Les premières figues de l’année, ça ne console pas de la chaleur accablante ni de la mollesse estivale, mais ça se laisse manger. Quelques bouchées, tellement sucrées qu’elles en agacent les dents.
Archives de catégorie : journal
#2922
Déjà la fin juillet de cette étrange année à l’avant-goût douceâtre de fin du monde. Pourtant on survit. Non sans séquelles psychologiques je suppose, l’enfermement, la solitude ; je pensais aller à Prague, Rome, Paris et Metz, je suis resté au fond de mon impasse bordelaise, et l’impression s’installe durablement que ma petite maison se trouve à l’ancre comme une sorte de bateau immobile entre la mer des toits et le fleuve ferroviaire : chaque midi hisser les voiles (ouvrir le parasol, déployer la bâche), chaque soir manœuvrer les écoutilles (ouvrir en grand les Velux pour aérer l’étage, ouvrir l’imposte du couloir pour créer une circulation d’air), échapper pour le moment au fait de dormir à la cale (la chambre d’été, au niveau de la cave), quant au ballast, oh, tant de livres, tant de livres. Lassitude, je n’aime pas l’été.
#2921
Hier soir le ciel ouvrait sur les toitures basses ses cuisses grises et cette nuit, avant une fine pluie, il repeignait la ville d’une grande lactance blafarde sur laquelle les nuages s’inscrivaient en négatif, nuées sombres et filandreuses qui glissaient en biais au-dessus du jardin, comme des contorsions de suie, presque inquiétantes dans leur lente détermination.
#2920
Un dragon se contorsionne dans le ciel enflammé et je rentre d’une de ces promenades solitaires où je me fais toujours vaguement l’effet d’être le personnage d’un roman calme et froid à la Modiano, le vieux type qui pratique la marche parce que c’est ne rien faire, mais en mouvement, qui rumine souvenirs et bouts de textes, part cueillir des bouquets urbains – hautes graminées qui sèmeront leur son sur les livres, branches fleuries de budleia qui embaumeront longtemps le salon – et au passage s’arrête à toutes les boîtes à lire : ce soir tiens donc, j’en ai rapporté un roman de Modiano.
#2919
Un train passe et dans ce vent froid du matin le souffle pousse vers moi son long grondement de bronze, entre marée et orage. J’ai lu que de nouveaux habitants de Lormont voudraient que cessent les appels sonores obligatoires : s’installer au-dessus d’une zone ferroviaire trouée de tunnels et vouloir que les trains se taisent, quelle effarante sottise.