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Tableaux Tuileries (9)

Des Tuileries à la Bastille, où nous avons rendez-vous ce soir, il n’y a qu’un trajet — mais peut-être trop de pas pour deux flâneurs déjà fourbus. Nous les feront néanmoins, notre avance rythmée par le spectacle de la rue, les immeubles, les monuments, qui tranquillement se ouatent du bleu de la fin du jour… Heureux tout de même d’aller nous effondrer dans un petit bistro de la rue de la Roquette — qui nous offrira une preuve supplémentaire d’un manque parisien: pas de cidre! Cette boisson semble globalement inconnue de la capitale. Même si par hasard il en apparaît sur une carte, ce n’est que par erreur.

Quatrième jour: notre programme d’expositions étant achevé, qu’il ne soit pas dit cependant que les tableaux & les Tuileries ne nous verrons pas encore aujourd’hui. Olivier suggère que nous refassions un parcours que j’avais découvert lors d’un précédent séjour: la rue du Faubourg Saint Honoré & ses galeries. J’avoue pourtant ne plus vraiment me souvenir d’à quel niveau elle devient véritablement intéressante. Qu’importe: descendant à Louvre-Rivoli sur notre chère ligne 1, nous prendrons tout d’abord la rue Saint Honoré dans sa quasi totalité.

Sous l’enseigne vieillotte d’une agence de détective privé (pour un peu, nous croiserions presque Nestor Burma), une jeune fille serrée dans un kiosque plein de vapeur nous vend de longs hot-dogs couverts d’un odorant gruyère grillé. Pas encore vraiment réveillés, nous faisons halte presque aussitôt, à l’angle de la rue Jean-Jacques Rousseau: la déco discrètement « fifties » d’un bistro nous attire. Sous le grand miroir & les lustres noirs, mon compagnon acquiert un charme presque oriental, accentué par la vague gracieuse d’une longue écharpe orange dérobée à notre hôtesse & par la coupe droite de sa veste chinoise. J’aimerais être peintre, pour d’un coup de pinceau poser sur la toile cette longue touche de couleur pure, l’orange, qui vibrerait sur le fond sombre, prune, de la veste, et sur les plis confortables du t-shirt noir. Pour faire luire doucement le cuir rouge de la banquette, jouer des reflets sur le revêtement marbré de la table & rendre la tendresse de la lumière d’automne, tamisée par les vitres embuées.

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