#2317

Sans la moindre préméditation, cette journée aura été placée sous le signe du béton.

Mais tout d’abord, ce matin, encore un peu fatigué de mes excursions précédentes, et face à un ciel vraiment très gris et très bas, j’ai décidé de rester tranquillement à bouquiner, dans un fauteuil aussi beau que confortable. Aimant les trains (ce doit être dans les gènes), de temps en temps je levais le nez de ma page pour contempler le passage d’un métro, à la station d’East Finchey juste en bas (à ce niveau, le métro émerge des tunnels et se met à circuler en plein air, comme sur toutes les lignes de banlieue). Je ne suis pas encore blasé du spectacle de ces chenilles rouges et blanches. Et le soir les rames du métro filent comme un code morse projeté dans la nuit: fenêtres illuminées de l’intérieur, deux longues (vitres verticales), deux courtes (portes), deux longues, trois verticales, deux longues, et ainsi de suite… Le tout ponctué d’éclairs, comme des flashs de presse, lorsqu’une étincelle jaillie de la ligne.

J’ai lu, donc. Un curieux et amusant roman: Fuzzy Nation de John Scalzi. Je n’avais jamais encore lu ce monsieur, un Américain qui visiblement à l’heur de plaire actuellement aux fans. Chez Forbidden Planet, cependant, sa réputation ne semble pas grande car il n’occupe qu’un minuscule bout de rayon. Avec surprise, je suis tombé sur un roman de Scalzi intitulé The Android’s Dream, avec des moutons en couverture. Un hommage à Dick? À lire le 4e de couv, on croirait pourtant plutôt un rip-off de la Course au mouton sauvage de Murakami. Curious. Et l’auteur d’annoncer un prochaine The High Castle? Curiouser and curioser. Mais un fuzzy, non, vraiment? Mais si: c’est indiqué assez discrètement, mais il s’agit bel et bien d’une réécriture du premier roman de H. Beam Piper consacré aux fuzzies (autrefois renommés en France les « tinounours sapiens »). Un roman qui datait de 1962, et dont Scalzi proposa donc en 2011 un « reboot », comme on en fait à Hollywood. Je me souviens que dans le temps, Marie-Pierre Najman avait publié dans Yellow Submarine une nouvelle abordant cette question de la réécriture, dans un futur alors incertain, d’oeuvres anciennes de SF par de nouveaux auteurs. Eh bien, voici que ça devient d’actualité. D’autres s’y mettront-il? Ah, c’est que somme toute c’est encore mieux que la « sequel », comme plan. Enfin, j’ai lu Fuzzy Nation et force est d’admettre que cette version réimaginée par Scalzi s’avère très sympa. Je suis fan de longue date des fuzzy sapiens et, pour inhabituelle qu’elle soit, l’initiative de Scalzi s’inscrit somme toute assez bien dans l’histoire étonnante de ce cycle: H. Beam Piper avait publié deux romans sur ses petites créatures, puis s’était suicidé. Un auteur lui avait donné une excellente suite, puis un autre aussi. Avant que le manuscrit d’un 3e roman de Piper soit soudain retrouvé, concluant la trilogie et contredisant forcément la suite d’un autre auteur. Scalzi ajoute donc à cette étrange série, avec un roman revisitant les débuts, d’un point de vue un peu plus réaliste, un peu plus nuancé. Les fuzzies y sont nettement plus petits et on ne les voit peut-être pas vraiment assez, en tout cas Scalzi semble s’être méfié d’un excès de cute. L’idéologie est la même, et là aussi c’est logique: on a vu avec Aquablue, Avatar et les bédés de Léo combien ces thématiques demeuraient porteuses. Scalzi s’en tire bien, c’est écrit de façon alerte et prenante, de la bonne littérature populaire. Apparemment, Scalzi revendique le « fun » comme seule motivation d’écrire, c’est peu mais ici ça fonctionne bien.

Après cette agréable distraction, j’avais envie d’un peu d’art, alors je suis descendu jusqu’à la National Gallery. Histoire de revoir quelques favoris: rien ne me donne un sentiment de douce sérénité comme la contemplation d’un tableau que j’aime. Et la National Gallery possède quelques Van Gogh que j’adore, un Gallen-Kallela, des Seurat, quelques Pissaro (dont celui avec une fantôme), enfin bref, pas mal de toiles admirables, favourites of mine, auxquelles j’aime revenir de façon régulière. Le musée étant gratuit, contrairement à Orsay par exemple, cela facilite cet amour récurrent. Pour ne rien gâcher, il y a aussi une poignée de nouvelles acquisitions de toute beauté — en particulier un Caillebotte. Empli du zen très particulier que je tire de la lumière de certains tableaux, c’est tout heureux que je ressorti — et achetai une grosse saucisse au poivre et aux oignons, parce que l’art c’est formidable, mais manger ça fait également du bien.

