#4076

Ah ah ah ! « J’ignorais encore que l’Université est à l’amour de la littérature ce que l’huile de ricin est à la soif » (Jean-Pierre Ohl). Ma foi pour ma part j’avais appris cette rude leçon à la fac de Bordeaux 3, et cette déconvenue avait mis fin à mes études, bien qu’ensuite un bref passage par la fac de lettres de Lyon m’avait montré qu’il pouvait également y avoir des établissements ne se moquant pas de leurs élèves et enseignants des œuvres susceptibles de m’intéresser (j’avais suivi un cours sur Christopher Isherwood, l’un de mes écrivains favoris). Mais à Bordeaux hélas je m’étais inscrit en « littérature comparée »… pour découvrir à la rentrée que ce département était fictif et que nous étions fourgués d’office en lettres modernes, à mouliner du Labiche et du Balzac comme des cours de latin et grec. Une escroquerie sur la marchandise qui me fâcha durablement avec la gente académique, dirai-je. Seul rayon de soleil alors, le cours d’Henri Zalamansky, qui était en vérité un atelier d’écriture : c’est à lui que je dois mes premières impulsions en la matière.

#4075

Qu’est-ce qui m’a réveillé, est-ce la chatte qui quémandait un câlin, est-ce le fracas d’une averse qui tombait au dehors en grandes hachures sonores, est-ce la poussée d’une scène de mon roman ? Toujours est-il que vers 3h du matin j’ai rédigé les prémices de cette dernière, en clignant un peu des yeux sur l’écran et en me disant incrédule que, bon sang, c’est déjà décembre.

#4069

« Il connaissait cette ride de réflexion sur le grand front carré de Bodichiev, le pli maussade au coin de sa bouche. »

Oh oui, là ça tourne un petit peu à l’obsession : la nuit dernière, je me suis soudain réveillé avec deux scènes distinctes en tête, que j’ai vite rédigées – enfin, au moins une amorce de quelques paragraphes à chaque fois, sans quoi j’aurai déroulé les deux chapitres et ne me serais jamais rendormi… Sommeil retrouvé, pourtant je me suis encore réveillé quelques heures plus tard, tout heureux d’avoir enfin trouvé le « gros truc » qui va vraiment marquer l’intrigue de mon roman. Et de prendre encore quelques notes sur l’iPhone. Pfiouh, dite-moi, ne me cachez rien, c’est grave docteur ?

#4066

Un matin gris sur lequel la pluie déverse sa chanson limpide et molle. Peu de pas troublent les pavés luisants, et même les lointains les plus proches paraissent couverts d’une humide poussière.

« Il fit donc comme il en avait l’habitude : flâner, « respirer » l’atmosphère, tenter en quelque sorte d’absorber par ses pores ce que son cerveau n’analysait pas encore. »

#4065

Mais si : documentation. Oh certes j’utilise ce terme en clin d’œil à notre regretté Joseph, mais c’est réel. Il faut vous dire que depuis le début de la pandémie, je lis, en dehors des manuscrits ovins et de mon régime de bédé, je lis essentiellement de mon point de vue d’écrivain. Je veux dire : je suis revenu à une cure de français parce que je faisais des anglicismes, pensais même trop souvent en anglais, il convenait de remédier à cela ; foin donc de mes habituelles lectures en VO, j’ai lu Proust et Loti, Modiano et Le Guillou, Sagan, Ohl, Aymé, Giono, Perret, Samain, Karr, Owen, Carco, Salmon, Jaccottet, Simenon, Maupassant, qui sais-je encore ? Et du polar fifties car il me semble qu’à partir des années soixante la langue a changé, s’éloignant de ce lyrisme classique que je préfère : alors des auteurs oubliés du Masque, du Fleuve ou de Fayard… A la recherche de la musique du français, mais aussi des ambiances, des tournures, quelques détails narratifs, tout pour alimenter la petite machine à imaginer une uchronie. Et en dépit des soucis de santé, s’accrocher, se pousser à écrire, devenir un peu obsessionnel au point que la nuit parfois je profite d’une insomnie pour écrire une scène, ou juste un paragraphe, qui serviront plus tard, portés sur le carnet virtuel du téléphone. Quatre volumes parus, trois autres déjà écrits, et un plus gros roman qui me tourne en tête, se construisant en dépit des doutes.