#6090

Longtemps qu’il n’y avait pas eu de promenade du samedi matin. Le ciel encore frais se chargeait de nuées en foule, le soleil perçait à peine sous les voiles gris, un œil trouble et éblouissant. Les verts coteaux de Lormont esquissaient une danse des voiles sous des fumées bleutées. Tout semblait doux. Puis l’azur s’est dégagé en grande chaleur et le promeneur fourbu a regagné ses pénates plutôt que de flâner plus longtemps sous la lumière rude.

#6089

Un très long moment ce matin, le glas a sonné à la cloche géante de la porte médiévale que l’on nomme la Grosse cloche, un monument que je ne cesse d’admirer à toutes heures et sous toutes lumières, qui cette fois prenait un aspect de solennelle violence – pour marquer les 80 ans de la libération de Bordeaux. Tout le quartier résonnait de cette voix grave, le choc de l’airain dans le jour clair d’une fin d’été.

#6088

Je ne voyage plus guère mais, ces derniers dix jours, j’ai retrouvé le sentiment familier de ce que la France relève plus d’une fiction collective que d’une ferme réalité. À faire un tour dans la petite ville tourangelle de Chinon, qui m’est si familière que j’envisage paisiblement d’un jour peut-être y prendre ma retraite, mais bien plus encore à arpenter les rues pentueuses et les quais larges de Rouen, à contempler sa cathédrale si étrangement gommée et ses bousculades de maisons à colombages, et à constater que l’on y revendique partout et très officiellement l’identité normande, tout comme ici la Nouvelle-Aquitaine semble parfois au bord de l’autonomie nationaliste, j’ai eu le sentiment de me trouver en terre subtilement étrangère. Et pourtant, j’étais également en plein territoire de cultures connues, les impressionnistes au musée des Beaux-arts, Monet forcément, Flaubert, Maupassant, Leblanc, et même André Maurois dont j’ai rapporté pour le souvenir un joli petit volume de 1948 imprimé en rouge, sur Rouen dévasté. N’en déplaise au centralisme parisien, la France est bien une fédération.

#6086

Je repars de Rouen avec le sentiment du devoir accompli : l’objet de cette « résidence d’écriture » était de finir de rédiger avec un ami cher et néanmoins normand le synopsis d’un roman que nous avons débuté en fin d’année dernière. Et c’est donc chose faite, synopsis complet, ce qui est ma foi plutôt satisfaisant.