Où aller ensuite? Après deux jours de nature, j’avais envie d’asphalte et de brique, enfin, de ville quoi. Je suis donc descendu jusqu’à la Tamise. J’ai beau connaître Londres relativement bien, depuis le temps, j’y trouve toujours de nouveaux sujets d’émerveillement. Je n’étais jamais descendu à la station Charing Cross, par exemple, très bizarrement. Plaisir mineur, mais plaisir. N’étais jamais non plus passé par la passerelle ouest d’Hungerford Bridge. D’où le soleil rasant laissait émerger le Parlement d’une brume rosée et faisait étinceler le London Eye et la masse ocre de l’ancien hôtel de ville. Côté Southside, je refis connaissance avec l’architecture brutaliste héritée du Festival of Britain de 1951. Elle n’est pas aisée à aimer, cette architecture, toute de striures, de rudesse, de gris sans compromis d’un béton brut. Pourtant, elle s’impose, dans la pureté de ses lignes et justement parce qu’elle ne fait pas de compromis.

Profitant de la marée basse, je descendis sur la grève, et m’avançais même jusqu’au bord de l’eau. Des années que je n’avais pas fait ça, et jamais sur cette rive. En remontant, je découvris que si The Shard n’est pas encore tout à fait terminé, déjà d’autres gratte-ciel sont en cours d’érection, côté City. Une sorte de pyramide inversée et une tour qui ne va pas tarder à cacher le Gerkin. J’ai lu l’autre soir dans l’Evening Standard que plein d’autres gratte-ciel allaient être construits, la mode est aux tours, les über-riches aiment se planquer en hauteur, en ce moment.

Tiens, une autre sorte de béton: non pas les striures mais le lisse glacé du béton ciré (déco obligatoire de nos jours dans tous les musées et autres lieux publics) et… la Tate Modern a déjà commencé à changer, bien que le nouveau building qui lui pousse sur le flanc n’en soit encore, extérieurement, qu’au stade des tours d’ascenseurs. Au niveau du Turbine Hall, par contre, une nouvelle échancrure s’ouvre, vers les soubassements en béton brut, bouquets de piliers et murailles rudes, la Modern a nommé ça The Vault. Et comme d’habitude, elle met au moins autant son espace que ses oeuvres d’art en valeur. On se perd dans une vaste pénombre d’où n’émergent que quelques écrans, une musique planante, le sujet semble être l’ambiance et notre rapport à l’espace, on titube un peu.

Traversant la passerelle, je contourne ensuite la cathédrale, pour gagner un autre ô combien grand espace du béton: le quartier de Barbican. Une utopie urbaine, tellement décriée en son temps (le Barbican Centre ouvrit en 1972), mais depuis tellement bien admise, car si réussie, si étrangement imposante et vivante, si formidablement différente, que même les immeubles subséquents se sont, pour la plupart, pliés à sa logique: passerelles et coursives, rampes et escaliers. J’adore le Barbican, et j’idolâtre le Barbican Centre, si, si: je suis un enfant des années 70, je suis un enfant d’une ville nouvelle, alors le Barbican! De nos jours, le design, la déco et l’architecture 1950, 60 et 70 sont enfin revenus en grâce, on les aime et on les imite de nouveau, c’est vintage, alors je peux dire combien j’apprécie le fait que personne n’ait jamais osé « rénover » le Barbican Centre: ce centre culturel est toujours génialement « dans son jus », tout de brun et de beige, avec de grandes touches d’orange. On se trouve dans les Seventies, pour de bon, je trouve ça magique. Et l’expo que j’ai vu à la Barbican Gallery, « Everything Is Moving », ne dépare pas: des travaux photographiques des années 60 et 70. Curieusement agencée, d’ailleurs: un premier photographe, bouleversant, sur le quotidien en Afrique du Sud au temps de l’apartheid ; puis des photos américaines très quelconques ; puis un autre photographe de l’apartheid ; encore une « pause » sans intérêt, et des photos sur les marches et les mouvements pour l’émancipation des Noirs, aux USA dans les années 60. Fascinantes et profondément touchantes. Le commissaire d’exposition ne savait apparemment pas trop où il allait, mais les trois grandes tranches sur l’apartheid et les droits blacks valent largement la visite, c’est une leçon d’histoire, superbe.

