#2259

La chaleur, c’est comme une maladie, une fichue infirmité.

Chaque été ou presque, cela s’abat sur moi comme une malédiction, m’obligeant à rester calfeutré, à vivre dans la pénombre, à jouer du store, à surveiller nerveusement la différence entre la température extérieure et la température intérieure, à vérifier le matin combien il fait et à vite fermer les fenêtres, à consulter la météo le désespoir aux tripes en priant pour un effondrement du temps… Parce qu’impossible d’aérer mon appart, dont toutes les fenêtres donnent sur la même façade. De plus, les murs, une épaisse muraille en mâchefer, emmagasinent la chaleur. Alors même hors canicule cela s’accumule, la température ne retombe pas assez la nuit. Et je sens ma vie se racornir, les coins roussis, enfermé comme je le suis, pas de lumière, pas de promenade, une vague nausée et une vague migraine, la respiration qui se bloque. Et le ventilo qui bloblotte, et la grosse clim mobile qui gronde et qui lutte, et l’ordi qui montre des signes de faiblesse. I hate that: mais que fais-je à Lyon? me demande-je chaque été.

Sur les conseils du professeur Mauméjean, je viens de lire le journal de Barbellion, un naturaliste anglais mort en 1919 à l’âge de 28 ans, d’une santé catastrophique toute sa courte existence (il s’agissait en fait d’une sclérose en plaques) et qui passait une bonne part de son temps à râler, grogner, rouspéter… et je me sens un peu comme lui, en ce moment, alors que j’ose espérer qu’en temps normal je suis un peu moins bougon, mais en ces semaines de chaleur je trouve la vie absurde… Alors je relis des Wodehouse, pour rire un peu (ou beaucoup), et j’écris, tête baisée, front plissé. Nothing else to do.

Spring came late, but when it came it was hand-in-hand with summer, and almost at once everything was baking and warm. (Nancy Mitford)