Lectures… Quoi donc cette dernière quinzaine ? Voyons voir, que je n’oublie rien : une amusante comédie policière de 1942, The Six Iron Spiders de Phoebe Atwood Taylor. Autrice américaine du Golden Age quasi inconnue chez nous, je l’ai déjà dit, mais qui me plaît beaucoup, toujours divertissante et astucieuse. Dragonhaven de Robin McKinley, traduit chez Mnémos, c’est de la fantasy plutôt jeunesse, très originale, fort agréable et enlevée. Deux Patrick Modiano, Pedigree sur ses souvenirs de jeunesse — totalement éclairant sur la source de son imaginaire, sur les personnages que le hantent et sur la « magie des rues » qu’il affectionne ; et De si braves garçons, illustration directe de cette inspiration, dans un roman à la structure assez originale — que de la narration à la première personne mais l’on passe d’un protagoniste à un autre sans grands repères. J’ai plusieurs fois songé à Rêve de Gloire de Roland C. Wagner, construction proche, ambiances voisines du fait de l’époque en partie narrée, j’ai presque lu ce Modiano comme une suite du Wagner, en fait, et ce fut à la fois fort plaisant et un peu mélancolique, comme il sied après tout à Modiano. Et d’autres souvenirs : ceux d’Henry Muller dans Trois pas en arrière, sur ses années comme homme à tout faire éditorial chez Grasset, c’est désuet et snob, captivant pourtant, touchant, merci professeur X. de me l’avoir conseillé.
Archives mensuelles : septembre 2015
#2307
Ce week-end je vais quitter un peu mes douces pénates bordelaises, pour me rendre… oh pas très loin, dans le petit port répondant au nom chantant de Gujan-Mestras, pour tenir le stand des Indés de l’imaginaire au salon du thriller, en compagnie de ma consœur Marie — on va faire très « Chapeau melon et bottes de cuir », ensemble.
#2306
Ces derniers jours j’étais patraque, rien de grave, juste une petite crise de mon problème de digestion chronique — peut-être avais-je consommé du glutamate sans le savoir, enfin bref. Ce matin, après pourtant une nuit passablement blanche, je me suis levé étonnamment gaillard. J’ai donc décidé d’aller me promener un peu, en tentant une idée que j’avais eu. C’est fou ce qu’un simple billet de bus peut vous conduire loin. Car voyez-vous, la marche à pieds c’est bien, le vélo c‘est chouette, mais je ne peux explorer aussi loin que je le voudrais mon environnement bordelais, tout de même.
J’ai donc rejoins le bus 91, sur l’autre rive, et l’ai pris… jusqu’à son terminus, à Ambès. Le but étant de voir comment c’est, tout au long du fleuve… Et je ne suis pas déçu : intéressant de voir comment la ville cède vite la place à un long balbutiement entre ruralité et industrie, ici les ziggourats d’engrais et de pétrole, ici les prés et les blés, quelques villages et beaucoup d’espace naturel, tandis que l’eau enfle, s’élargit, ample Garonne qui descend vers sa confluence avec la Dordogne. Çà et là des panneaux rappellent le contexte fluvial, « Cale de mise à l’eau », « Voilerie de l’estuaire », « douane pétrolière »… Toute la rive se piquette de cabanes perchées, sauf dans les zones véritablement portuaires, où j’ai vu un beau tanker orange vif amarré auprès des hauts zigzags de passerelles en ferraille et des grandes grues. Après un curieux cimetière de caveaux pyramidaux alignés en rangs serrés, le terminus s’avère une déception, Ambès n’est qu’une bête banlieue sans âme, les pavillons alignés comme les tombes précédentes, aussi vivants. Une banlieue de rien, l’extrémité de cette terre n’est que zone industrielle. Et le bus 92 ne coïncide pas, j’espérais rentrer par le bord de l’autre fleuve, tant pis, je fis le retour comme j’étais venu, voyant d’autres choses, observant les yeux bien ouverts ces paysages du lointain bordelais, à la fois anodins et poétiques.
