#2511

Journée d’hier un brin surréelle. Après un déjeuner plantureux en compagnie de Denis Mollat, le big boss de la méga librairie / entreprise culturelle Mollat, et de la conseillère municipale à la culture (cousine d’un proche collaborateur ovin), visite privée de la librairie Mollat de la cave au grenier — et il y a à voir, le labyrinthe de la librairie proprement dite se couronnant d’un labyrinthe de bureaux et d’ateliers (où se prépare toute l’activité culturelle de chez Mollat : photos, reportages, vidéos de toutes sortes), de couloirs au plancher grinçant et d’escaliers bourgeois, de grande salle blanche avec piano quart de queue et de balcons au-dessus du tramway, et se prolongeant en cœur d’îlot par un stupéfiant et immense garage d’autrefois, deux plateaux sous des charpentes magnifiques, vaste espace actuellement vide (je me suis cru dans un épisode de « Grands Designs ») qui doit être prochainement transformé en galerie d’exposition et salle culturelle… Puis le soir venu, conférence d’Estelle Faye et dîner dans la même brasserie. Et ce soir, rebelote pour les activités un tantinet surprenantes, avec concours de « Miss Zombie » (dans le cadre d’une « zombie walk ») et dîner sur un bateau.

#2510

Je pense avoir eu raison de la perfidie des chenilles vertes. J’avais trouvé une première de ces bestioles dans le pot d’une misère, au-dessus de mon bureau, mais les petites crottes apparaissaient toujours, chaque matin, sur le plancher. J’ai enfin trouvé la deuxième. Sinon, cette maison est vraiment celle des araignées, il y en a partout, discrètes ouvrières. Mais les plus inquiétantes de ces arachnides locataires sont sans doute celles qui se cachent dans les combles, énormes, velues et… électriques (l’on peut donc dire que j’ai des araignées au plafond, pour ceux qui en doutaient encore). Ce sont elles qui gouvernent les branchements des différents lustres, dont certains refusaient de s’allumer. Après plus de deux heures de combat acharné, les ouvriers sont tout de même parvenus à apprivoiser l’une des bêtes, pour qu’enfin dans le salon-salle à manger trop longtemps pénombreux, fiat lux, chaque lampe s’éclaire convenablement. En revanche, échec pour le moment au bureau, dont l’araignée électrique tutélaire semblait plus complexe encore.

#2509

Il y a des jours comme cela, où je me sens bien peu rouchu, où tout me daille… Ah pardon, en français : des jours où je me lève déjà fatigué, un peu écœuré, où tout m’ennuie — vague à l’âme. Et puis un coup de sonnette du facteur, et à l’ouverture d’une grosse enveloppe, une belle, très belle surprise : un copain, ancien stagiaire des Moutons électriques, qui m’offre un ouvrage sur lequel il a travaillé. Et quel ouvrage, un carnet de voyage de Taniguchi sur Venise, dans la collection « Travel Book » de chez Louis Vuitton (car oui, le malletier Vuitton fait aussi des livres).

Dire que j’en fus touché serait un euphémisme, d’autant que ça a réveillé plein de choses en moi. La principale étant que j’ai « reconnu » la Venise que j’avais tant aimé, cette ville qui — avec un événement concomitant — m’avait plongé dans une état de joie persistant. Il y a des villes comme cela, qui m’ont inspiré du bonheur. San Francisco, Venise, Lisbonne… Je ne sais si je retournerai un jour dans aucune, je ne sais quel sentiment j’aurai alors, mais chacun de ces voyages m’a transpercé jusqu’à atteindre le petit nerf du bonheur, de la joie, celui qui vibre si peu souvent et si peu pleinement d’ordinaire.

SI j’étais riche, ah si j’étais riche, comme chantait Ivan, je n’aurai de cesse de voyager. Je suis bien chez moi, immensément bien depuis que je suis à Bordeaux, mais j’aime également voyager, et le fait de n’avoir jamais le moindre sou devant moi conduit à une certaine frustration dans ce domaine. Enfin bref, il est bien beau, ce livre de Taniguchi, avec son toilage, ses coins arrondis, et surtout la force de ses images, récit en aquarelles d’une sensibilité si juste. Taniguchi semble faire partie de ses personnes qui vivent dans un état permanent de nostalgie — c’est leur tension à eux, je pense aussi à Seth, par exemple. Je ne partage pas cette nostalgie, le présent me convient, mais je sais malgré tout apprécier leur sentiment, cette douce manière de considérer l’information sous-jacente au monde.