#3095

« Me promener dans une ville comme on se promène dans un jardin. » J’économise ma lecture de Julien Gracq, et notamment de sa Forme d’une ville, tant j’aime la prose de cet homme qui hélas a enfermé la majorité de ses écrits hors de portée pour longtemps encore. C’est donc au compte-gouttes que je le lis ou le relis, au contraire de cet autre favori, Simenon, que je ne suis pas près d’épuiser. Niveau écriture personnelle, je viens d’avoir l’idée d’une courte nouvelle supplémentaire, que je compte rédiger ces jours-ci, mais pour ce qui est de récits plus longs je manque de voyages : basant en général les Bodichiev sur un lieu visité et sur lequel j’ai pris des notes, je n’ai plus guère d’inspiration dans ce réservoir – je pensais me rendre à Rome et Prague, la pandémie coupa net ces velléités de villégiatures. Et de mes voyages non « exploités » il se trouve que ni Lisbonne (que j’avais adoré) ni Vienne (qui m’a un peu ennuyé) ne m’avaient rien dicté car à l’époque j’avais remisé Bodichiev au titre des espoirs passés.

#3093

Il ne cesse de pleuvoir, dans mes lectures de ce fichu été : dans Une vie de Maupassant, puisque je relis ce cher Guy ; dans les Jean Rouaud, à commencer par le formidable deuxième chapitre des Champs d’honneur, certainement parmi les plus belles pages météorologiques ; et bien entendu chez Simenon, qui s’en défendait et pourtant.

#3028

Un Maigret des débuts, 1931. Formidablement chargé d’images et d’ambiances, une langue évocatrice et bien personnelle, les détails du passé et la gourmandise du style. Lecture parfaite pour jour de pluie où tout dégouttèle au dehors et où le férié rend la ville muette. Ciel livide et feuilles tremblantes. Un « roman gris » pour journée de grisaille.

#3020

Pourquoi ai-je tant de livres ? Discutant l’autre jour avec mon assistant de romans que je venais de retirer de mes étagères, pensant que je n’aurai guère l’occasion de les relire, le garçon esquissa un coup d’œil interloqué vers la bibliothèque la plus proche et me demanda si je pensais que je pourrai relire tout cela ? Certes non, et depuis quelques temps je m’interroge un peu sur ces murailles de papier que j’ai érigé chez moi. Question existentielle. À quoi bon ? Je connais pourtant deux éléments de la réponse : tout d’abord, parce que cet entassement me procure un étonnant plaisir, et ensuite parce que la source de cette réjouissance c’est sa potentialité : tous ces récits que je n’ai pas encore lus, tous ces récits que je peux relire. Un potentiel de lecture, un réservoir qui me comble et me rassure. Tant qu’il y a de la lecture il y a de l’espoir, en quelque sorte.

#3010

Je constate fréquemment que les librairies françaises manquent de diversité dans les rayons qu’elles proposent et m’étonne même de l’absence complète de deux rayons classiques de leurs collègues anglo-saxonnes, à savoir le rayon de la nature (et plus particulièrement l’absence de « nature writing » en France) et celui des biographies littéraires – pas les pâles confessions des vedettes souvent rédigées par des nègres, mais les études longues, sérieuses et détaillées des vies des grands artistes et écrivains (surtout), qui constituent un genre littéraire en soi. Assouline a beaucoup contribué à ce « rayon absent », comme Maurois autrefois, et pour ma part cela demeure l’un de mes péchés mignons que de régulièrement me plonger dans l’un de ces pavés afin d’accompagner et mieux comprendre tel ou tel auteur. J’avais lu il y a quelques mois une autobiographie de l’auteur britannique que nous connaissons (?) sous le nom de plume de Richard Cowper, et je suis présentement dans une bio de Margery Allingham, l’un des phares du roman policier classique d’outre-Manche. Mon ancien complice Olivier qualifie cela d’un travers de « biographisme » mais quoi, je regrette de ne pouvoir lire la bio d’un André Franquin ou d’un Michel Jeury, par exemple.