Week-end stéphanois (1)
Ils voulaient détruire l’art mais finalement ne se résolvaient pas à le faire réellement: toutes leurs créations s’inscrivaient dans le rectangle d’un tableau.
Belle exposition que cette « Fin de l’art » au musée d’art moderne de Saint-Étienne. D’autant plus belle qu’elle m’a en définitive séduit par sa picturalité, alors qu’elle entendait explorer la manière dont certains mouvements du milieu du XXe siècle (grosso-modo de 1945 à 1968 — et non pas jusqu’en 2003 contrairement à ce qu’affirmait l’affiche) avaient organisé une destruction de l’idée d’art. Les deux mouvements du lettrisme, les deux également de l’Internationale lettriste, les Situationismes: autant de recherches qui conduisirent à l’état actuel de ce que l’on nomme « l’art contemporain », cet art à l’état gazeux où ne demeure plus rien que la prétention des démarches et des déclarations… Mais auparavant, avec ces mouvements-là justement, l’art demeurait malgré tout bien reconnaissable. Pas encore dépassé, n’en déplaise à ses exécutants!
Alors oui, « la picturalité est sans cesse détruite, au profit d’une empreinte, d’une suite de lambeaux où l’image est détruite » — l’oeil n’en reconnaît pas moins le cadre (littéralement) et à l’intérieur de celui-ci un agencement de formes & de couleurs, qui pour souvent être aléatoires (affiches déchirées, traces laissées sur un large ruban de scotch, rébus enfantin, monochromes tout juste troublés par une déchirure ou un liseré inachevé, hiéroglyphes serrés sur la toile), n’en émergent pas moins comme belles. Une expérience esthétique qui était toujours la recherche de l’artiste, tandis qu’ensuite, avec le « contemporain », la notion même de beau, d’esthétique, se trouve renversée, bafouée, moquée.
Il se trouve même au sein des mouvements réunis dans toutes ces vastes salles (l’expo est véritablement immense), certains qui pratiquaient tout simplement des formes de peinture abstraite — les Allemands de Spur par exemple, ou les Italiens du « Bauhaus Imaginistes », qui ne faisaient qu’explorer les mêmes voies que l’expressionnisme abstrait des Américains. Quant aux « photographies abstraites » de Raymond Hains (1949) ou sa série de gouache & crayon « Pénélope » (1953/54), elles ne surprennent guère de nos jours, tant nous sommes désormais familiers de toutes les représentations abstraites.