La dernière fois que je vous parlais de mes lectures, je disais que je venais de commencer un intrigant roman steampunk, The Court of the Air de Stephen Hunt. Depuis hélas, ledit roman m’est tombé des mains… Ça commençait pourtant rudement bien, dans un univers bizarre et compliqué en diable, bourré de machines à vapeur, d’ordinateurs géants à fiches perforées, d’immeubles pneumatiques, de robots pensants, d’orphelinats exploiteurs de petits nenfants, de bidonvilles victoriens, de dirigeables vrombissant, d’espions à télescope dans une cité volante, d’anciens pirates et de meurtres mystérieux… Pas du steampunk à proprement parler victorien, plutôt un rétro-futurisme gothique décalé sur une planète étrangère, avec un brin de magie et une ambiance foisonnante à la Phillip Pullman. Et puis en avançant dans ce récit, j’ai commencé à vaguement m’ennuyer, à reconnaître des structures narratives archi-usées, et en fin de compte, sous son décor fascinant le roman s’est avéré n’être qu’une BCF de plus. Avec le roi des robots dans le rôle de l’elfe sage et tout le bastringue élimé du roman de guerre vaguement magique, comme Bragelady nous en aligne des quintaux dérisoires depuis des années. Très décevant. J’ai laissé tombé quand j’ai estimé avoir obtenu de cette oeuvre ce que je devais en tirer — dans les 150 pages avant la fin, me contre-fichant du destin de pacotille de ces héros. L’auteur a aligné d’autres volumes dans le même univers, le deuxième semble beaucoup plus prometteur, de l’aventure à la Jules Verne, mais je n’ose encore le commencer de peur d’être de nouveau déçu…
Sinon, entre deux lectures populaires (j’ai aussi lu un deuxième « Pax Britannia »), je continue à m’abreuver, très lentement, à la source fraîche du Cygnis de Vincent Gessler. J’éprouve toujours le besoin, quand je lis du populaire, d’enrichir mon « alimentation » d’une belle prose, en parallèle, comme pour me rincer les yeux, ou du moins changer de rythme: du trépidant du populaire où l’on saute aisément des lignes à la réflexion tranquille d’une prose à admirer. Le beau récit à la fois tendre et brutal de mon ami suisse s’y prête idéalement. Ah, et puis débuté hier soir (et largement entamé) la lecture de A Slight Trick of the Light de Mitch Cullin — vu son sujet, Sherlock Holmes, on s’attendrait à de la littérature populaire, mais que nenni: c’est bel et bien de la grande et belle littérature que ce roman-là, plus proche finalement de Michael Ondaatje que de Conan Doyle. Contemplatif, philosophique, un texte délicat sur la vieillesse, tout à fait remarquable. Assurément l’un des plus beaux pastiches de Sherlock Holmes que j’ai jamais lu (et croyez-moi, j’en ai lu beaucoup), de très très loin — avec celui de Michael Chabon, qui lui aussi évoquait les dernières années du détective, dans sa retraite du Sussex au milieu des abeilles. Qu’est-ce qui, dans le paradoxe touchant de la fin de vie de Sherlock Holmes, éveille le talent de tels auteurs? Je ne sais exactement, mais me réjouis de l’enivrante subtilité d’un tel texte, moi qui me replonge dans le mythe holmésien en plein, avant un marathon d’écriture en compagnie de Mauméjean dans une dizaine de jours.