#2305
Ayant relu le sixième Harry Potter, je me suis dit que j’allais continuer avec J. K. Rowling et ai donc embrayé sur son deuxième polar sous pseudo. J’avais beaucoup aimé le premier, les deux héros sont attachants et bien campés, l’intrigue était chouette — ah mais hélas, si les héros sont toujours aussi sympathiquement brossés, et le début fort attirant, il ne tarde pas à y avoir de véritables longueurs dans la narration et les seconds rôles s’avèrent tous plus grimaçants et caricaturaux les uns que les autres. J’ai reconnu les défauts grand-guignolesques qui avaient été reprochés par les critiques au premier roman de Rowling post-Potter, que je n’ai pas lu. Cela reste bien écrit et assez captivant, mais tout de même, plusieurs fois j’ai eu la tentation d’abandonner ma lecture.
Pour me remettre de ce si imparfait roman, j’ai embrayé dans le troisième des nouveaux Nero Wolfe par Robert Golsborough, encore une fois du niveau des meilleurs Rex Stout — décidément le retour de cet auteur à l’univers new-yorkais d’Archie Goodwin et de son excentrique patron, resitués dans leur contexte historique, lui réussit formidablement bien.
Et pour continuer dans le polar historique, j’ai entamé un Phoebe Atwood Taylor de 1942 (une autrice américaine du Golden Age, quasi inconnue chez nous), où Asey Mayo son « Sherlock du Cape Cod » revient chez lui en plein exercice de First Aid. Pour le coup, voilà un roman réellement d’époque et l’éditeur de cette réédition n’a pas jugé bon d’introduire la moindre note, je m’amuse donc à reconnaître les références. Le détective est stupéfait de voir que toutes les femmes sont en pantalon, il lit dans le journal Joe Palooka (j’ai vérifié, il s’agissait d’un comic strip sur un jeune boxeur) et Skeezix (Gasolyn Alley, strip de nos jours réédité, j’ai lu les trois premiers volumes), on évoque l’Axe et la trouille des espions, et quand il jure ne pas vouloir de ce genre d’histoires, Asey affirme qu’il n’en fera pas un E. Philips Oppenheim (auteur de thrillers célèbre à l’époque)…
#2304
Goût d’enfance : avant de certainement reprendre ma lecture des Harry Potter (je dois encore finir le 5 et relire le 6), je fais un détour par ce qui pour moi demeure une réelle lecture d’adolescence, à savoir des Nero Wolfe. C’est mon grand-père qui en achetait, dans la traduction de chez Fayard, et je suis très attaché à cette série policière américaine, œuvre de Rex Stout. Curieusement, c’est assez méconnu chez nous en dépit du grand nombre d’éditions successives. J’avais malgré tout consacré à Nero Wolfe, le détective new-yorkais obèse, un volume de la « Bibliothèque rouge » (avec pas mal d’aide de Baudou et Mauméjean), car c’est une figure majeure du polar. On ne dira jamais assez combien est féconde cette tension narrative entre les modes « Golden Age » et « hardboiled ». Je n’avais pas alors introduit dans la chronologie de cette biographie les suites écrites par Robert Goldsborough, parues dans les années 80-90, qui avaient comme gros défaut de se situer dans les années 70-80, donc trop tardivement pour être réalistes… Il leur manquait un zeste historique, un surcroît d’atmosphère… Mais je viens de découvrir que le monsieur s’est remis à la tâche, et je viens de lire Archie Meets Nero Wolfe, datant de 2012. Cette fois l’auteur a compris son erreur et place ses nouvelles intrigues dans le flux historique de l’existence des deux héros : ce tome-ci se déroule au moment où Archie va entrer au service de Mr Wolfe, à l’époque de la Prohibition. C’est délicieusement reconstitué, très fidèle et très amusant, un joli plaisir de lecture. Allez, je vais en déguster un autre.

