#2311

Ce matin, au marché, j’ai entendu une dadame proférer un « La vie n’est pas un long fleuve tranquille » et lorsqu’effectivement elle ne l’est pas, tranquille, j’essaye de trouver quelques lectures apaisantes, agréables et/ou amusantes. M’étant senti intranquille un soir, j’avais donc monté dans ma chambre un Elizabeth Goudge qu’il ne me semblait pas avoir lu, The Scent of Water. Roman, tardif puisque de 1963, ce qui lui confère une certaine patine de modernité, la protagoniste comparant la quotidienneté affairée de Londres au calme rural du recoin où elle choisit de prendre sa retraite. Voilà qui me parle.

J’aime de longue date Elizabeth Goudge : c’est Michel Jeury qui m’en avait conseillé la lecture, dans les années 1980, quand j’étais étudiant à Bordeaux. Depuis je n’ai plus cessé de revenir, de temps à autre, à cette formidable grâce apaisante, lumineuse et tendre. Je lui ai même consacré un chapitre dans le Panorama, tant elle imbue le réel d’une certaine magie (pas seulement chrétienne fort heureusement). Plaisir supplémentaire de ce volume-ci, un « hardcover » américain d’époque, à l’épais papier crémeux, portant la signature de l’auteur en fer à chaud sur le premier plat, plaisir donc que de redécouvrir une carte postale d’Ellen Kushner et Delia Sherman, qui m’avaient offert quelques Goudge en apprenant que j’en suis amateur. « We hope this sweet & soothing book brings you comfort & healing »… C’est parfaitement résumé, merci mes amies.

#2308

Lectures… Quoi donc cette dernière quinzaine ? Voyons voir, que je n’oublie rien : une amusante comédie policière de 1942, The Six Iron Spiders de Phoebe Atwood Taylor. Autrice américaine du Golden Age quasi inconnue chez nous, je l’ai déjà dit, mais qui me plaît beaucoup, toujours divertissante et astucieuse. Dragonhaven de Robin McKinley, traduit chez Mnémos, c’est de la fantasy plutôt jeunesse, très originale, fort agréable et enlevée. Deux Patrick Modiano, Pedigree sur ses souvenirs de jeunesse — totalement éclairant sur la source de son imaginaire, sur les personnages que le hantent et sur la « magie des rues » qu’il affectionne ; et De si braves garçons, illustration directe de cette inspiration, dans un roman à la structure assez originale — que de la narration à la première personne mais l’on passe d’un protagoniste à un autre sans grands repères. J’ai plusieurs fois songé à Rêve de Gloire de Roland C. Wagner, construction proche, ambiances voisines du fait de l’époque en partie narrée, j’ai presque lu ce Modiano comme une suite du Wagner, en fait, et ce fut à la fois fort plaisant et un peu mélancolique, comme il sied après tout à Modiano. Et d’autres souvenirs : ceux d’Henry Muller dans Trois pas en arrière, sur ses années comme homme à tout faire éditorial chez Grasset, c’est désuet et snob, captivant pourtant, touchant, merci professeur X. de me l’avoir conseillé.

#2305

Ayant relu le sixième Harry Potter, je me suis dit que j’allais continuer avec J. K. Rowling et ai donc embrayé sur son deuxième polar sous pseudo. J’avais beaucoup aimé le premier, les deux héros sont attachants et bien campés, l’intrigue était chouette — ah mais hélas, si les héros sont toujours aussi sympathiquement brossés, et le début fort attirant, il ne tarde pas à y avoir de véritables longueurs dans la narration et les seconds rôles s’avèrent tous plus grimaçants et caricaturaux les uns que les autres. J’ai reconnu les défauts grand-guignolesques qui avaient été reprochés par les critiques au premier roman de Rowling post-Potter, que je n’ai pas lu. Cela reste bien écrit et assez captivant, mais tout de même, plusieurs fois j’ai eu la tentation d’abandonner ma lecture.

