#1857

Je suis la majeure partie du temps très occupé, certes, mais en ce moment, je suis même limite débordé. N’arrangea pas les choses d’être en signature aux Quais du polar durant trois jours — pour une libraire qui n’avait pas jugé bon de prendre autre chose que mon polar jeunesse, et avec une affluence terriblement molle, du fait du beau temps dehors. Une trentaine de dédicaces, c’est déjà ça mais c’est quand même bien peu. Et puis je file samedi à Lille (journée steampunk) puis à Valenciennes (marathon d’écriture Sherlock Holmes avec l’ami Mauméjean), toute la semaine. C’est chouette, je suis très excité à la perspective de bosser de manière aussi concentrée, ces séjours chez le professeur X sont toujours très fructueux, mais en attendant ça me « speede » le reste de mon emploi du temps.

Niveau lectures, toujours du steampunk: Soulless de Gail Carriger, très amusant, proche d’une Barbara Hambly mais en plus déjanté encore — Sylvie Denis vient de le traduire pour Orbit. C’est de la bit-lit sur fond steampunk, avec une forte dose de second degré.

#1856

Ce matin, vernissage d’une expo aux Archives municipales sur Edmond Locard, le créateur en 1910 du tout premier laboratoire de police scientifique. Au milieu des notables réunis dans une grande salle, j’ai écouté les discours, dont certains étaient intéressants, il y avait aussi un petit spectacle de Guignol et une lecture par un holmésien en casquette deerstalker (les deux m’ont semblé assez ridicules), puis enfin l’expo — qui s’est avérée être toute minus, coincée dans un bout de couloir à l’entrée. Déception. Celle que la bibliothèque de la Part-Dieu avait consacré il y a quelques années à Alexandre Lacassagne (autre grand précurseur lyonnais de la criminologie) était un rien plus étoffée.

Demain et tout le week-end, je serais en dédicace au salon Quais du polar. Comme chaque année je ne suis pas sur la liste des invités, ma présence s’est organisé à la dernière minute, et les Moutons électriques, seul éditeur lyonnais a publier une collection policière, n’ont toujours pas l’honneur d’être mis en lumière. Normal, la routine.

#1855

La dernière fois que je vous parlais de mes lectures, je disais que je venais de commencer un intrigant roman steampunk, The Court of the Air de Stephen Hunt. Depuis hélas, ledit roman m’est tombé des mains… Ça commençait pourtant rudement bien, dans un univers bizarre et compliqué en diable, bourré de machines à vapeur, d’ordinateurs géants à fiches perforées, d’immeubles pneumatiques, de robots pensants, d’orphelinats exploiteurs de petits nenfants, de bidonvilles victoriens, de dirigeables vrombissant, d’espions à télescope dans une cité volante, d’anciens pirates et de meurtres mystérieux… Pas du steampunk à proprement parler victorien, plutôt un rétro-futurisme gothique décalé sur une planète étrangère, avec un brin de magie et une ambiance foisonnante à la Phillip Pullman. Et puis en avançant dans ce récit, j’ai commencé à vaguement m’ennuyer, à reconnaître des structures narratives archi-usées, et en fin de compte, sous son décor fascinant le roman s’est avéré n’être qu’une BCF de plus. Avec le roi des robots dans le rôle de l’elfe sage et tout le bastringue élimé du roman de guerre vaguement magique, comme Bragelady nous en aligne des quintaux dérisoires depuis des années. Très décevant. J’ai laissé tombé quand j’ai estimé avoir obtenu de cette oeuvre ce que je devais en tirer — dans les 150 pages avant la fin, me contre-fichant du destin de pacotille de ces héros. L’auteur a aligné d’autres volumes dans le même univers, le deuxième semble beaucoup plus prometteur, de l’aventure à la Jules Verne, mais je n’ose encore le commencer de peur d’être de nouveau déçu…

Sinon, entre deux lectures populaires (j’ai aussi lu un deuxième « Pax Britannia »), je continue à m’abreuver, très lentement, à la source fraîche du Cygnis de Vincent Gessler. J’éprouve toujours le besoin, quand je lis du populaire, d’enrichir mon « alimentation » d’une belle prose, en parallèle, comme pour me rincer les yeux, ou du moins changer de rythme: du trépidant du populaire où l’on saute aisément des lignes à la réflexion tranquille d’une prose à admirer. Le beau récit à la fois tendre et brutal de mon ami suisse s’y prête idéalement. Ah, et puis débuté hier soir (et largement entamé) la lecture de A Slight Trick of the Light de Mitch Cullin — vu son sujet, Sherlock Holmes, on s’attendrait à de la littérature populaire, mais que nenni: c’est bel et bien de la grande et belle littérature que ce roman-là, plus proche finalement de Michael Ondaatje que de Conan Doyle. Contemplatif, philosophique, un texte délicat sur la vieillesse, tout à fait remarquable. Assurément l’un des plus beaux pastiches de Sherlock Holmes que j’ai jamais lu (et croyez-moi, j’en ai lu beaucoup), de très très loin — avec celui de Michael Chabon, qui lui aussi évoquait les dernières années du détective, dans sa retraite du Sussex au milieu des abeilles. Qu’est-ce qui, dans le paradoxe touchant de la fin de vie de Sherlock Holmes, éveille le talent de tels auteurs? Je ne sais exactement, mais me réjouis de l’enivrante subtilité d’un tel texte, moi qui me replonge dans le mythe holmésien en plein, avant un marathon d’écriture en compagnie de Mauméjean dans une dizaine de jours.

#1853

Hier soir, mondanités. Vernissage de l’accrochage permanent de huit toiles de Scanreigh, à la bibliothèque universitaire de la Manufacture des Tabacs (Lyon 3). Belle initiative dans un très beau lieu, mélange d’architecture contemporaine et d’architecture industrielle ancienne réhabilitée, pour des tableaux frappants. Petits fours et cheveux gris. En dehors de l’artiste, je ne connais que deux galeristes — je discute avec l’un d’entre eux de l’opportunité d’un lancement d’ouvrage des Moutons avec une expo dans ses murs (autour des comics). Un photographe nous prend pour Lyon Clubbing, le galeriste me reproche de ne pas assez sortir. En repartant, je capte au détour d’une cour les propos sentencieux d’un étudiant sur Philippe Séguin — un étudiant en droit, forcément, il en a toute la prétention notariale et l’air déjà trop âgé. Quelle dérision, tous ces jeunes qui n’ont que hâte d’être des vieux.