#606

A Reminiscent Drive (bordel 2)

Madame Zimmermann, une grande et grosse femme aux cheveux d’un faux blond criard, était ma proprio. Vérité ou légende, on m’avait dit qu’il s’agissait de la veuve d’un ancien caïd local, ce qui expliquait qu’elle protège les quelques filles du « dernier carré »: une atroce d’une cinquantaine d’années, le cheveux poivre-et-sel et la tronche piquetée de petite vérole, la silouette cependant bien droite et toujours aimable; et deux nettement plus jeunes, une blonde et une châtain. La noiraude officiait plus haut dans la rue Léon-Valade mais les deux filles siègeaient de chaque côté de la porte de mon immeuble.

Vérité ou légende, encore, Madame Zimmermann protégeait les trois filles sans rien trop demander en échange, sur la force des relartions de son défunt mari. Une rue libre, en quelque sorte.

Une rue bien vilaine, en tout cas: uniquement bordée d’immeubles bas, deux ou trois étages, sans style ni charme, grisâtres, fenêtres bouclés et portes sales, deux-trois rues en berne, usées. Puis une rue moins triste, façades blanches, Madame Zimmermann habitait là, en haut de quelques marches. Et un peu plus, l’unique boutique du « dernier carré » — une échoppe de « surplus militaire », comme une bouche sombre dans l’alignement clair, encore obscurcis par les pendeloques, les fringues en étendard, vert bidasse et tachées pour le combat. Tout ce que je déteste, jamais je n’y suis entré.

(to be continued)

#605

A Reminiscent Drive

Ou bien ce titre ne devrait-il pas mieux être quelque chose comme « Ma vie au bordel »?

Parce que j’ai habité durant deux ans dans un bordel, une maison close, si, si.

Au 13 rue Léon-Valade, en plein centre de Bordeaux. Dans un petit immeuble anonyme, tout près de la Galerie des Beaux-Arts. La dernière fois que je suis passé à Bordeaux, il doit y avoir deux ans au moins, les bulldozers venaient d’emporter une partie du quartier et aujourd’hui il n’en reste plus rien.

Cette rue, et deux ou trois autres, formaient le dernier carré du vieux Mériadeck, un quartier populaire qui, tout comme le Tonkin à Villeurbanne par exemple, ou comme la Vilette, l’ex-village où j’habite maintenant, sur la rive gauche de Lyon, se trouva dans les années 1970 au centre des grands projets urbanistiques de l’ère pompidolienne. Avec bien entendu centre commercial clot, passerelles et tours éparses. Arguons tout de même que, contrairement au piteux résultat de La Part-Dieu, Mériadeck n’appartint pas (tout à fait) à la cohorte de ces projets bâclés et mal conçus qui défigurèrent nombre de centre-villes. De fait, je dirai même que j’aimais bien me promener dans Mériadeck, lorsque j’habitais à côté. Il faut dire qu’ayant passé mon adolescence à Cergy-Pontoise, j’ai des références esthétiques sans doute un peu « différentes » de la majorité, en matière d’urbanisme seventies.

Le dernier carré: on m’a dit qu’autrefois, si commune était la prostitution que de grosses bonnes femmes s’installaient sur la rue sur des sièges en toile, afin de raccoler tranquille. La rue Léon-Valade et ses ultimes voisines n’avaient plus une telle outrecuidance, mais quelque chose demeurait tout de même de l’ancienne gloire péripapéticienne, en la personne de Madame Zimmermann.

(to be continued)

#604

Trois jours à Toulouse. Juste le temps de retrouver quelques repères dans la ville rose, d’assister à un nouveau formidable concert de marillion, d’avoir quelques longues conversations avec de vieux amis, de paresser dans le parfum des fleurs au pied de la tour du Capitole, de siroter un thé au bord de la Garonne. Chaleureux séjour, pour le moins.

#603

N’empêche que cette année je ne vais pas aller à Londres. Pour quelqu’un qui est malade de cette ville et y allait trois fois par an ces dernières années, c’est le chagrin. Et en plus, jusqu’en septembre s’expose à la Tate Modern une fabuleuse rétrospective sur Hopper, flûte de zut. Frustration.

Alors j’écris sur Londres, je m’évade en brodant des promenades pour mes personnages. La chaleur s’étant éloignée, le temps est pour le moment idéal pour l’écriture créative, je trouve. J’ai mis au propre mes journaux, aussi. En cédant à la tentation de couper ici et là, lorsque je trouvais que des sentiments dépassaient un peu trop des mots.

J’ai deux romans en lecture, actuellement. Légère angoisse. Faudrait que je me remette à bosser sur deux autres, abandonnés il y a une éternité ou deux. J’ai terminé (pour le moment) de bosser sur le Panorama illustré de la fantasy & du merveilleux. Les épreuves à corriger sont toutes en voie de transit postal vers les correcteurs et les auteurs, ainsi que vers quatre journalistes qui les avaient demandées. Croisons les doigts. Et espérons qu’il y aura des souscriptions en nombre sympathique. Non pas que je compte dessus, mais ce serait une aide intéressante. 31 euros au lieu de 39, et avec le port compris. A vot’ bon coeur. 😉

Rien à voir: une info intrigante relayée par Neil Gaiman. Légende semi-urbaine?

#602

Synesthésie: chaque fois, un tel grand vent, ce ciel bleu et blanc, le fond de l’air presque frais… Par ces jours de juin j’ai des impressions de plage. Souvenirs de Bretagne et de côte basque, envie de sable, de pins et d’embruns. Lyon a ce défaut: la mer en est trop loin et l’océan s’en trouve plus éloigné encore.