#2291

Rah là là ça ne va pas du tout, en ce moment j’ai quatre romans en cours de lecture + deux manuscrits et une bio, sans parler des BD, ma boulimie me disperse !

À force de prendre de l’avance dans la rédaction de mes chroniques « Boussole du capitaine » pour le site ActuSF, voici que je viens de rendre celle de décembre prochain — sur What Makes This Book so Great, le recueil d’essais de Jo Walton, dévoré récemment. Et tiens, on va en traduire un, de ces papiers de Walton sur ses relectures, dans le prochain Yellow Submarine (n°137, octobre, couv Timothée Rey).

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#2289

Dernières lectures…

Area X de Jeff Vandermeer, que j’avais acheté parce que mon attention avait été attirée… par la couverture de cette reliure d’un cycle de trois romans. Puis par le résumé. Je n’avais pas du tout suivi la carrière de l’auteur, était curieux de le retrouver. Et le premier volume d’origine est effectivement renversant, des images frappantes, un mystère complet et, dans ce cadre d’un morceau de côte américaine étrangement coupée du monde, une belle gamme de tonalités littéraires : l’horreur lovecraftienne, le « nature writing », le récit de suspense, le malaise de l’inconnu… Le deuxième volume est non moins excellent, approfondissant encore le mystère tout en dévoilant quelques pistes d’explications, dans un huis-clos en labo scientifique situé à des lieux de l’ennui qui m’avait autrefois saisi à la tentative de lecture du Timescape de Gregory Benford. Encore une fois, un usage intelligent de la forme, une psychologie fouillée, un style, un vrai. Et puis arriva le troisième volume… Tout d’abord, sa forme ne me surpris pas : je m’attendais exactement à cela. Ensuite, ces différents récits me semblèrent un tantinet longuets. Enfin, la conclusion… non concluante, justement, me laissa hélas sur ma faim, pas entièrement déçu (la maestria avec laquelle l’auteur approche l’inconnaissable est très forte) mais pas non plus entièrement satisfait. L’auteur nous a fait un Andreas là où j’espérais plutôt un RC Wilson, si j’ose dire — un brin d’épiphanie finale, de révélation « oh wow », m’aurait je l’avoue plus convenu que toute cette « obfuscation » (pour utiliser un terme anglais qui m’amuse toujours)…

Ombria in Shadow est une fantasy de Patricia A. McKillip (autrefois traduite chez Mnémos) qui a acquise dans les pays anglo-saxons le statut de classique : en témoigne sa réédition récente au sein des nouveau « Fantasy Masterworks », très belle collection s’il en fut. Et à moi qui sortait juste du Panorama, ce roman subtil et étrange m’a effectivement constituer une sorte de quintessence de la fantasy, entre intrigues dynastiques, fortes réminiscences des contes de fées, magie et paysages étonnants. Il y a de nombreux niveaux dans ce dernier, comme dans ce chef-d’œuvre d’une suprême élégance.

• Polar américain bien rétro : Give ‘Em the Ax, d’Erle Stanley Gardner écrivant sous le pseudo de A. A. Fair. Donald Lam rentre des combats de la Deuxième Guerre mondiale et retrouve l’agence de Bertha Cool en piteux état financier. Qu’à cela ne tienne, dès que le détective privé se saisit d’une affaire celle-ci prend une importance inespérée. Le héros est d’un flegme à toute épreuve, les décors sont invisibles, les dialogues et les personnages sont des clichés, la société est aux mains des avocats, on ne pense qu’au fric… J’ai trouvé ça amusant mais peu sympathique, en fait.

• Polar « golden age » avec Beggining with a Bash de Phoebe Atwood Taylor, autrice américaine bien oubliée mais que je retrouve chaque fois avec grand plaisir. Une comédie policière dans le Boston de la fin des années 1930, plein de flics incompétents, de gangs de racketteurs, d’hôtels de luxe, de froid et de glace — et de curieux détails de la vie quotidienne.

• Un polar jeunesse des années 1950, Saucer Over the Moor de Malcom Saville – on va dire pour faire simple que c’est du Club des 5 extrêmement mieux écrit et avec, cette fois-ci, de mystérieux petits ovnis au-dessus de la lande de Dartmoor… très amusant et bien fichu, comme toujours Saville, auteur oublié mais de qualité.

• Autre polar « golden age », de JJ Fargeon : Mystery in White, très amusant. c’est une des rééd de la collection de la British Library, ça ne va pas plus loin que le polar jeunesse cité plus haut mais c’est bien sympa, très astucieux comme suspense. Un train bloqué dans la neige, un groupe de voyageurs qui se réfugie dans une maison étrangement ouverte et accueillante mais vide. où sont passés les habitants, quel mystère rôde dans les parages, pendant que la neige englouti tout ?

