#4080

Au bord d’un ciel bleu sombre et poussiéreux, le visage blanc éclatant de la lune émerge comme un profil, de trois quarts. Dans la senteur de fumée du soir, une ample rumeur urbaine brasse et froisse comme une marée, d’où émerge au galop un train, tout vibrant. La clôture de canisse vibre également, dans la lueur orangée de la lampe. Le sol se souille de langues noires, celles des feuilles mortes du micocoulier, que je n’ai pas encore balayées. Mon jardin nocturne et hivernal.

« Bizarre manie que celle qui fait que la plupart des hommes ferment les yeux sur tout ce qui les entourent, et ne les daignent ouvrir qu’à cinq cents lieues de leur pays. » (Alphonse Karr)

#4079

Sortir poster une énorme brassée de paquets avant la levée de midi et respirer l’air doux, apprécier le ciel d’un bleu lumineux au-dessus des façades blondes et longues. Après le collage architectural déréglé de la banlieue parisienne, son ciel gris et sa frénésie urbaine quasi cyberpunk, toute cette tension, j’avoue que le petit provincial que je suis retrouve avec un soupir de gratitude son environnement familier. Je suis allé me promener un peu, porté par une quiète sensation de stabilité.

#4078

Tram, bus, métro, des rues, des rues, des ponts, une ville si immense que pour le piéton provincial elle approche un infini de pierre, de macadam et de béton. Même au sein d’une forêt comme celle de Meudon, la ville enlace et pénètre partout, ces quelques jours furent pour l’amoureux d’urbain que je suis un calme vertige, proche de celui de Londres mais en collage plus dense – avec des pépites au long du chemin, comme le kebab « Aucune idée », la station « Brimborion » ou les cosmopolites passagers d’un instant métropolitain (la princesse indienne, le rockeur, la révolutionnaire sud-américaine et le vieux germano-pratin). Fatiguant, bruyant, froid, mais brièvement fascinant voyage, en dépit du contexte peu amusant des hommages aux amis disparus.

#4073

Combien sommes-nous à entretenir une coupable nostalgie ? J’ai découvert avec amusement que mon excellent camarade Gerardo exprime comme moi une forme d’incrédulité à voir Bordeaux la blonde, lorsque nos souvenirs retiennent une ville aux murs sombres. Le cours Victor-Hugo en particulier demeure dans mon image mentale d’une vraie noirceur, des immeubles peints de suie. Le juppéisme arrosa les façades de subsides européens afin de nettoyer la ville mais n’interdit pas le trafic automobile : le cours Victor-Hugo n’est plus noir mais perd également, peu à peu, de sa blondeur retrouvée, pour se voiler d’une regrettable grisaille.