#2502

Bon, qu’ai-je lu ces derniers mois ? Plein de choses, oui, mais z’encore ? Envie de faire le point, juste comme ça. En étant certain d’oublier d’en lister, mais voyons voir, je gratte le fond de ma cervelle et j’en tire…

Death and Resurrection de R. A. MacAvoy, une jolie fantasy urbaine pas banale du tout dans sa construction.

Dark Cities Underground et Uncertain Places de Lisa Goldstein, que je n’avais pas lue depuis un moment. Encore de la fantasy urbaine, superbe et littéraire. Me reste encore un d’elle à lire, d’ailleurs.

Some Kind of Fairy Tale du regretté Graham Joyce, dont j’ai encore quelques romans non lus, aussi. Subtil, touchant, si « vrai », cet auteur avait une force formidable.

The Book of Lost Things de John Connolly, beau roman de /  sur le merveilleux que m’avait conseillé le professeur Mauméjean.

Standing on Another Man’s Grave de Ian Rankin, longtemps que je n’avais pas lu un « Rebus », c’est toujours aussi bon, mais plus humain maintenant.

Également excellent, meilleur même, dans ce même style de l’école « polar d’Édimbourg » sauf que ça se passe à Londres : The Cuckoo’s Calling, premier polar de Robert Galbraith alias JK Rowling. Quel talent, tous ses personnages sont formidablement vivants, réalistes, elles les aime presque trop.

Murder Underground et Death on the Cherwell de Mavis Doriel Day, deux rééditions de polars oubliés des années 30, absolument délicieux, légers, intelligents — et il en faut, de l’intelligence, pour réussir un roman à énigme sans être ennuyeux. C’est un art subtil, que ne maitrise pas par exemple la triste repreneuse d’Hercule Poirot, dont le bouquin lancé à grand renfort de publicité m’a énormément déçu, inutilement tordu et mal fichu, pesant et sans étincelle.

A Scream in Soho de John G. Brandon est une autre rééd de la British Library d’un polar oublié, de 1941 celui-ci, par un auteur populaire qui avait fait des tas de Sexton Blake : le ton est le même, sympa mais lourd, violent et grossier, mais ça a son charme maintenant désuet.

Dream London de Tony Ballantyne est un mélange de fantasy urbaine et de steampunk, vraiment au coeur de ce qui se fait actuellement en littérature populaire anglo-saxonne d’imaginaire, pour moi un plaisir gourmand et une jolie surprise, un roman surprenant, à l’imagination réellement baroque.

The City’s Son de Tom Pollock est une autre fantasy urbaine bien actuelle dans son ton électrique et sa linéarité presque « young adult », l’auteur m’avait séduit à la Loncon par son enthousiasme et son énergie juvénile, je ne regrette pas, c’est très sympa, je m’apprête à lire la suite.

Tiens, j’ai lu aussi les mémoires de David Suchet sur ses années Poirot. Très mal écrit mais très sympa, très intéressant, un grand monsieur.

Mémoire vagabonde de Laurent Kloetzer, relu dans la belle rééd récente chez Mnémos, j’ai retrouvé un texte encore un peu vert mais si enthousiaste, si excentriquement dandy, adorable.

Relu aussi, je m’étais promis de le faire… Même pas mort de Jaworski, eh bien oui, je voulais le déguster pleinement, dans la belle édition que j’en ai faite, l’éditeur que je suis profite finalement si peu de ses propres livres, comme « pur » lecteur, cette fois je me suis fait un (grand) plaisir un peu paresseux, j’ai re-savouré lentement.

Plusieurs George Mann, y compris son récent Doctor Who. Excellent auteur populaire actuel.

Une bio ancienne de Christopher Isherwood, et relu A Meeting by the River. Encore une fois. Et cessons là la liste, j’en passe à coup sûr mais cela constitue une petite « tranche » de mes lectures — à l’exclusion des bandes dessinées et essais également nombreux.

#2501

La mémoire des goûts, comme celle des odeurs, est souvent bien plus forte et persistante que la mémoire visuelle, me semble-t-il. Plus subtile, également. Et j’en ai fait l’expérience délicieuse cette après-midi, quand je me promenais dans le Jardin botanique. On trouve dans celui-ci une zone d’espèces de petites îles surélevées, où se trouvent reconstitués des exemples de milieux naturels de la région : prairie humide, lande humide, lande sèche, forêt résineuse etc. En m’approchant de l’une d’entre elles, une puissante réminiscence me fit presque monter les larmes aux yeux : cette odeur de sable et de pins, c’est celle de mon enfance, de la propriété familiale en Bretagne, à Saint Brévin. Une douce senteur qui me paraît dire « maison », confort, souvenirs. Et puis, plus merveilleux encore, je vis que ce petit sous-bois était planté de buissons d’arbousier. Et en m’approchant j’avais noté au sol une tache d’un rouge vif : mais oui, une arbouse, bien mûre ! Je n’en avais plus jamais mangé depuis mon adolescence. Et tout soudain, ce goût : je m’en souvenais, le reconnaissais ! Merveille. Cette saveur… Oh, une autre arbouse était mûre, je la cueilli (bien que je supposant que ce soit interdit), et elle confirma à mes papilles gustatives cette texture familière et ce formidable goût d’enfance, presque bouleversants. Ma madeleine proustienne est une arbouse.

#2500

L’ibiscus jaune ne cesse de fleurir, à profusion, mais jusqu’à présent je n’avais pas profité des fleurs de l’hibiscus au feuillage sombre, le fourbe n’ayant éclot que parcimonieusement et durant mon absence londonienne. Enfin, cette fois il se montre et en lieu et place du rouge attendu il dévoile un surprenant mélange de rose et de jaune. Il fait chaud, sans que ce soit étouffant, la maison étant conçue pour le climat. La petite chatte est plus heureuse que jamais, maintenant que je la laisse aller se promener sur les toits tout son saoul, après discussion avec Mamie-la-menace, ma vieille voisine peu contente de ne plus avoir de volées de moineaux dans son jardin mais qui, tout de même, a admis qu’aimant les chats, les passages de Mandou ne l’embêtaient pas — comme si je pouvais empêcher le petit animal de se promener, de toute manière.

#2499

J’avais évoqué l’étrange sorte d’impression de dissociation, de décalage, que je ressentais dans les premiers mois de mon installation à Bordeaux. Eh bien c’est fini, maintenant mon réel et le sentiment que je m’en fais semblent bien réconciliés, je marche dans les rues blondes et j’y suis chez moi, c’est ma normalité, mon environnement. La réalité s’est stabilisée. Non que je sois blasé, et je doute de jamais l’être réellement — après 28 années dans une ville que je n’ai jamais aimé, où au mieux j’admirais sans me sentir chez moi, et envers laquelle le plus souvent je ressentais indifférence ou rejet du moche, me retrouver en terre aimée, en ville de choix plutôt que de hasard, ça se savoure et s’apprécie sur le long terme. À Lyon je me suis toujours senti quelque part un peu en situation d’exil, pas dans l’inconfort (sauf les deux dernières années) mais dans l’ailleurs, un petit peu comme le provincial qui a une bonne raison d’être à Paris. Alors ici, enfin, lorsque je sors je ne suis plus dans l’état de jubilation avancée, mais toujours avec une douce excitation, une satisfaction longue et calme.

#2498

Tiré du sommeil cette nuit par le son d’une trompe marine, j’ai flotté un moment, l’océan clapotait contre ma sous-pente et léchait presque le vasistas. Jusqu’à ce que je réalise que cette rumeur était celle d’un train, portée par la brise, tout comme la corne nocturne.