#2316

Il s’agissait d’être logique: puisqu’hier j’avais fait un parcours du « Capital Ring » en partant d’East Finchley, il s’agissait que je termine cela, cette fois en le prenant dans le sens indiqué par mon guide. Soit donc la balade d’East Finchley à Highgate, et plus si affinité. D’autant que le temps se maintenait au « sec ». Pas au beau: la météo, à Londres, parle de « dry » quand il ne pleut pas, ce qui est considéré comme bien assez beau déjà. Hop donc, traversant la High Road je pénétrai dans Cherry Tree Wood, le bois qui s’étend en face de la station du métro. Les Anglais sont toujours très attentif à la sauvegarde naturelle et l’on nous explique, dès l’entrée du bois, qu’il s’agit là d’un lambeau survivant de la vaste forêt préhistorique. Plus récemment, un évêque en avait fait son terrain de chasse. Au sortir du bois, une deuxième forêt s’ouvre sur l’autre trottoir, Highgate Wood, ample et majestueuse. Une autre rue, et de l’autre côté encore une autre forêt: celle-ci plus dense, plus sauvage. Le sous-bois se perle d’or, entre les contorsions des troncs épais. Accrochée dans un repli de collines, la grâce pointilliste de cette forêt d’automne m’enchante aussitôt: les taches tremblantes des feuilles, au sol le tapis tacheté des feuilles mortes, et les troncs des chênes, noirs, tranchant sur toute cette lumière mouvante. Queen’s Wood. La multiplicité et la beauté de ces bois me sidèrent, on est dans Londres et presque jamais je n’émerge dans une rue, au milieu des maisons pourtant toutes proches. Nonobstant quelques joggueurs, la faune que je croise se constitue de merles, de pies, d’écureuils bien sûr. Plus loin serons aussi des mouettes, canards, foulques, cygnes. Hier j’avais vu un héron s’envoler dans toute sa grise élégance au-dessus de la Brent. Un sentier en pente raide, et soudain une rue, encaissée entre deux épaules rocheuses, Priory Gardens.

Le guide indique que la promenade suivante débute entre les maisons n°63 et 65: un autre sentier grimpe là, on tourne dans l’herbe derrière une vieille bibliothèque, une vieille route descend, tourne, et s’ouvre là un nouveau parc. Sur la gauche se distinguent les bouches abandonnées de deux tunnels ferroviaire: le Parkland Walk constitue le tracé d’une ancienne ligne, abandonnée. Il avait été question de la récupérer pour la Northern Line du métro, mais la seconde guerre interrompit ces projets — ainsi sais-je maintenant pourquoi des quartiers comme Muswell Hill et Crouch End n’ont pas de station de métro: j’ai marché tranquillement, sous les arbres, entre leurs quais en ruines. Et de toutes les balades que j’ai effectuées pour le moment, c’est sans doute la plus belle, celle en tout cas qui me parle le plus: une vraie exploration urbaine, cette longue longue longue étendue qui serpente entre les rues et les maisons, dominant tout, offrant par endroit des trouées visuelles vers les habitations humaines. C’est le plus long parc de Londres: plus de 7 kilomètres.

Tout au bout, après le trajet enclos d’une passerelle métallique sur l’un des périfs, la perspective étroite et fermée s’ouvre soudain en grand, en très vaste: Finsbury Park. Les larges allées et les pelouses immenses roulent calmement au sommet de la colline, sous un ciel alternativement bleu, blanc ou gris. Et puisque j’avais achevé ma précédente balade au bord d’un réservoir, autant recommencer: à une extrémité du parc, je me glisse sur la rive étroite et boueuse de la New River. Qui n’est ni nouvelle ni une rivière, mais un canal étroit et peu profond, creusé au 17e siècle pour apporter de l’eau potable à Londres. Suivant le sillon de cette eau lisse, je rejoins les bords d’un premier lac, l’Eastern Reservoir, et les deux masses liquides, le canal et le lac, de filer parallèles. Enfin, la New River se décide à s’ouvrir au Western Reservoir, et le décor passe du boueux-herbeux au lisse et propre d’une nouvelle résidence, avec un beau sentier en courbe douce. De petits voiliers glissent sur le lac, au loin le soleil forme comme une barre dorée sous les nuages gris, un clocher s’y détache, ainsi que la tour carrée, trapue, des anciennes pompes. Au sortir du sentier, d’autres pompes encore, dissimulées sous la forme d’un château pseudo-médiéval en briques sales. Fin de la promenade, la plante de pieds en feu, il faut encore rejoindre la station de Manor House.

