#2731

Dîné hier soir avec des copains australiens pas vus depuis 30 ans… Évoqué Roland qu’ils avaient connu… Encore bossé aujourd’hui sur le premier dossier d’archives de Roland, qui va atteindre allègrement les 470 pages je pense… Continue de lire Le Chant du cosmos — je n’ose pas écrire « relire » car je ne me souvenais vraiment de rien, zéro mémoire, je le lis donc comme si je ne l’avais jamais lu alors que — et c’est tellement bon…

#2730

C’est terrible, c’est l’engrenage… Tout d’abord j’avais ceux de mon enfance, la plupart des Fantômette, des Club des Cinq, des Plodoc et quelques autres (les Christine Renard en Rouge !)… Et puis j’ai trouvé en boîte à livres un lot de Six Compagnons, puis une autre fois un lot de Michel, puis encore des Alfred Hitchcock… Puis FSM m’a offert un énorme lot de Rouge et Or, Spirale etc. Et puis voilà, l’engrenage, j’ai complété au gré des brocantes et vide-greniers… Mais ce n’est pas là le pire, Votre Honneur : c’est que je les lis, les ai presque tous lus – et que j’attends un lot de Langelot. On est peu de chose, allez.

#2726

Très longue et passionnante interview de Roland issue d’un fanzine de rock. À un moment il y dit : « Le Maître du Haut Château de Philip K. Dick par exemple. L’état de fait, c’est que la côte ouest est occupée par les Japonais et la côte est par les Allemands. Au milieu, il y a les États des Rocheuses, ce qui subsiste des États-Unis. Dick était plutôt germanophile – il n’avait pas de sympathie pour les nazis – mais il était capable de montrer des Allemands sympathiques, ou en tout cas humains. Et pareil pour les Japonais. Dans le bouquin, tu as un mec qui écrit une uchronie sur un monde où les Alliés ont gagné la guerre, mais qui n’est pas le nôtre non plus. Tu as la mise en abyme dickienne. Quand Camus dit qu’il écrit une uchronie sur la guerre d’Algérie, en fait c’est un clin d’œil au bouquin de Dick. L’idée de Dick, c’est qu’à la fin on ne sache plus quel monde est le vrai. Ce qui l’intéresse, c’est de te faire douter de la réalité. »

Douter du réel, c’est ce que j’avais fait, lorsque j’ai lu Rêves de Gloire : n’ayant pas envie de « sortir » de ce formidable roman, je m’étais enquillée derrière la lecture de l’énorme bio d’Albert Camus par Olivier Todd, que mon fils avait lu un peu avant et m’avait recommandée. Bio avec laquelle Roland a bossé, s’avère-t-il. Et dans ma tête les motifs de l’uchronie de Wagner et de la réalité historique de Camus se sont un peu mêlés, plus ou moins sciemment.

Et Roland d’ajouter : « à la fin, quand j’étais dans le bouquin, je ne savais plus du tout où était la réalité et l’histoire. J’étais tellement immergé… Je n’en étais pas encore au point de chercher des disques de Dieudonné Laviolette dans les brocantes, mais pas loin. C’était devenu comme une espèce de réalité. Comme le but c’était de faire que le lecteur s’immerge dedans, c’était pas plus mal. Le tout c’est de ne pas se noyer. »

#2724

J’ai encore rêvé de Roland, cette nuit. Ça m’arrive très souvent et je ne m’en plains pas, voir un peu mon vieux copain est agréable — et sans doute inévitable en ce moment que je travaille presque chaque jour sur ses archives. Le dossier du prochain Yellow Submarine est en cours, ma stagiaire du moment termine ce soir et a énormément avancé sur les OCR (scannage et reconnaissance de textes), je corrige et je mets en page des pages et des pages d’entretiens, notamment. Bon, en me levant j’ai décidé qu’il était grand temps que je relise Le Chant du cosmos. Longtemps que je n’ai pas été voir du côté de l’onduleur d’espace. Et oui mon grand, j’adore toujours les bouquins dédicacés par les copains.

#2713

Comme le professeur X me l’avait prédit depuis longtemps, bien entendu j’aime beaucoup les polars de Lilian Jackson Braun et mon excellent camarade Pagel m’en ayant déniché une pile en VO je poursuis mes lectures. Mais c’est amusant, comme la prose de cette dame pouvait être désuète déjà à l’époque : elle écrivait dans les années 1980 exactement le même type de roman policier que les auteurs du Golden Age américain (plus publiés de nos jours), genre Doris Disney, Hulbert Footner ou Jonathan Stagge… ou encore plus ressemblant, à un point étonnant : l’autrice qui signait Alice Tilton (ambiance urbaine / antiquaires) ou Phoebe Atwood Taylor (ambiance cambrousse US et bord de l’eau) ; très clairement Lilian Jackson Braun devait en être une fan pour en reproduire à ce point tout le charme (à un moment où Taylor était oubliée), les chats en plus. Et curieusement, le fait d’écrire dans les années 1980 du polar à la manière de ceux de cet entre-deux guerres purement étatsunien lui procure une sorte de patine, pas du tout un effet vieillot mais une vraie atmosphère, quasi une intemporalité.

Toujours au chapitre des lectures actuelles, figurez-vous que je n’avais quasiment pas lu les « Lefranc » de Jacques Martin, aveu terrible de la part de quelqu’un qui fut libraire de bédé durant un siècle ou deux ! Et encore une fois à cause de Michel Pagel, dont on ne dira jamais assez quelle influence pernicieuse il a sur moi, je viens donc de lire les trois premiers. Bon, c’est du Jacobs-like avec un dessin absolument dénué de toute personnalité, une gamme très limitée de visages, des tunnels de texte monstrueux et un personnage fadasse simplement recopié sur Jean Valhardi, sidekick ado compris, bref ça pourrait être terriblement chiant comme je le craignais — mais non, la narration a une telle énergie, ça court à toute vionze, c’est enfiévré, too much, que ça fonctionne sur cet élan, sur cette énergie de l’histoire. Là où Ric Hochet et Jean Valhardi roupillent pépères, Guy Lefranc fonce à tel point que je m’étonne qu’il s’arrête certaines nuits pour bêtement dormir. Bon, on verra comment ça a évolué ensuite.