#2898

Drôle d’époque, oui, mais aussi, plus intimement, très personnellement, drôle de moment d’écriture. Vous savez, ou pas, que j’ai publié deux recueils de nouvelles sous le pseudonyme d’Olav Koulikov, chez le petit éditeur Les Saisons de l’étrange. En fin d’année, j’y publierai également un court roman, Menace sur l’Empire. Les trois ouvrages appartiennent au même univers, avec les mêmes personnages : une uchronie anglo-russe où le détective privé Jan Marcus Bodichiev et son assistant Viatcheslav Koulikov mènent, au fil des années, diverses enquêtes. Ces documents sur un univers parallèle sont réunis après la mort de Viat par son fils, Olav.

Il s’agit d’un univers auquel je travaille et cogite depuis de très nombreuses années : j’ai commencé à écrire ceci vers 1997 et, tout de suite, la première nouvelle fut acceptée par Serge Lehman pour son anthologie événement, Escale sur l’horizon. Beau début ! Las, ça n’alla guère plus loin : deux autres nouvelles furent acceptées pour des anthos qui ne virent jamais le jour, une plus tard dans la revue québécoise Solaris… et c’est tout, finalement. Moi qui avait démarré bille en tête, croyant tenir « quelque chose », je fus rapidement douché par les réponses des éditeurs : « trop polar et pas assez SF », « trop SF et pas assez polar », « c’est des nouvelles » ; les refus en pluie. Je m’accrochai un moment à cet univers, y trouvant même un refuge lors de ma dernière et douloureuse année de libraire : écrire pour s’évader.

Et puis il fallait bien que je me rende à l’évidence, je laissai de côté tout cela, avec beaucoup de textes inachevés, les Moutons électriques venaient d’être créés et me prenaient toute mon énergie, j’y investissais tout mon enthousiasme.

De temps en temps, par sursaut, je proposais encore le recueil — avec toujours des refus. Jusqu’au miracle tardif : un micro-éditeur qui se déclare vaguement intéressé, et au même moment, Melchior Ascaride, nouvellement éditeur, qui me téléphone qu’il adore et qu’il veut absolument publier Bodichiev. Ainsi décidai-je de signer Olav Koulikov, à la fois par jeu et par défiance envers les représentants d’Harmonia Mundi. Le placement fut bon, la vente fut bonne — ouf !

L’aventure continua donc, avec un deuxième recueil publié dans la maison devenue indépendante, et ces derniers temps les corrections du roman, troisième volet d’un cycle dont j’ai décidé qu’il en comporterait quatre.

Et puis voilà : je me retrouve maintenant dans la rédaction du fameux tome quatre, un dernier recueil de nouvelles et novellas. Et de me dire qu’il va falloir dire adieu à cet univers, trouver par conséquent moyen de « caser » dans ces sept dernières fictions tout ce qu’il me restait d’envies, thématiques, atmosphères… engrangées durant toutes ces années. Car bien sûr, sous couvert de ces petits polars, se glissent de très intimes inspirations. Le roman par exemple naquit de deux rêves, l’un sur mon boyfriend du moment et l’autre sur un garçon que je venais de rencontrer. Puis certaines scènes, oniriques aussi. Et des promenades dans Villeurbanne (aussi étrange que cela puisse sembler), puis encore un projet de bédé, puis enfin un projet de roman avec Ugo Bellagamba. C’est tout cela, qui se trouve concentré dans Menace sur l’Empire. Vingt années d’imaginaire, en fait. Des images persistantes à se tirer de la tête.

Idem avec le présent recueil, dont je viens d’écrire deux des sept nouvelles. Une étape indispensable : une petite histoire située à la fin de la vie de Bodichiev, lorsqu’il se trouve à la retraite à Biarritz. Une évocation de dirigeables et un petit aperçu de la maison du détective au bord du canal. Presque rien à chaque fois, mais des bribes, de micro atmosphères auxquelles je tenais. Ensuite ? Il faudra que je termine les deux novellas entamées il y a si longtemps ; une enquête de Viat seul serait plutôt bien, une histoire de fantôme si possible. Quelque chose en Italie, Firenze ? Mais il y a aussi une nouvelle située à Bordeaux, huit alors ? La fiction en forme de documents judiciaires, inspirée par les études de droit de mon fils (celle-ci est presque terminée). Ce sera alors le clap de fin. Allez, j’y retourne.