Pour me remettre de ce si imparfait roman, j’ai embrayé dans le troisième des nouveaux Nero Wolfe par Robert Golsborough, encore une fois du niveau des meilleurs Rex Stout — décidément le retour de cet auteur à l’univers new-yorkais d’Archie Goodwin et de son excentrique patron, resitués dans leur contexte historique, lui réussit formidablement bien.

Et pour continuer dans le polar historique, j’ai entamé un Phoebe Atwood Taylor de 1942 (une autrice américaine du Golden Age, quasi inconnue chez nous), où Asey Mayo son « Sherlock du Cape Cod » revient chez lui en plein exercice de First Aid. Pour le coup, voilà un roman réellement d’époque et l’éditeur de cette réédition n’a pas jugé bon d’introduire la moindre note, je m’amuse donc à reconnaître les références. Le détective est stupéfait de voir que toutes les femmes sont en pantalon, il lit dans le journal Joe Palooka (j’ai vérifié, il s’agissait d’un comic strip sur un jeune boxeur) et Skeezix (Gasolyn Alley, strip de nos jours réédité, j’ai lu les trois premiers volumes), on évoque l’Axe et la trouille des espions, et quand il jure ne pas vouloir de ce genre d’histoires, Asey affirme qu’il n’en fera pas un E. Philips Oppenheim (auteur de thrillers célèbre à l’époque)…

#2304

Goût d’enfance : avant de certainement reprendre ma lecture des Harry Potter (je dois encore finir le 5 et relire le 6), je fais un détour par ce qui pour moi demeure une réelle lecture d’adolescence, à savoir des Nero Wolfe. C’est mon grand-père qui en achetait, dans la traduction de chez Fayard, et je suis très attaché à cette série policière américaine, œuvre de Rex Stout. Curieusement, c’est assez méconnu chez nous en dépit du grand nombre d’éditions successives. J’avais malgré tout consacré à Nero Wolfe, le détective new-yorkais obèse, un volume de la « Bibliothèque rouge » (avec pas mal d’aide de Baudou et Mauméjean), car c’est une figure majeure du polar. On ne dira jamais assez combien est féconde cette tension narrative entre les modes « Golden Age » et « hardboiled ». Je n’avais pas alors introduit dans la chronologie de cette biographie les suites écrites par Robert Goldsborough, parues dans les années 80-90, qui avaient comme gros défaut de se situer dans les années 70-80, donc trop tardivement pour être réalistes… Il leur manquait un zeste historique, un surcroît d’atmosphère… Mais je viens de découvrir que le monsieur s’est remis à la tâche, et je viens de lire Archie Meets Nero Wolfe, datant de 2012. Cette fois l’auteur a compris son erreur et place ses nouvelles intrigues dans le flux historique de l’existence des deux héros : ce tome-ci se déroule au moment où Archie va entrer au service de Mr Wolfe, à l’époque de la Prohibition. C’est délicieusement reconstitué, très fidèle et très amusant, un joli plaisir de lecture. Allez, je vais en déguster un autre.

#2302

Je viens de rentrer d’une semaine de voyage, fourbu mais content, après être allé de Bordeaux à Cracovie et Ostrava en passant par Paris, Douai et Lille. D’un dîner parisien en bistro gastronomique avec mon « fils préféré », comme dirait Olivier, jusqu’à la Braderie de Lille avec plein de copains, en passant par une visite éreintante mais passionnante de l’usine de l’imprimeur tchèque des Moutons électriques, pour le façonnage de la nouvelle et ventripotente mouture du Panorama illustré de la fantasy & du merveilleux.

Côté lecture, ces déplacements longs furent l’occasion de lire deux manuscrits (sur ma liseuse), mais aussi la traduction nouvelle de Kallocaïne de Karin Boye (que je publie en janvier prochain), subtil et admirable chef-d’œuvre dystopique suédois ; et un vieux polar amusant, La Maison de la terreur de Carter Dickson. Ah oui, aussi : Fantômette chez les corsaires, de Georges Chaulet bien entendu, un des huit titres de la série qui me manquait encore et que je venais de chiner à la Braderie.

« Nous couper la tête? Mais ce serait terrible! Comment ferais-je pour manger? » (Boulotte)