#2559

Sur la page d’accueil du site des Moutons électriques, le quatrième menu se nomme « thématiques ». Nous y avons répertorié divers motifs récurrents des livres que nous publions — et au sein de ces regroupements, vous noterez peut-être le terme de « nature writing ». Trois titres seulement, trois romans, y apparaissent : Conte de la plaine et des bois, de Jean-Claude Marguerite ; Dur silence de la neige, de Christian Léourier ; et La Lisière de Bohème, de Jacques Baudou. Mais qu’est-ce donc que le « nature writing », bon sang de bois ? Eh bien, il s’agit d’un genre littéraire à la double nationalité : dans sa version anglaise (celle que je préfère), il s’agit d’écrire sur le rapport intime entre l’homme et la nature, entre la culture et la nature, à travers aussi bien le jardinage (art anglais s’il en est) que la promenade, l’observation ou la philosophie, les espaces encore sauvages aussi bien que la campagne, mais également les franges urbaines. Dans sa version américaine, c’est véritablement la littérature des grands espaces, introspective et sensuelle, feu de bois et canyon, celle que l’éditeur Gallmeister promeut assidument. J’avoue ne goûter que fort peu celle-là, généralement d’une virilité triomphante et peu écologiste, une littérature de chasseurs plutôt que de naturalistes, un truc d’hétéros à grande gueule en chemise à carreaux, imposé par l’américanisme galopant de la branchitude française canal Colin historique. La mentalité américaine m’irrite, je préfère ô combien l’approche britannique, ouverte, contemporaine et sensible — j’ai d’ailleurs constaté avec intérêt que si une partie de ces ouvrages de réflexion / observation sur la nature sont l’œuvre de naturalistes, un certain nombre l’est également de poètes. Tout cela pour dire qu’à travers les trois romans que j’ai eu la chance de publier, j’ai déniché un petit peu d’une expression francophone du « nature writing », une approche bien à nous où un brin de fantastique permet de toucher à notre rapport avec l’environnement naturel — un fantastique à ciel ouvert (*). J’en veux pour preuve, par exemple, que le Marguerite répond presque exactement à la définition qu’esquissait du « nature writing » un journaliste du Figaro il y a quelques années : « Un homme. Un chien, peut-être. Un homme et son chien, éventuellement ! Des arbres, du ciel, de l’eau, de la neige, des cailloux. Des parties de pêche, de chasse, et beaucoup de solitude. »

Aurai-je l’occasion de publier d’autres romans relevant du « nature writing » ? On verra bien, il s‘agissait de rencontres de hasard. En attendant, je fus heureux de les saisir, ces belles occasions, et pour mon propre plaisir je reviens régulièrement à ce « nature writing » anglais que je découvris par hasard, un jour, par la grâce d’un étalage de librairie londonienne.

(*) … auquel je raccrocherai aussi Le Pays sous l’écorce de Jacques Lacarrière, cet étrange et poétique récit que je n’ai eu de cesse de chroniquer et re-chroniquer au fil des années, jusqu’à l’introduire finalement dans le Panorama illustré de la fantasy & du merveilleux.

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