#2854

Ces deux derniers étés, j’ai écrit des romans — courts, dans le temps que je pouvais m’impartir. L’un a trouvé preneur, l’autre pas (pas encore, fit-il en feignant l’optimisme). Menace sur l’Empire et Après la guerre. J’ai réalisé, discutant ce week-end avec mes amis graphistes, qu’un instant je mélangeais le début de l’un avec l’autre : c’est que les deux remontent et bouclent, en quelque sorte, un imaginaire personnel développé il y a déjà longtemps, celui de certaines années lyonnaises, et que je me suis efforcé dans ces deux textes de capter, de circonscrire assez complètement. Menace sur l’Empire, il s’agissait tout d’abord d’un synopsis développé pour un copain bédéaste, qui n’alla pas bien loin, puis d’un autre synopsis, développé celui-ci avec Ugo Bellagamba dans l’espoir de l’écrire ensemble, cela n’alla pas non plus bien loin. Je n’ai rien gardé des apports d’Ugo, sciemment, afin de développer mes propres idées, ambiances, inspirations d’alors, si longuement infusées. L’autre roman était né d’un essai de début d’ébauche de collaboration avec Jean-Jacques Girardot puis d’une commande de Sébastien Hayez, les deux inaboutis. Deux éditeurs l’ont déjà refusé, les jeux sont faits, rien ne va plus.

#2852

Bonheur tout neuf : la couverture par Melchior Ascaride de mon prochain roman. Chez Moltinus, collection « Les Saisons de l’étrange », comme les précédents, mais cette fois il s’agit d’un roman — écrit l’été dernier d’après deux synopsis et un début… fort anciens —, pas d’un recueil de nouvelles. L’aboutissement de pas mal de choses dans mon imaginaire personnel. Arcologie, aérotrain, morts étranges… et une Menace sur l’Empire.

#2848

Plus d’une centaine de kilomètres-heure, les rafales de vent sur Bordeaux, ça gronde et siffle depuis hier soir, avec les gifles grises de la pluie… Et une autre tempête vient de décrocher l’archipel britannique, quelle tristesse. J’avais déjà dit il y a quelques semaines que je pensais ne pas revenir à Londres avant quelques années, et me concentrer sur la fiction de ma ville favorite for the time being, ça se confirme donc, et peut-être aurai-je en revanche l’occasion de retrouver l’Écosse après son indépendance… Bon, je sais pas si vous avez remarqué mais c’est bientôt Noël, et je ne sais pas si, pris en otage par le gouvernement, je ne vais pas le passer seul à Bordeaux faute de pouvoir rejoindre la Touraine de mes parents, on verra bien, en tout cas et si je puis me permettre un brin d’auto-pub, la mise en place et le taux de réassort de mon petit London Noir font partie des très bonnes surprises offertes par le nouveau diffuseur des Moutons électriques et je ne peux que vous suggérer l’achat de cet opuscule ô combien peaufiné, produit ultime de mon obsession pour la métropole britannique…

#2841

Mes lectures ces derniers mois furent assez peu orientées vers la fiction, je ne sais trop pourquoi — oh j’ai tout de même lu ou relu les novellae sélectionnées pour la soirée du 27 novembre, et Les Enfants terribles de Cocteau (dont je remarquais half-jocklingly ce matin chez une copine que « j’ai plutôt regretté que la lumineuse homosexualité assumée du début sombre dans de regrettables errements hétérosexuels dans la suite du roman », mais je le pense sérieusement), mais sinon j’ai plutôt voleté d’un essai à un autre, ou à des biographies. Ainsi ai-je lu en rentrant de Londres un chouette essai psychogéographique sur les parkings de supermarché — si. Ces jours-ci cependant j’ai entamé l’un de mes péchés mignons : la lecture du nouveau « Bryant & May » par Christopher Fowler.
 
Remarquable qu’une série aussi étrange et originale puisse avoir ainsi atteint son dix-huitième volume, et c’est un recueil de nouvelles, en plus, ce qui est réputé être « invendable » (c’est le deuxième). Je lis toujours la série de Fowler avec un mélange d’excitation et de jubilation, teinté d’admiration assurément : son cocktail hautement personnel de passions incarnées en une suite de polars, s’accorde idéalement et tout à la fois à mes propres goûts (pour le folklore et la psychogéographie de Londres, pour les « détectives de l’étrange » et pour la forme classique du roman policier) et à mes aspirations : lorsqu’il y a une bonne quinzaine d’années (or is it rather twenty?) je m’étais lancé dans l’écriture des enquêtes de Bodichiev (qui paraissent maintenant sous le pseudonyme d’Olav Koulikov, chez les Saisons de l’étrange), c’était en m’imaginant que l’on ne saurait être un bon écrivain qu’en écrivant sur ce qui nous tient intimement à cœur. Une conversation avec un ami the other day m’a remis en tête le sot commentaire d’un comité du CNL, qui me refusant une subvention d’écriture estimait quelque chose comme « On ne comprend pas où vous voulez en venir »… Uchronie & polar, ç’en était trop pour la culture littérature blanche de ces lecteurs officiels, apparemment, misère. Enfin, après des masses de refus au fil de longues années, et un premier accord qui ne me satisfaisait guère, mon enquêteur a trouvé sa niche idéale chez un petit éditeur de « détectives de l’étrange » — et je ne saurai exprimer à quel point c’est un bonheur pour moi. Un court roman est en lecture chez eux et j’avance tranquillement sur un troisième recueil de nouvelles, avec des envies / idées encore ravivées par mon récent passage à Londres.