Étant jeune, j’avais adoré une bédé au scénario signé Delporte & Franquin, sur dessins de Jannin : « Arnest Ringard et la taupe Augraphie ». La séquence d’ouverture de la série, en particulier, possédait la limpidité d’une évidence : cette vague curiosité que l’on peut ressentir en voyant de l’autre côté de la vitre d’un train défiler de petites maisons avec leurs étroits jardins, adossées en rang contre le talus ferroviaire. Quelles vies dans ces logis, quelles existences dans ces jardins ? Et l’on se surprend à cette apophénie du quotidien qui consiste à esquisser des scénarios, à établir des motifs et des hypothèses… et puis le train file, et l’on ne saura jamais. J’imagine qu’il s’agit en partie aussi la séduction de ce récent best-seller anglais, Girl on the Train. Cet après-midi, assis sur mon carré d’herbe, j’ai levé le nez d’un bouquin pour contempler d’abord une vaste mousse blanche qui montait derrière les toits de tuile, nuées à l’assaut du bleu du ciel ; puis, baissant un peu le regard, considéré l’ordinaire spectacle devant moi, le bout de jardin, les plantes frémissant et dodelinant, la porte-fenêtre ouverte sur l’intérieur ombreux, et m’a frappé le fait que ça y était, ma vie s’inscrivait parmi celles que l’on regarde passer depuis le train. Certes l’emprise ferroviaire ne passe pas derrière chez moi mais en tête de l’impasse, dans l’atténuation visuelle d’une profonde tranchée ; avec pour seul passage dominant cette rangée d’échoppes, celui de quelques félins au sommet d’un mur aussi haut qu’épais. L’idée demeure : un maigre jardinet, l’opacité d’une maisonnette, un homme d’âge mûr, trois chattes d’âges variés et quelques milliers de livres. Mais ni taupe ni trésor, à ma connaissance.
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#2380
Tiens, au fait, je ne vous ai pas raconté : vendredi dernier j’ai effectué, en compagnie de Michel Pagel, un véritable pèlerinage impie. En allant à Angers, nous avons fait un crochet par la Vendée de la « Comédie inhumaine », et en occurrence par les villages de Chauché et de La Rougemurière, qui en sont le cœur vénéneux. Las, il faisait un temps de chien et la cellule photographique de mon iPhone est quasi morte, la plupart des clichés ne s’avèrent donc être que du noir-gris tremblotant ou du vert flou, mais voici malgré tout quelques images de ces lieux maudits…
#2378
#2377
Très fine devait être la membrane entre la vie des rêves et la vie réelle, ce matin, un peu avant 6h, lorsque le chant du merle (tintements, glissements et boucles) me tira de mon sommeil. Je restai un moment à l’écouter, plaisamment embourcagé entre le petits corps de la chatte grise, mes deux oreillers et les plis épais de la couette. Un instant suspendu dans le confort.
#2376
Je ne l’aperçois que rarement et, chaque fois, son envergure m’impressionne. Un rapace a fait sien mon quartier et, de temps en temps, je le vois passant bas au-dessus des jardins. Gare au merle. Bien plus que mes chattes, ce faucon pèlerin lui constitue sans doute un ennemi redoutable et j’entendais d’ailleurs tantôt des tac-tac-tac d’alerte. Étonnant faucon qui, à l’instar du renard, s’inscrit au nombre de cette sauvagine si bien acclimatée au milieu urbain. Tout de même, que ces rapaces des falaises aient adopté les tours de La Défense ou les gratte-ciel de la City, je le conçois, mais à Bordeaux cette ville basse, et qui plus est dans un quartier du sud, où il n’y a guère que le paysage peu élevé des échoppes et de l’échancrure ferroviaire ? Notre faucon pèlerin vit pourtant bien ici depuis quelques années et il n’y a pas à le confondre avec un autre volatile, fut-ce le milan noir dont j’ai lu qu’il existe également chez nous : ces immenses ailes beiges, ça ne trompe pas. La barrière de Bègles, cette jungle.






