Il vient juste de partir chez l’imprimeur : le troisième volet des enquêtes de Bodichiev, cette fois sous la forme d’un court roman, toujours chez mes jeunes amis des « Saisons de l’étrange », pourvoyeurs d’effrois distingués et de lectures de qualité ! Soutenez-les.
Archives de catégorie : écriture
#2955
Me fascine toujours cette synchronisité subjective qui fait que, lorsque je travaille sur un texte, qu’il s’agissait dans le temps d’un essai ou maintenant d’un roman, la moindre lecture l’alimente, telle saturation stylistique ici, tel rythme là, un point de vue, soudain tout converge, « tout fait ventre » pour mon imaginaire. Il y a deux jours, je commence à lire un roman australien et dois le reposer précipitamment car cette description d’une salle de cuisine, bon sang de bois mais c’est celle que je voulais écrire – vite, poser ce livre et ne surtout pas y penser, afin de ne pas risquer une involontaire inspiration. Et ce soir au contraire, cette scène déjà lue tant de fois chez Elizabeth Goudge et qui, racontée à ma façon et au service de mon récit, développée dans mon propre cadre, oh bon sang oui, pourra former l’amorce de ma deuxième partie. Éponge.
#2930
Au lycée, j’ai eu en classe de première un prof passionné de Giono, qui nous fit notamment lire un de ses romans tardifs, son dernier paru de son vivant en fait : L’Iris de Suze (1970). Ce fut un bonheur : je ressentis une véritable exaltation à grimper dans la montagne provençale avec le personnage, à me perdre avec lui en bordure d’une civilisation que l’on aurait dit atemporelle et peut-être post-apo – je ne fus pas le seul à avoir ce ressenti sci-fi de Giono, Claude Auclair l’adapta en bédé pour débuter son cycle de Simon du Fleuve, avant que le lumineux Michel Crespin s’inspire de même pour le cycle d’Armalite 16, et lorsque j’eus l’occasion de lui rendre visite il vivait dans une de ces montagnes-là (fin de la parenthèse) – et quant à son style, si naturel, si gouleyant, il me fut une révélation dont je ne me suis jamais remis. Je me souviens d’avoir passé le bac de français aisément, avec un prof au physique identique au mien et en lui parlant de Giono ; je me souviens d’avoir passé un été fasciné par les premiers romans de Giono, ceux des années 30, de son explosion, cette même inspiration païenne, provençale et lyrique à laquelle il ne revint qu’avec son ultime roman ; un été marqué par Regain, Collines, Le Chant du monde… et plus tard, avoir écrit une novella, « Vent du Sud », que je polit et réécrivit tant de fois, m’efforçant de trouver une miette de cette exaltation – jusqu’à une parution en anthologie, puis son inclusion dans un roman qui fait partie de cet « Ariel » dont je parlais l’autre jour. Et Giono, je n’ai plus cessé de le lire – enfin le croyais-je, jusqu’à ce qu’en ayant discuté avec mon adjoint, je réalise que cela faisait déjà, quoi ? Presque dix ans ? Alors je relis L’Iris de Suze depuis quelques nuits, et je m’émerveille d’y retrouver intact ce souffle, cette beauté, l’exaltation joyeuse de lire Giono.
#2929
#2927
Ai-je été naïf ? À propos de mon premier roman, La Cité d’en haut, paru en 2006 chez Mnémos, un gentil librairie m’avait stupéfait un jour en m’assénant qu’il s’agissait d’un roman exigeant. Je n’avais pas du tout compris, en quoi de l’aventure policière sur fond de planet opera serait exigeant, ça me semblait plutôt léger, au contraire ? Il ne me répondit pas, la question continua jusqu’à ce jour à me tourner vaguement en tête. Ce roman, j’en avais publié un premier morceau en 1999 chez Étoiles Vives, une petite maison qui se planta hélas très vite, et j’avais continué à développer ce cycle, jusqu’à ce que les éditions Mnémos en acceptent un long volume. Le fragment de 1999 s’était plutôt bien vendu, le Mnémos fit apparemment un flop — j’ai souvenir de quelque chose comme 650 exemplaires. Au point que le deuxième volume, commandé, fut sèchement rejeté. Pourquoi ce roman fit-il un tel échec, et en quoi était-il exigeant ?
Récemment, comme nous cherchions des titres à publier en « numérique only » chez les Moutons électriques, mon adjoint qui l’avait lu et apprécié me suggéra que l’on réédite en ePub ce pauvre roman et sa suite — justement, je les avais beaucoup retravaillés il y a quelques années, mais j’hésitais, ne me reconnaissant plus spécialement dans ses œuvres déjà lointaines dans mon histoire personnelle. J’allais même décliner lorsqu’un copain bordelais le lu, et trouva le moyen de me convaincre que si, il fallait les ressortir. Et l’une de ses remarques me fit soudain réfléchir : « Et puis un héros homo non caricatural en SF en 1999, il ne devait pas y en avoir bcp non ?! »
Oh. Ah, en effet. Même en 2006, d’ailleurs. Ainsi donc c’était cela, mon roman était un peu « exiiigeant » — i.e. c’était de la SF pédé, c’est ça ? Aaaah, d’accord. Quel naïf je fais. Pourtant, je sais bien que nous sommes soumis à des discriminations, j’ai moi-même été insulté deux fois dans la rue, été reçu comme un chien dans une certaine convention de SF, je devrais le savoir, que l’homophobie existe. De nos jours, les thématiques « queer » sont plutôt bien vues et même un peu commerciales, en littératures de l’imaginaire, mais en 1999, mais en 2006 ? Et ce copain bordelais d’ajouter : « je trouve cool le héros homo (et tu décris de jolis moments de tendresse avec son ami), mais cela a du effectivement mettre mal à l’aise certains lecteurs qui ne l’avoueront jamais… »
Alors ma foi, je n’avais pourtant pas cherché une quelconque militance, je suis pour le droit à l’indifférence et mes personnages vivaient tranquillement leur petite existence. Mais soit, eh bien nous allons donc sortir Ariel en livre numérique, sous mon pseudonyme d’Olav Koulikov, en novembre prochain.