#2315

Il y a longtemps de cela, de vagues copains à moi revinrent de Londres mécontents, ils n’avaient pas aimé — passons sur le fait que la fille s’était faite renversée par une moto en traversant sans regarder du bon côté et que le garçon avait été arrêté pour avoir fumé de la beu dans la rue. Ils n’étaient pas bien malins, ces deux-là. Bref, l’un de leurs reproches concernait les boutiques « toutes pareilles » dans les rues commerçantes, que des magasins de chaîne. Outre que ce phénomène a hélas gagné la France maintenant, il s’agit d’un jugement assez sot et erroné, car chaque rue commerçante des petits quartiers de Londres aligne une quantité prodigieuse de boutiques indépendantes, comme il n’en existe pas (ou plus) du tout en France. Ce matin, je me suis amusé à commencer à lister ce que je voyais d’un côté de la High Road de East Finchley : une épicerie, un traiteur polonais, Everything Electrical (donc une boutique d’équipement électrique), une agence immobilière, un café, un pressing, une épicerie, une « charity shop » pour les animaux (quoique ce puisse être), un barbier (coiffeur, quoi), un cinéma (la plus vieille salle indépendante existant encore à Londres, le Phoenix), une boutique de téléphonie, une boutique d’informatique, un café, etc etc. À ma connaissance, aucune rue de village ou de quartier, même parisienne (la plus provinciale des villes françaises) ne propose une telle variété. Et un peu plus loin, j’ai vu une boutique d’électro-ménager — une boutique indépendante d’électro-ménager, voilà bien un concept inconnu en France — et puis, la plus étrange, une boutique mi-fleuriste mi… marchand de pneus !

Ce matin, j’ai été au cimetière. Celui de St Pancras-Islington, qui se situe sur le territoire d’East Finchley. Oh, aucun sentiment morbide dans une telle visite : ça n’a rien de neuf, j’aime arpenter les cimetières anglais, qui présentent toujours des morceaux de nature étonnants. Celui-ci plus que tout autre : si immense qu’il est quadrillé de routes et non de chemins, les voitures y circulent, les tombes s’alignant sur le bas-côté. Un cimetière drive-in, en quelque sorte. On marche dans une nature quasi sauvage, tous les terrains sont en friche, les bois non nettoyés, ce doivent être de belles réserves naturelles, et les tombes n’occupent que les bermes. C’est comme marcher sur une route de campagne, les tombes en plus. Avec de belles perspectives, quelques monuments surprenants, et partout le brillant patchwork du rouge au vert des teintes de l’automne.

Je ne les ai pas cherchées, mais je sais que quelque part sont deux tombes de célébrités : l’artiste préraphaélite Ford Madox Brown, et le jazzman Ken « Snakehips » Johnson. La légende de ce dernier reste tristement liée à celle du Blitz. À l’époque des bombardements allemands de Londres, des restaurants et des night-clubs s’ouvrirent dans les sous-sols.

Ainsi, dans l’édition du Sunday Times du 25 septembre 1940, la direction du Grovesnor House conviait tous ceux encore présent dans la capitale à « venir danser dans son nouveau restaurant à caveau. » Même bien enfouis, cependant, le danger demeurait : le patron du Café de Paris, situé sous Leicester Square, affirmait que les quatre étages de solide maçonnerie au-dessus de son établissement le protégeaient efficacement. Ce célèbre cabaret avait donc obtenu en 1939 l’autorisation de rester ouvert, alors que fermaient théâtres et cinémas. Hélas, le 8 mars 1941 deux bombes tombèrent jusque sur la piste de danse, tuant une trentaine de personnes dont le jazzman Ken « Snakehips » Johnston, qui fut décapité – et le patron trop confiant. Près de quatre-vingt autres personnes furent blessées. (extrait de Hercule Poirot, une vie)

Après cette balade quasi campagnarde, j’ai arpenté lentement deux quartiers résidentiels voisins du « mien », qui portent les doux noms de Muswell Hill et Fortis Green, jusqu’à rejoindre mon point de départ. Le quotidien anglais, l’ordinaire londonien, me sont encore assez « exotiques » pour me séduire, m’amuser, m’intriguer.

