques aspects apocalyptiques, qui se déroulait dans une France où Chaban-Delmas avait appliqué son programme de la « nouvelle France » (1). Cela se passait en grande partie à Lyon, et sur les quais de Rhône se trouvait un monorail, ou plutôt un train suspendu — inspiré d’un projet bien réel, bien sûr, qu’un copain m’avait montré il y a longtemps dans un vieux Pilote. Bref, nous n’avons pas trouvé d’éditeur intéressé par notre synopsis et les premiers chapitres écrits, et ce fut plié. Je n’ai plus accès au Pilote où ce monorail lyonnais était représenté, mais, peut-être parce que je suis un enfant du Cergy-Pontoise des années 1970, où un monorail était également prévu, ce moyen de transport m’a toujours fasciné par son rapport à l’utopie urbaine et, finalement, à l’uchronie, puisque les pouvoirs publics renoncèrent chaque fois à les concrétiser.

Tout cela pour dire que je viens de trouver deux clichés délicieux et londoniens : un projet des années 1960 pour un monorail sur Regent’s Street, et un autre beaucoup plus proche de nous, de 2005, pour un monorail qui aurait résolu le problème d’engorgement d’Oxford Street.

(1) Note du 1er février 2021 : tant d’années plus tard, ce projet a finalement vu le jour, en solo et sous le pseudonyme d’Olav Koulikov. Il s’agit du court roman Menace sur l’Empire, aux Saisons de l’étrange, 2020.

#2298

Devant me rendre dans un coin lointain de la Croix-Rousse pour une réunion officielle (A.G. d’une agence culturelle qui vient de découvrir qu’elle a un trou de 813 000 euros dans ses caisses : long rire nerveux), j’en ai profité pour effectuer de très longues balades urbaines, à l’aller comme au retour. Je me rends bien compte qu’avec les années, je suis devenu fort casanier. Autrefois, dans mon jeune temps, j’étais continuellement rendu en centre ville et, cette fois, je me suis amusé à revisiter quelques parcours qui m’étaient très familiers à différentes époques. Les alentours de la Martinière, un quartier où j’ai toujours eu envie d’habiter ; le quai au-dessus duquel logeait mon ami Werner ; etc. Ai notamment emprunté un passage  voûté très long, une sorte de couloir sous des immeubles anciens ; passage que, curieusement, j’ai intégré depuis longtemps à mon « paysage onirique » — mais que dans mes rêves de villes, je situe à Bordeaux. D’ailleurs, je ne rêve jamais d’une ville qui se nommerait Lyon, ce doit trop être mon réel. J’ai vu avec grand intérêt l’autre jour, sur le blog d’Alex Nikolavitch, que lui aussi visitait en songes des villes récurrentes, plus ou moins identiques à elles-mêmes d’un rêve à l’autre. Lorsque je fais de tels songes, il m’arrive même de me souvenir d’anciens rêves comme si c’était ma vie dans le passé — une sorte d’univers parallèle, où j’aurai notamment vécu étant étudiant dans un immeuble en fond de cour très différent de celui où je loge à Lyon, mais ne ressemblant pas non plus du tout à l’immeuble, un ancien bordel, (enfin, « ancien », c’est vite dit) près de Mériadeck, où je logeais effectivement pendant mes années estudiantines.

En rentrant, je suis passé devant une boulangerie curieusement nommée « Boulangerie contemporainE » (avec le grand E final), et comme je passais devant, la vendeuse demanda à un client: « Et si on coupe les pieds ? ». Un peu plus loin, d’une épicerie arabe un grand gaillard basané sortait avec dans la pogne une canne à pêche. People are strange.