#2481

Ce matin, vers 8h ou quelque chose comme ça, l’aube quoi, grand bruit au rez-de-chaussée de chats galopant et dérapant sur le plancher. Soit, les bestioles s’amusent. Je me rendors, émerge à 9h, mon heure coutumière, les mirettes ensablées par une sottement mauvaise nuit, pas de minettes sur ma couette, voilà qui est inhabituel. Descendu, je constate que les trois animales (oui, au féminin) semblent toutes dehors, ce qui est également inhabituel à cette heure. La réponse s’inscrit en rouge au pied de la porte vitrée: deux gouttes, comme du sirop de framboise me fait mon cerveau encore engourdi. Me voyant m’accroupir devant les preuves du crime, la petite et la noire viennent quémander quelques caresses, tandis que la grise plisse des yeux entre deux lavandes.

Plissant derechef moi aussi, mais pour protéger mes iris encore sensibles de la blancheur d’un jour voilé de nuages, je fais quelques pas sur la terrasse et vais jusqu’à la lisière verte. De mes petits yeux, je constate avec un rien de surprise que les pissenlits ne sont pas encore ouverts. Les fleurs n’ont plus leur aspect de boule blanche serrée-serrée qu’elles adoptent en fin de journée mais les pétales ne sont pas encore déployés, ils ne forment encore que de minces cils jaunes et recroquevillés.

La chatte grise lève la tête vers moi. À ses pieds, l’objet du crime bien entendu, un quelconque moineau, que la grosse mère semble s’attribuer alors que je me doute bien que cette chasse fut celle de la petite, agile et vive. Et je ne pense pas médire. Enfin, le pauvre petit cadavre se trouva encore l’objet de quelques courses et d’un léger semé de plumes dans le couloir, avant que je ne puisse jeter à la poubelle la piteuse dépouille.

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#2480

Me promenant dans un bois de pin, l’autre soir, j’entendis un chant d’oiseau que je ne connaissais pas du tout. N’y connaissant rien en volatiles, j’ai bien entendu été dans l’incapacité de l’identifier. Non plus que je ne sais quel est ce petit oiseau qui, perché sur l’antenne tévé de la maison d’à côté, chante chaque soir avec une belle énergie. Curieusement, son chant commence comme un raclement de gorge, un chrtt-chrtt quasiment électrique, comme le début d’un enregistrement abîmé, puis éclate en quelques  trilles. Il me faudrait des jumelles, tiens, pour essayer de distinguer au moins son plumage.

Je regarde beaucoup le ciel : à Lyon, je le faisais aussi, mais pas selon le même angle. De la fenêtre de ma cuisine, j’aimais particulièrement admirer les jeux d’éclairage au-dessus des toits, comme un vaste paysage qui s’ouvrait en un immense cône devant moi. Tandis qu’ici, depuis le jardin, il s’agit plutôt d’une vue de dessous, le nez en l’air, les yeux vers le firmament. Bien que ne faisant que, combien? une trentaine de mètres carrés, je suppose, ce bout de terrasse + jardin change ma vie. Espace de détente, à tout moment, où venir respirer ; portion de dehors où il fait bon vivre ; terrain d’amusement, à voir tout pousser, le moindre végétal m’intéresse, tout est neuf, excitant, comme le fait hier soir d’avoir mangé une petite salade de mes propres tomates assaisonnée de mes propres aromates… La petite chatte se tort de joie à mes pieds, sur la pierre blonde, ventre blanc arqué, pour exprimer le plaisir qu’elle a également à vivre là. Ces matins-ci, le jardin est couvert de petits pissenlits, fleurs jaunes brillantes, comme une constellation flottant juste au-dessus de la terre verte. Je n’ai pas encore saisi à quel moment elles se referment, peut-être quand le soleil passe de l’autre côté du haut mur ? Avant le soir en tout cas.

Les oiseaux, disais-je. Moineaux et merles bien entendu, comme partout. Observé une pie, l’autre matin, qui s’évertuait à tirer quelque subsistance du bord du toit de la maison mitoyenne à demi-abandonnée, la toiture doit en être bien vermoulue pour que la pie ait picoré tant et tant. Un faucon, grandes ailes étendues, qui s’en alla au-dessus de la résidence proche. Quelques colombes roucoulantes. Et quelques hirondelles, le soir, tournant et sifflant tout là-haut, j’assimilais depuis longtemps les hirondelles (ou sont-ce des martinets, je ne sais jamais? Swift en anglais, expression de leur rapidité) au ciel lyonnais, où aussi bien de la rue Récamier qu’ensuite du fond de la cour de la rue Paul-Bert j’ai toujours observé d’assez prêt leurs évolutions. Ici elles sont bien plus haut dans le ciel, moins nombreuses, moins bruyantes. Et puis souvent le vent souffle, les dispersant plus vite, le feuillage du palmier cliquète, un train gronde, les cloches du Sacré Cœur tintent, sur le boulevard grince un bus double, de la calme rumeur de la ville ne monte guère que ces sons métalliques, la ville semble en métal.

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#2474

Sous la douche ce matin, j’entends soudain quelques crash et badaboum en provenance du salon puis du bureau. Enveloppé de mon confortable peignoir de couleur bordeaux (forcément), je me lance dans une investigation. Aha, comme dirait Harry Dickson sous la plume de Robert Darvel, l’étroit croupion de Mandou s’agite auprès de l’imprimante. L’animal file vers l’entrée, dépose son forfait sur le large paillasson. Un moineau, bien entendu, il fallait bien que cela arrive, à force que ces sots volatiles fassent d’audacieux plongeons au-dessus de la terrasse. Bref, la criminelle en fourrure joue avec sa proie emplumée, qui s’agite, tressaute, pépie faiblement. Quelques rémiges et brins de duvet furent semés en mon logis. Enfin, la petite chatte s’avance vers moi, l’air candide. Je me baisse donc vers l’oiseau, monte le déposer sur le toit en me penchant par un vasistas, et redescend passer l’aspirateur sur les restes misérables de cette chasse sauvage.

#2468

N’ayant jamais eu de jardin, aussi petit soit-il, observer les « progrès » du mien m’amuse considérablement. En quatre jours d’absence, par exemple, que de changements : les pieds de menthe ont fort grandi, la bouture de figuier s’est réveillée avec quelques petites feuilles, le plant de potiron porte trois grandes fleurs d’un beau jaune d’or, le bambou à tronc noir a lancé trois nouvelles branches, et il y a déjà deux tomates.

#2467

L’une des choses que j’apprécie, dans ma nouvelle ville à moi que j’ai, c’est sa tranquillité. Provinciale, endormie? Tant mieux: je me suis rendu compte, depuis que je ne suis plus plongé dedans, que je ne supportais plus guère l’embouteillage permanent, le bruit, la pollution, la foule, en lesquels Lyon s’est transformée peu à peu. Tandis qu’ici, je savoure le silence. Dans les rues, descendant à la Poste tout à l’heure, je n’ai entendu que le léger roulement des roues de mon chariot et les pépiements d’oiseaux. Et puis je me surprend à observer le sol : une autre chose que j’aime, cette flore irrépressible qui pousse et grimpe partout, dans le moindre interstice des pavés du trottoir, en bas des murs, au pied des marches. Parfois visiblement entretenue de main d’homme, la plupart du temps sauvage, spontanée. Négligé? Je préfère cela à des rues vides, sèches, ici la végétation ajoute un peu de poésie au silence de la rue.

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