#4088

Pas mal lu durant ces quelques jours de pause en pays d’enfance. Fini un énorme manuscrit, lu la moitié d’un autre (les deux excellents), et relu l’étonnant Mémoires de Maigret où Simenon livre bien des clefs de la biographie de son grand flic et s’excuse en abyme de toutes ses contradictions — il faudrait refaire une bio de Maigret sur cette base. Lu aussi Absence de Mario Ropp, conseillé par l’ami Pagel, où plus Sagan que jamais la dame livre un non polar froid et tendu. Je commence maintenant la dérive surréaliste Les Dernières nuit de Paris de Soupault, autre pseudo polar. Je lis beaucoup ces derniers mois en dehors de ma « zone de confort », c’est-à-dire en territoire de la « blanche » plus ou moins ancienne (moderne plutôt que contemporaine, disons), motivé par des questions de style, d’étude des manières d’écrire, en fait.

#4087

Je tiens à ce rituel, celui d’une promenade dans les rues de Chinon, la petite ville tourangelle qui fut celle de mes grands-parents paternels. Une sorte de pèlerinage en somme, à humer cette poésie citadine ancienne en un maigre jour d’hiver. Les souvenirs des commerces d’antan accompagnent nos pas comme une ville fantôme, ici se trouvait la boutique d’opticien de mon grand-père, là un marchand de tonneaux, ici la boucherie chevaline porte encore son enseigne, là un coiffeur à la célèbre excentricité, la boutique en entresol de la libraire madame Robin, le pressing, un marchand de légumes, une marchande d’instruments de musique… Une sorte d’âge d’or que nous retraçons, dans des rues pour la plupart vides et aux devantures closes, le commerce ayant déserté toutes ces petites bourgades dans la tyrannie du centre commercial et de l’automobile.

#4086

Sous les veines blanchâtres d’un ciel bleu pâle, les grues, hangars et équipements du port se dorent au soleil hivernal comme des os. Les mares turquoises se succèdent après des bois de brindilles brunes, puis passe la Dordogne plate et grise. Des camions multicolores filent sur la route, les voitures sont des hannetons. Dans le couloir du train, un voyageur tintant et harnaché comme un scaphandrier passe en ahanant, il tire au bout d’une laisse une grande valise rose. Un chat pleure. Les grumeaux secs d’une lande, les troncs blancs de bouleaux dénudés, les rangs de sapins ébouriffés, des sentiers blonds dans le sable… Les rails filent et le voyageur perd son attention.

#4085

Je me souviens que, lorsque je vivais à Lyon, ville où je me sentais un peu étranger et pour laquelle je n’avais jamais développé d’attachement, je ressentais un certain plaisir chaque fois que je devais en partir. Un petit frisson d’évasion. De Bordeaux en revanche, ma ville d’élection, je n’éprouve au départ jamais qu’une sorte de réticence, un regret de m’éloigner même pour peu de jours, même pour des vacances.