The First Fifteen Lives of Harry August de Claire North, j’ai la flemme de chercher le titre de la VF mais ça a été traduit chez un nouvel éditeur parisien généraliste, curieusement. Claire North c’est cette jeune femme surdouée anglaise, qui a signé Kate Griffin deux séries de fantasy urbaine qui sont parmi ce qui s’est fait de mieux dans le genre, et des fantasy jeunesse sous le nom de Catherine Wells, si ma mémoire est bonne. elle change de pseudo à chaque fois qu’elle change de style. cette fois, style efficace et direct, pour une sorte de révision ultra « punchy » du Replay de Ken Grimwood, à la sauce Adam Christopher ou Daryl Gregory, mais… en mieux, quoi, cette fille est très fortiche. Dans la race humaine existent des individus qui, lorsqu’ils meurent, se réveillent dans leur corps de bébé pour recommencer à chaque fois leur vie, avec toute leur mémoire précédente. Ainsi, de vie en vie, donc d’univers parallèle en univers parallèle, des êtres non-linéaires font leur existence — jusqu’à ce qu’un d’entre eux commence à vouloir réécrire l’histoire afin d’accélérer le progrès technologique pour bâtir une sorte de machine-dieu…

• En fait, ce Kafka à Paris de Xavier Mauméjean (qui sort fin août chez Alma) est une sorte d’aventure de Spirou (Franz Kafka) et Fantasio (Max Brod) dans le Paris de la fin d’été 1911. Avec beaucoup d’humour, fait d’absurde et de tendre ironie. Avec une belle langue charnue. Avec de jolies tranches de psychogéographie (il n’y a pas pour rien, en tête de roman, une citation de Walter Benjamin). Avec de nombreuses rencontres et un usage formidablement vivant de la documentation historique. Bref, tout cela est bel et bon, moi je dis.

• Il y a peu, paraissait aux éditions Delcourt le dix-huitième volume de la série Arq, une BD d’Andreas qui avait débuté en 1997. Dix-huit années de création, un volume par an. À cette occasion, j’ai réalisé deux choses : primo, que j’avais raté le tome 17 (un oubli qui fut vite réparé) et secundo, surtout, que la série était enfin terminée. Je décidai donc de la lire dans son entièreté, d’un seul tenant. En une seule journée ! J’avais déjà lu une partie de cette série mais, à chaque fois je devais tout reprendre car j’oubliais au fur et à mesure les tenants et les aboutissants d’une histoire particulièrement complexe et, en dépit des excellents résumés qui apparaissaient en première page ou, plus tard, en pages de garde, je perdais pied régulièrement. Jusqu’à ce que je décide de continuer à les acheter mais sans les lire, attendant que la série soit bouclée. L’auteur, de son vrai nom Andreas Martens, bédéaste d’origine allemande installé en Belgique depuis 1973, avait annoncé depuis déjà un bon moment que la série serait formée de 18 volumes, il ne me restait donc plus qu’à attendre — avec confiance car tant la régularité de production d’Andreas (un volume par an dans ses deux séries, l’autre étant Capricorne, chez Le Lombard) que sa constance qualitative, et sa singularité aussi bien narrative que graphique, font de moi un fan de longue date. Et l’attente comme le parcours en valaient la peine, c’est magistral de complexité, de cadence et d’ampleur.

#2288

Autopsie d’un objet anodin / 5

Presque rien : un vieux clou, un fragment de faïence, un caillou rouge, une pierre plate. Le premier, je l’ai ramassé à Londres un matin que je me promenais derrière la gare de St Pancras, au moment où l’on démolissait les vieilles arches de brique pour les réaménagements de l’Eurostar. Ce vieux rivet en métal sombre, teinté de rouille, est un artefact de ces lieux disparus, industriels, victoriens. Le deuxième, je l’ai ramassé à Londres un jour où j’étais descendu au bord de la Tamise, à marée basse. Sur les caillasses et dans la vase du bord de l’eau, des tas de petits fragments sont amenés et remportés par le fleuve, comme ce tesson de vaisselle, vernissé de blanc dessous, et décoré d’un motif bleu, peut-être Wedgwood, sur le dessus. Le troisième, ramassé le même jour et au même endroit, n’est pas un simple caillou : il s’agit d’un morceau de brique, que la Tamise a tellement roulé qu’il est en devenu caillou rond. Enfin, le quatrième, je l’ai ramassé sous la pluie d’une visite du château de Tintagel. Le fils de Jean sans terre, Richard de Cornouailles, fit ériger cette fortification pour essayer de s’inscrire dans la lignée mythique d’Uther Pendragon. De nos jours c’est essentiellement une instable pile d’ardoise juchée sur des précipices au-dessus de la mer. Ces quatre presque rien, flotsam and jetsam, je les garde sur le bord d’une des étagères de ma collection de livres sur Londres et le Royaume Uni. Objets fétiches.

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#2287

Autopsie d’un objet anodin / 4

Un jouet en plastique, en forme de sous-marin. Jaune, le sous-marin. On est censé l’utiliser dans le bain, il se remonte et se propulse à la surface de l’eau. Je n’ai jamais testé son fonctionnement : il s’agit simplement d’un gadget décoratif, qui trône sur la même étagère que l’ensemble de la collection du fanzine « Yellow Submarine », que j’ai lancé en mars 1983 et qui continue encore, parfois, à paraître. Le premier numéro était paru à Bordeaux, le prochain paraîtra aussi à Bordeaux, 32 années et des poussières plus tard. Ce petit objet m’a été offert au début des années 1990 par ma vieille amie écrivain Sylvie Denis. Celle-ci se trouvait alors en exil dans le Nord profond, à Denain, et avait repéré un petit sous-marin en plastique dans la devanture d’une boutique. Elle rentra donc, pour demander s’ils n’auraient pas le même modèle mais en jaune. Ils avaient ça. Objet amusant.

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