#6075

Après la « microcon » d’hier avec plein de vieux camarades (insérer ici une citation des Tontons flingueurs) et un joli vide-grenier ce matin en compagnie du sieur Pagel, retour au calme plat mais grésillant d’un dimanche chaud où ne s’entendent plus que les cigales et, de temps à autre, une trille de passereau, les corneilles qui tout à l’heure bavardaient au loin s’étant faites silencieuses. Un couple de phalènes va et vient dans un vrombissement d’ailes poudreuses. Une bribe d’été.

#6074

Week-end chez un gentleman-farmer de mes amis, moment de pause dans le silence de la campagne. Silence ? Écoutant le chant des oiseaux je réalise qu’à des moments l’environnement sature presque de sons, des exhalations rythmiques discrètes et omniprésentes, la musique des syrinx. Les roucoulements des pigeons sur le versant d’une colline à gauche et dans les arbres en haut d’une autre à droite, les crépitements à l’orée des genêts, les pépiements et les gazouillis dans ces derniers, un chant qui s’élève dans la haie, quelques arpèges du côté des pruniers, une ligne répétitive, une trille, et puis le passage sombre d’un croassement. Un petit rapace vient juste d’ajouter à tout cela ses appels rauques. Avec quelques bourdonnements de mouches, et le vaste silence par-dessus. Dans l’air immobile flottent aussi le parfum des chèvrefeuilles et une pointe de foin en provenance des deux chevaux, de l’autre côté de la maison. Presque rien : le calme.

#6072

Grisaille et crachin, la promenade du samedi matin fut vivifiante et passa par la Villa Valmont, résidence d’écriture et espace d’exposition que je n’avais pas encore visité, honte à moi, superbe lieu niché au creux d’une forêt sur les coteaux de Lormont.

#6070

Hier soir, rentrant un peu fourbu d’une journée à la librairie, j’ouvris vite la porte du jardin à l’insistance de la chatte, que son enfermement d’un jour avait un peu énervée. Je n’eus pas le temps de finir de relever le store qu’un pépiant boulet gris fonça au-dessus de la clôture, hoquetant d’une stridente colère. Ma chatte effectua une sorte de huit, précédée d’un autre volatile, elle qui jamais ne chasse et ne réagit guère depuis deux ou trois au vacarme impudent des merles grattants le sol de mon micro sous-bois. Avec un cri de détresse, la merlette pourchassée vint se loger à mes pieds, sous la petite table métallique de jardin. L’air vaguement éberluée, ma chatte ne la suivit pas et, me penchant, je ramassai l’oiseau prostré. Dans ma paume, la merlette se redressa sur ses deux pattes, secoua un peu le désordre de ses ailes, puis resta à respirer, regardant autour d’elle et me considérant d’un œil sombre. Un bon quart d’heure je demeurai ainsi, debout sur la terrasse, immobile un oiseau dans la main. Mon téléphone laissé à charger dans le salon, je ne saisi pas de photo de ce curieux instant aviaire. Enfin, la merlette se redressa, enserra une seconde mon pouce de sa griffe puis étendant ses ailes brunes, elle s’envola, alla se jucher sur une branche du troène au-dessus de moi. Un autre quart d’heure, elle resta là à reprendre ses esprits, puis dans un froissement de feuilles alla rejoindre l’autre merle qui, plus haut, continuait de cadencer son alarme.

#6057

Il y avait jusqu’à peu deux silhouettes familières dans les rues de mon quartier, deux figurants aux allures de Laurel et Hardy arpentant les artères sans jamais faire la manche, marchant et prenant le bus, montant et descendant, tous les jours, toute la journée. Laurel, un petit bonhomme voûté au nez pointu sous sa casquette, ne causait pas, laissant parler pour deux le gaillard Hardy, yeux cernés de cardiaque sous une touffe de cheveux blancs jaunâtres, d’une voix roulante et peu compréhensible dans son sabir d’espagnol et de français. Je suppose que Hardy est mort le premier, comme toujours, laissant Laurel poursuivre seul cette curieuse existence ambulante. Il cause maintenant, un peu, et à un arrêt de bus l’autre fois m’a demandé si j’étais écrivain ou éditeur, se souvenant d’un bref échange que j’avais eu avec son défunt camarade – pour simplifier j’ai revendiqué le métier d’éditeur. Non loin un monsieur du type vieil intello de province leva un regard intéressé en déclarant être écrivain – « Vous publiez quoi ? » m’interroge alors l’homme. Science-fiction et fantasy fais-je en sachant que d’ordinaire cela suffit à refroidir les adeptes des mémoires rurales. « Ah, moi ce sont les voyages mais il est difficile de trouver un éditeur. » Je n’ai pu m’empêcher de lui dire qu’hélas il y a plus de gens qui veulent écrire que de gens qui veulent lire… « Et beaucoup plus d’écrivains que d’éditeurs », fit-il philosophe comme le bus arrivait. J’ai songé qu’avec la marée montante de l’auto-édition ce n’était plus exactement l’équation malheureusement.