J’écrivais hier que je n’avais pas de plan préconçu. Tout de même : ayant acheté lors de mon avant-dernier séjour un guide du « Capital Ring », sans avoir encore eu l’occasion d’en effectuer aucune promenade, j’avais bien dans l’idée cette fois de tester certains tronçons de ces greenways. Ce projet de Transport for London (une sorte d’équivalent de la RATP, disons) consiste à avoir étudié et balisé une série de quinze balades sur la ceinture extérieure de Londres. Des promenades dans la verdure, de parc en parc, de ruisseau en rivière, à travers toutes les « coulées vertes » disponibles et, à défaut, par des rues calmes. Une sorte de pas de côté urbain. Feuilletant le guide, j’ai vu qu’une promenade frôlait la station de métro d’East Finchley. Seulement, le guide prévoyait que l’on aille vers Highgate, alors que j’avais plutôt envie de prendre le chemin dans l’autre sens — qu’à cela ne tienne, c’est ce que j’ai fait, déchiffrant les instructions ligne à ligne et à rebours du trajet. Le fléchage, lui, prévoit bien que l’on aille dans un sens comme dans l’autre, et il est plutôt bien fait, je n’ai hésité que deux fois.

Cet « anneau de la capitale » se faufile par des sentiers, à travers l’ancien quartier « idéal » d’une baronne philanthrope (c’est aujourd’hui une banlieue cossue, bien entendu), Garden Suburb ; passe par quelques parcs, suit la petite tranchée où coule le Mutton Brook, puis suit un autre ruisseau, le Dollis Brook (aux rives presque en friche, afin de permettre les possibles inondations) ; avant de rencontrer la rivière Brent (une des « rivières oubliées » de Londres) et la suite de petits étangs nommée The Decoy. Je pouvais là regagner une station de métro, Gendon Central, mais j’eus envie de pousser jusqu’au réservoir de Brent. Cet immense lac sert à alimenter le canal du Régent, il y avait longtemps que j’avais envie d’y jeter un coup d’oeil. Et coup d’oeil ce fut seulement, car j’étais alors fatigué, ayant un rien préjugé de mes forces. Cela valait pourtant l’effort, de contempler cette double étendue miroitante tachetée de canards, comme une mer en plein Londres. Les pieds douloureux, je regagnais le métro — c’était loin, quelle erreur. Mais les bus croisés n’allaient jamais vers le sud, vers le centre, alors quoi, je fis cet effort. Le long voyage de la Northern Line jusqu’à Totenham Court Road (pour un peu de shopping « utilitaire » chez M&S) me reposa passablement.

#2314

Et donc: Londres. Levé relativement tôt ce matin pour prendre un TGV largement en retard (normal) puis un Eurostar qui arriva… en avance ! Sont forts ces Anglais. Quelques longueurs de métro plus tard, je découvris le joli petit appartement que l’on me prête et qui va constituer mon pied-à-terre dans le nord de Londres pour dix jours. Ledit métro passe juste à côté, quasiment sous les fenêtres du salon, un spectacle qui m’est inhabituel et que j’ai contemplé par intermittences, cette après-midi, tout en réglant mon ordinateur portable pour qu’il accepte d’envoyer des emails, pas seulement de les recevoir.

Premier petit tour de reconnaissance du quartier et courses rapides à la supérette du coin — mais flûte, j’ai oublié d’acheter du thé. Puis coup de fil d’Axel, pour un rendez-vous à Sloane Square. Nous avons été parler et boire dans un grand pub tranquille de Pimlico. Pour moi un cidre à la poire — un peu trop sucré, tout de même. Nous avons pas mal marché, avant de le trouver, ce pub de quartier — il convenait tout d’abord d’échapper aux alignements de magasins de fringues puis d’antiquaires. Lorsque nous nous sommes séparés, j’ai continué un peu à pied, envie de cheminer d’un square à l’autre, dans la nuit, calmement, sans trop penser. Le but de ce séjour étant de (re) trouver de la quiétude, un apaisement. Mes pas me conduisirent jusqu’à la gare de Victoria, où je mâchonnai un sandwiche chaud et quelques souvenirs chaleureux. De quoi sera fait ce séjour? Je n’ai aucun plan préconçu, pas envie de prévoir. Si ce n’est sans doute d’aller faire un tour samedi au Comiket, le « Independent Comics Fair », un marché de la bande dessinée indépendante. Pas besoin de « faire » : juste de me détendre, de marquer une petite pause. Goûter Londres dans la simplicité d’un quotidien non affairé.

#2313

Je vais m’absenter du 6 au 18. Enfin des vacances, des vraies (c’est-à-dire, pas juste trois-quatre jours à galoper) : l’ami d’un ami me prête son appartement à Londres, joie, bonheur ! Je me sens fatigué, j’ai eu quelques petits pépins de santé ces dernières semaines, bref je « cale » un peu… Temps de prendre un peu de temps. Donc : farniente à Londres + concert de marillion à Lille. Ouaich ouaich.